Intervention de Muguette Dini

Réunion du 13 novembre 2007 à 11h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Débat sur la démographie médicale

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

De plus, ces bourses d'études suscitent d'importants effets d'aubaine et, surtout, une compétition accrue entre les régions.

De même, la majoration de la rémunération des professionnels de santé exerçant en zone déficitaire n'a qu'une influence modérée à court terme et très faible à long terme. En effet, dans les zones de faible densité, les professionnels de santé ont une « patientèle » et des revenus plus importants que leurs confrères situés en zone pléthorique. C'est aussi ce que l'on constate chez nous.

Le système de prime à l'installation, appliqué notamment au Royaume-Uni entre 2001 et 2005, a depuis lors été abandonné.

L'efficacité très relative, voire nulle, de ces mesures incitatives doit-elle pour autant nous amener à envisager des mesures coercitives ?

Sur ce point, le protocole d'accord du 22 juin 2007 conclu entre l'assurance maladie et les quatre syndicats représentatifs des infirmiers libéraux est souvent cité en exemple. Ce texte met en place un dispositif de régulation territoriale de la population infirmière libérale fondé notamment sur le non-conventionnement à l'assurance maladie de tout infirmier libéral s'installant dans des bassins de vie à forte densité.

Nous connaissons sur ce sujet la position de certains autres professionnels de santé libéraux, notamment des médecins, qui n'hésitent pas à parler de casus belli.

Surtout, l'étude de l'IRDES sur les exemples étrangers conclut à la faible efficacité de la politique de limitation de l'installation des professionnels de santé en zone excédentaire.

L'IRDES se réfère notamment au cas de l'Allemagne, où, depuis 1993, le conventionnement à l'installation est limité dans les zones où la densité médicale est supérieure de 10 % à la moyenne nationale. Inversement, l'installation est encouragée dans les zones où cette densité est inférieure de 10 %.

Cette politique a eu notamment pour effet de détourner les étudiants des filières médicales au profit d'autres filières universitaires, sans qu'il soit bien sûr remédié, même partiellement, à l'inégalité de leur répartition géographique.

À la lumière de toutes ces données, notre groupe propose deux orientations, qui figurent parmi les propositions avancées par l'ONDPS et qui semblent plébiscitées par les professionnels de santé.

En premier lieu, il est fondamental que la question du choix du lieu d'installation et du maintien dans l'activité des professionnels de santé soit replacée dans un contexte de développement local et d'aménagement du territoire.

La problématique simplement sanitaire doit être dépassée. Dans un récent rapport, l'ONDPS fait état de la crainte de l'isolement des professionnels de santé.

L'accès à un plateau technique performant et l'intégration dans une équipe médicale de masse critique suffisante sont des facteurs d'attractivité indéniables pour un exercice médical efficace et rassurant.

Le travail exploratoire d'un groupe de recherche interdisciplinaire en santé de l'université de Montréal, dont l'IRDES se fait l'écho, souligne aussi l'importance d'associer l'analyse des critères professionnels à celle des critères personnels, en particulier les attentes en termes de qualité de vie familiale, sociale et culturelle.

Il est difficile pour un médecin de s'installer avec sa famille dans une zone où son conjoint a peu de possibilités de trouver un emploi, où ses enfants manquent d'infrastructures scolaires, où services publics et commerces disparaissent.

Ainsi, pour lutter contre l'isolement des professionnels de santé dans leur pratique et leur vie quotidiennes, il est primordial de favoriser le regroupement, la coopération et la coordination entre les établissements de santé et entre les professionnels de santé.

S'agissant des hôpitaux, cet objectif se traduit par leur organisation en pôles interhospitaliers au moyen de conventions ou par la constitution de groupements de coopération sanitaire.

L'actuel projet de loi de financement de la sécurité sociale contient une avancée en la matière - ce qu'il faut saluer.

En revanche, tout reste à faire en secteur ambulatoire, où l'accent doit être mis sur les maisons de santé pluridisciplinaires. Celles-ci rassemblent différents professionnels médicaux et paramédicaux qui proposent une prise en charge globale du patient. Il en résulte une amélioration de la qualité des soins et de l'organisation du travail médical du fait d'une activité planifiable, d'une continuité des soins assurée, d'investissements financiers et de contraintes administratives partagés.

Ces maisons de santé pluridisciplinaires doivent dépasser le stade de l'expérimentation et leur financement, assuré de façon aléatoire par le fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS, doit être rendu pérenne.

Nous regrettons donc que notre amendement relatif à ce dernier point ait été rejeté par la commission des finances.

En second lieu, il conviendrait de transférer de nouvelles compétences médicales vers des professionnels paramédicaux.

Le professeur Yvon Berland, président de l'ONDPS, parle de la nécessité de « recentrer les médecins sur le coeur de leur métier » ou encore de « libérer du temps médical ».

Quinze projets expérimentaux ont été lancés en ce sens en milieu hospitalier et en secteur ambulatoire. La majorité d'entre eux portent sur la délégation de compétences et d'actes médicaux au profit des infirmières. Il s'agit essentiellement de la mise en place de consultations de dépistage, de missions de promotion, d'éducation et de suivi des personnes atteintes de pathologies chroniques et de la réalisation d'examens spécialisés complémentaires.

Notre groupe vous propose donc, madame la ministre, d'avancer maintenant à grands pas, et en étroite concertation avec les professionnels de santé, dans les deux voies que sont la réorganisation territoriale de l'offre de soins et le transfert de compétences médicales aux professionnels paramédicaux.

Par ailleurs, et sans développer ce deuxième point, j'estime qu'il faudrait se reposer la question du numerus clausus.

On devrait compter, de nos jours, non plus le nombre de médecins sortis des facultés, mais le nombre d'heures de présence médicale qu'une promotion annuelle de médecins est en mesure d'assurer.

Il est fini le temps où les médecins étaient taillables et corvéables à merci, de jour comme de nuit, en semaine, le samedi, le dimanche et les jours de fête.

Nombre de jeunes médecins n'envisagent pas de sacrifier vie de famille et vie personnelle à l'exercice de leur profession. Cela est d'autant plus vrai pour les jeunes femmes mères de famille qui, au moins en début de carrière, souhaitent exercer leur profession à temps partiel.

Il faudrait se donner les moyens de réfléchir à cette question. Une enquête suffisamment représentative nous apprendrait beaucoup et nous serions certainement amenés à revoir notre position sur le nombre de médecins qui, à l'avenir, devraient être diplômés chaque année.

Peut-être faudrait-il former les médecins non en fonction de leur nombre idéal par habitant, mais plutôt par temps moyen consacré par chacun d'entre eux au temps médical tel qu'il a été défini tout à l'heure par le président About.

Nous aimerions, madame la ministre, qu'une enquête soit diligentée sur ce sujet.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion