Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 15 janvier 2009 à 15h00
Communication audiovisuelle — Article 20

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Madame la ministre, j’ajouterai aux excellents propos de Mme Bernadette Bourzai, le fait qu’il y a dans cet article 20 quelque chose de totalement paradoxal.

Tout d’abord, il est clair que les recettes prévues par cet article 20 ne sont pas pérennes et il serait imprudent de voter un dispositif qui ne garantisse pas, de manière pérenne, les ressources dont a besoin France Télévisions.

Ensuite, il est quelque peu paradoxal et assez dérisoire de taxer la publicité résiduelle des chaînes publiques pour les financer.

Enfin, il s’agit en réalité d’un mécanisme pervers : nous vivons dans un régime de concurrence, de pluralisme, c’est une bonne chose, mais le dispositif aboutit à ce que plus les chaînes concurrentes ont de publicité, et donc d’audience, plus le service public a de moyens. Il est tout à fait paradoxal que le service public ne soit mieux financé que si sa part de marché se réduit au profit des chaînes privées puisque, dans ce cas, elles recueillent davantage de recettes publicitaires et elles ont davantage de moyens.

Heureusement, madame la ministre, le Sénat vient, par un vote historique, de décider à la quasi-unanimité d’augmenter, même modestement, la redevance. Ce faisant, nous avons accompli un acte citoyen, civique et politique d’une grande importante, puisque nous avons montré qu’il ne fallait pas avoir peur de prélever des recettes publiques justes pour financer le service public.

À cet égard, nous regrettons que vous ayez refusé certains de nos amendements visant à rendre plus juste le paiement de cette redevance, mais nous avons pris nos responsabilités. En revanche, le système que vous mettez en place comporte une part non négligeable d’irresponsabilité.

Madame la ministre, permettez-moi de vous le dire, il y a tout de même quelque chose de paradoxal, quand on sait la charge symbolique qui est attachée dans notre pays à cette fonction éminente de ministre de la culture, gardien de la capacité publique de créer, d’inventer, d’innover, de vous voir vous opposer à une augmentation très mesurée de la redevance, alors que l’ensemble du Sénat, moins quatre voix, y est favorable !

De plus, vous nous dites que, pour financer la télévision publique – avec toute la charge symbolique qu’elle comporte également – il va falloir se tourner vers une ressource aléatoire, issue de la publicité sur les chaînes privées, donc de la concurrence, ce qui signifie que plus la concurrence aura de publicité, mieux cela vaudra pour le service public de la télévision, alors que vous avez accepté à l’Assemblée nationale, à la demande de certaines télévisions privées, de réduire leur contribution.

Madame la ministre de la culture, il y a dans votre choix, qui est peut-être celui du Gouvernement ou celui de l’Élysée, une rupture profonde avec la conception que se sont faite de leur mission de nombreux ministres de la culture, qu’ils fussent de droite ou de gauche.

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