Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 13 bis prévoit que France Télévisions met à disposition des distributeurs qui en font la demande dans les collectivités d’outre-mer « tout ou partie des services de télévisions nationaux qu’elle édite ».
L’application de cet article tel qu’il est rédigé créera des distorsions entre les citoyens français d’outre-mer et ceux de la métropole, car les dispositions générales concernant le must carry, c'est-à-dire l’obligation de diffusion, ne seront plus appliquées dans les territoires de l’outre-mer français.
En effet, selon l’article 3 du décret du 1er septembre 1992 concernant l’autorisation d’exploitation des réseaux distribuant des services de radiodiffusion sonore et de télévision par câble, ces derniers doivent offrir en simulcast, ou diffusion simultanée, l’ensemble des chaînes hertziennes, publiques ou privées, normalement reçues dans leur zone de desserte.
La commercialisation en outre-mer des chaînes nationales de service public, non distribuées sur ces territoires, créera deux catégories de citoyens : ceux qui auront les capacités financières d’accéder aux chaînes de service public de la métropole qui sont bien dotées en programmes et ceux, aux revenus plus modestes, qui devront se limiter aux deux ou trois chaînes locales publiques et privées.
L’effet sera d’autant plus dommageable que le service public France Télévisions prévoit le déploiement de l’intégralité de ses chaînes nationales sur l’ensemble des territoires d’outre-mer dans le courant de l’année 2009 grâce au numérique de terre – la TNT –, qui est, par définition, associé à la notion de gratuité, de liberté de concurrence, de respect du pluralisme et de qualité d’image et de son.
Par ailleurs, la commercialisation outre-mer des chaînes nationales du service public va certainement fragiliser les chaînes locales de service public, notamment RFO à travers ses « télés pays », qui puisent près de 80 % de leurs programmes dans le catalogue des chaînes nationales précitées.
Plus préjudiciable, France Télévisions devra faire l’acquisition de droits additionnels pour la diffusion sur les « télés pays » de programmes dont elle a déjà acquis les droits, mais qui vont profiter aux distributeurs de service du fait d’une primo-diffusion.
Il appartient en effet au service public, dans le cadre de l’exercice de ses missions, de diffuser et d’organiser la primo-diffusion de ses propres programmes. Si le Sénat devait adopter ce texte en l’état, il ferait bénéficier les opérateurs privés d’un avantage concurrentiel sur le service public, financé par celui-ci et s’apparentant à une subvention déguisée.
Par ailleurs, l’arrivée brutale des chaînes nationales de service public en outre-mer va affaiblir les éditeurs privés de programmes locaux qui devront faire face à la concurrence nouvelle des écrans publicitaires présents en nombre sur ces chaînes nationales.
Nous demandons que la télévision numérique soit garantie pour tous en outre-mer et que le must carry, l’obligation de diffusion, soit applicable sur chacun des territoires d’outre-mer où les chaînes nationales de service public sont diffusées par l’intermédiaire de la TNT dupliquée par France Télévisions.