Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 15 janvier 2009 à 22h00
Communication audiovisuelle — Article 21, amendements 208 209

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Je tiens à bien préciser que c’est à titre personnel que je présente les amendements n° 208 et 209 rectifié, et je vous remercie d’avoir accédé à ma demande, monsieur le président.

Je veux d’abord essayer de réfuter deux mauvais arguments que je sens flotter dans les esprits et dont il faut absolument se débarrasser si l’on veut aborder sereinement la question de la taxe applicable aux opérateurs de téléphonie mobile et aux FAI.

Le premier argument à écarter tend à accréditer l’idée que cette taxe permet de faire payer les « gros », ceux qui ont beaucoup d’argent. Cet argument ne repose pas sur une analyse économique rationnelle : ce n’est pas parce qu’un secteur est dynamique que l’on peut prélever sur lui de quoi compenser le manque à gagner dont souffre un autre secteur du fait de l’écroulement conjoncturel du marché publicitaire et de la décision du Gouvernement, que je crois juste par ailleurs, de supprimer progressivement la publicité sur les antennes du service public.

Le deuxième mauvais argument consiste à dire que cette taxe fait payer les « méchants », c’est-à-dire ceux qui se font de l’argent sur le dos des créateurs de biens culturels. Je tiens à rappeler que les fournisseurs d’accès à internet et les services de télécommunications paient déjà la taxe qui alimente le COSIP. Cette taxe, instituée par la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, a été votée pratiquement à l’unanimité au Sénat. Ces agents économiques paient aussi les droits d’accès aux vidéos à la demande, par exemple. Ils ont des obligations de must carry – pardonnez-moi cette expression, cher Jacques Legendre ! –, c’est-à-dire qu’on leur impose de transporter les programmes de France Télévisions. Qu’on ne vienne pas dire ensuite qu’il faut leur faire payer une sorte de droit de péage puisqu’ils transportent les programmes !

En vérité, ce qui me choque, c’est surtout une violation de la logique. Concrètement, la décision de supprimer la publicité sur le service public sera supportée financièrement à 85 % par des acteurs économiques qui, contrairement aux télévisions privées, ne retireront pas un seul euro de cette suppression. En effet, le modèle économique des FAI ou des opérateurs de télécommunications n’est pas fondé sur la publicité mais sur des forfaits d’abonnement. Or l’assiette de la taxe n’a rien à voir avec l’image puisque toute l’activité multiservice – ce qu’on appelle le triple play – a été retirée de cette assiette, qui ne comprendra plus que 3 % de services audiovisuels.

Là est la contradiction : le secteur qui supportera 85 % du poids financier de la suppression de la publicité sur la télévision publique ne transporte que 3 % des programmes télévisuels.

L’amendement n° 208 tend donc à résoudre cette contradiction en introduisant une dégressivité dans le temps du taux de la taxe. Nous avons la responsabilité de trouver des ressources à France Télévisions mais pas de faire en sorte que Bercy trouve des moyens nouveaux pour réduire l’endettement de l’État. Nous sommes conscients de la lourdeur de cet endettement, mais sa réduction n’est pas l’objet de ce projet de loi.

J’ai été heureux d’entendre Michel Thiollière dire que cette taxe n’était pas vouée à la pérennité et qu’elle devrait être ajustée. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, j’attends que l’on m’indique de la façon la plus claire qu’on ne crée pas une taxe avec un taux qui ne bougera plus sans s’ajuster aux différentes dynamiques mises en avant lors de notre examen de ce projet de loi. Si, en cet instant, on légifère pour aider Bercy à réduire la dette de l’État, on fait fausse route ! J’espère que, d’ici à la fin de l’examen de ce texte par le Parlement, des calculs auront été faits et que cette taxe, contrairement à beaucoup d’autres, n’aura pas vocation à prospérer d’année en année. J’attends donc votre réponse avec impatience !

L’amendement n° 208 a donc pour objet d’ajuster la taxe aux besoins, même si elle ne répond à aucune logique économique.

L’amendement n° 209 rectifié, quant à lui, tend à mettre un peu de vertu dans cette taxe. Une taxe peut-elle être vertueuse ? Belle question philosophique, et en même temps très pratique !

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