Intervention de Jack Ralite

Réunion du 15 janvier 2009 à 22h00
Communication audiovisuelle — Article 21, amendements 159 160

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

Pour des raisons de cohérence, je présenterai de manière conjointe les amendements n° 159 et 160, qui portent portant respectivement sur l’assiette et sur la quotité de la taxe due par les opérateurs de téléphonie et les fournisseurs d’accès à internet.

Je le dis sans la moindre équivoque : nous sommes partisans de l’existence d’une telle taxation des opérateurs.

En effet, pour revenir sur ce que je viens d’entendre, on nous demande de faire preuve de « vertu » à l’égard notamment de France Télécom, mais, en ce qui me concerne, ma première préoccupation est d’être vertueux envers France Télévisions ! Et, à force de prétendre que ceux qui ont de l’argent ne peuvent pas en donner, peut-être avoue-t-on en fait que l’objectif est bien d’en finir avec France Télévisions ! En ce qui me concerne, je suis profondément convaincu que c’est ce que vous cherchez, mais plus on vous écoute, plus on est obligé de le constater !

De prime abord, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler, cette taxation peut apparaître à certains comme un alourdissement significatif des prélèvements obligatoires. Et ceux à qui la simple énonciation de cette idée fait pousser des cris d’orfraie sont les mêmes qui, ne l’oublions pas, participent à l’opération, régulièrement menée, d’accroissement des taxes frappant la consommation populaire et les ménages les plus modestes.

Cela dit, on ne peut appréhender la situation du secteur des télécommunications comme celle de n’importe quel autre secteur d’activité économique.

L’analyse des réalités économiques nous amène tout de même à constater que le secteur des télécommunications bat, année après année, des records en termes de rentabilité des investissements et de l’activité, et que cette rentabilité exceptionnelle – la valeur ajoutée représente tout de même les trois quarts du chiffre d’affaires dans les télécommunications –laisse songeur au regard de la réalité du coût des services offerts.

Qu’est-ce qui enrichit de manière aussi évidente les opérateurs de télécommunications ? Sans doute le fait qu’il s’agit de sociétés de réseaux, exploitant des infrastructures déjà largement éprouvées et amorties, et dont les coûts d’exploitation technique sont particulièrement faibles, quoi qu’on en dise, au regard du nombre de clients directement servis.

C’est pourquoi, même si les opérateurs de téléphonie peuvent avoir l’impression de devoir faire face à de très importants investissements pour assurer une meilleure qualité du service de télécommunications, ils bénéficient aussi – et très vite – d’une réduction accélérée du coût marginal de ces investissements du fait du développement considérable de l’usage des équipements en cause.

Rien ne justifie que les opérateurs de téléphonie facturent aux usagers à des niveaux tels que ceux qui sont aujourd’hui pratiqués en France un certain nombre de services.

La surface financière des opérateurs de télécommunications est suffisamment importante pour leur permettre de faire face à l’existence d’une nouvelle taxe, sans accomplir pour cela un effort incommensurable !

Nous avons dit que des taxes de 0, 9 % ou de 2 % représentaient de 27 à 60 centimes de plus sur le montant de l’abonnement mensuel d’un usager d’internet. Mais nous redisons aussi que se pose clairement la question de l’accomplissement des missions que les opérateurs de téléphonie mobile, comme les fournisseurs d’accès, doivent respecter, au titre de l’attribution des réseaux qui leur ont été confiés.

Comment expliquer que l’on regimbe aujourd’hui pour quelques millions d’euros, en usant de l’argument éculé de la nécessité de financer les investissements de l’entreprise, alors qu’au temps, aujourd’hui lointain, du budget annexe des PTT, c’étaient les abonnés, à travers le paiement de leurs factures, qui prenaient déjà en charge la couverture du territoire par le réseau ?

C’est l’argent des abonnés du téléphone qui a permis le développement du réseau téléphonique automatique, puis celui de l’électronique appliquée aux communications, qui a contribué à ce que la France se situât au premier rang des pays utilisant la télématique.

Au demeurant, pour ceux qui s’en souviennent, l’argent dégagé par le budget annexe des PTT permettait aussi, en tant que de besoin, de solder les comptes du budget général. Et, en général, cela se faisait dans le sens de la réduction du déficit public !

Mais voilà qu’aujourd’hui il faudrait faire autrement ! Un véritable chœur de pleureuses s’agite et nous dit que les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès n’auront plus de quoi faire face à leurs investissements dans la prochaine période, au motif que nous créons cette taxe prévue à l’article 21 !

Pourtant, leur profitabilité est réelle, et la préoccupation d’aménagement du territoire est fort éloignée de leur logique de développement. Les zones blanches, ce n’est pas par manque d’argent qu’on ne s’en occupe pas, mais bien parce qu’elles ne rapportent pas assez ! En fait, il s’agit, quoi qu’il arrive, de préserver les dividendes que l’on souhaite verser aux actionnaires.

Sortons de cette logique. La taxe créée par l’article 21 doit voir le jour. Mais nous devons veiller par ailleurs à ce qu’elle vienne compenser, à l’euro près, des ressources qui vont manquer demain et qu’elle profite effectivement à la création audiovisuelle, car elle ne doit pas servir de variable d’ajustement à un budget général 2009 dont nous pouvons craindre qu’il ne prenne, au cours des semaines à venir, une autre apparence que celle qui résulte de la loi de finances initiale.

II est donc, pour nous, naturel de mettre en œuvre cette taxe et de lui donner l’assiette et le taux qui correspondent aux besoins.

Je précise que j’ai pris soin de rencontrer des ingénieurs des télécommunications. Certains ont connu le temps des télécommunications publiques, d’autres n’ont connu que celui de l’ouverture de la téléphonie à des opérateurs privés. Aucun d’entre eux n’a contesté l’argumentation que je viens de développer ; mieux, ils l’ont, pour une part, suggérée.

Alors, si les professionnels de cette grande maison, que, pour ma part, j’estime beaucoup, considèrent qu’elle doit devenir vertueuse, ne parlons pas d’une taxe qui deviendrait vertueuse parce qu’on la diminuerait constamment au nom des profits !

M. Retailleau, que j’écoute toujours avec beaucoup d’attention parce que c’est un homme qui connaît bien les questions techniques, a toutefois, sur le plan politique, des options que je ne partage pas, même si je les admets, et qui invalident sa définition du vertueux ; je préfère la mienne.

Les circonstances actuelles et ma vie, qui est déjà un peu longue, m’ont montré que, quand on est vertueux dans son sens à lui, on s’enfonce, tandis que, quand on l’est un peu dans mon sens à moi, on progresse !

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