La séance est ouverte à onze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 9 de la loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008, le rapport relatif à l'exécution de cette loi en 2007.
M. le président du Sénat a également reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article D. 114-4-3 du code de la sécurité sociale, le rapport annuel du Haut conseil interministériel de la comptabilité des organismes de sécurité sociale.
Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.
Ils seront transmis respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à la commission des affaires sociales, et seront disponibles au bureau de la distribution.
Nous allons procéder au débat sur la démographie médicale.
La parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est désormais une tradition bien instituée et fort utile qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous puissions nous retrouver pour débattre d'un sujet de fond de ce projet de loi.
Le choix que vous avez arrêté, monsieur le président de la commission, nous permet d'aborder une des questions les plus cruciales que nous ayons à traiter dans le cadre de notre politique de santé publique.
Sur le sujet de la démographie médicale, l'heure n'est plus à l'évaluation. Chacun le sait depuis longtemps : si rien n'est fait pour rééquilibrer la répartition géographique des médecins, la situation deviendra rapidement irréversible dans de nombreuses régions, si ce n'est déjà fait. De nombreux sénateurs sont d'ailleurs intervenus dans ce sens hier soir lors de la discussion générale.
Aujourd'hui déjà, 4 millions de Français ont des difficultés à accéder à un médecin généraliste.
Il n'y a plus de pédopsychiatres en Lozère, alors qu'on en trouve trente dans le département de l'Hérault, tout proche.
À Paris, dans le IVe arrondissement, la densité de médecins est deux fois et demie supérieure à la moyenne de l'Île-de-France : 52, 2 pour 10 000 contre 20, 5 pour 10 000. Pour cet arrondissement de 30 000 habitants, on compte quarante-six médecins généralistes et cent seize spécialistes. À titre de comparaison, la ville de la Courneuve compte vingt-deux généralistes et six spécialistes pour 37 000 habitants.
Je prendrai encore un autre exemple : à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, depuis 2000, trente-six médecins ont quitté la commune, dix-sept généralistes et dix-neuf spécialistes, pour seulement vingt installations. L'âge moyen de départ n'est que de 54 ans. Tout cela n'est pas acceptable.
Il convient de savoir regarder la réalité en face, telle qu'elle est objectivement décrite.
Certes, aujourd'hui, les indicateurs démographiques confirment une croissance persistante du nombre de praticiens en exercice : 212 711 médecins au 1er janvier 2007, soit une croissance de 7 % par rapport à 2000.
Toutefois, cette évolution s'accompagne d'un vieillissement marqué des médecins dont l'âge moyen est de 49, 4 ans en 2007.
Cette profession se caractérise également par une féminisation croissante : 38, 8 % des praticiens actuellement en exercice sont des femmes et sur les bancs des facultés cette proportion est de 70 %.
De plus, comme le précise très justement le rapport d'information sur la démographie médicale de M. Jean-Marc Juilhard - que nous entendrons tout à l'heure -, les projections les plus raisonnables prévoient, à l'horizon 2025, une chute de la densité médicale de 15, 6 % pour la ramener à un niveau proche de celui du milieu des années quatre-vingt, soit 283 médecins pour 100 000 habitants, alors que nous sommes actuellement à 336 pour 100 000 habitants.
Enfin, une dernière caractéristique mérite d'être soulignée : le développement des modes d'exercices salariés traduit bien une véritable mutation sociologique.
Au total, on constate depuis plusieurs années une répartition inégale des médecins sur le territoire, générant des zones déficitaires ainsi qu'une désaffection relative pour certaines spécialités. La médecine générale, en particulier, qui constitue, comme chacun sait, un pivot essentiel du système, ne bénéficie pas de l'attractivité qu'elle mérite.
Ce n'est pas d'ailleurs l'un des moindres avantages du débat qui a eu lieu voilà quelques semaines dans l'opinion publique que d'arriver à faire partager ce constat. Les médecins qui sont ici savent bien que, s'il n'y a pas de diagnostic, il n'y a pas de traitement possible. À mon arrivée au ministère de la santé, avenue Duquesne, j'ai entendu certaines organisations représentatives dire qu'il n'y avait pas de problème de démographie médicale, tout au plus quelques difficultés çà et là.
Maintenant, partant d'un tel constat, il nous revient d'en analyser les déterminants, si nous voulons être en mesure d'engager les réformes utiles et d'accompagner les mutations structurelles qui s'imposent.
Quels sont donc les déterminants de l'accroissement et de la modification de la demande de soins ?
Les données du problème sont claires.
La population française augmente de manière continue et sa structure par âge évolue au profit des classes les plus âgées.
La transition épidémiologique qui en résulte implique l'augmentation de l'incidence et de la prévalence des pathologies chroniques, ainsi que des structures et des modalités de prises en charge nouvelles qui les accompagnent.
Près de huit millions de Français sont atteints d'une affection de longue durée. Ce nombre progresse de 10 % par an depuis dix ans et les soins correspondants représentent près de 60 % du montant actuel des dépenses d'assurance maladie.
Les professionnels de santé sont désormais requis, bien au-delà des cabinets et des établissements de santé, dans de nombreuses structures de prise en charge et d'accompagnement alternatives à l'hospitalisation.
Parallèlement, l'offre de soins se remodèle.
Aussi, les choix faits aujourd'hui en matière de et de postes offerts aux épreuves classantes nationales, les ECN, sont des choix cruciaux. Ils détermineront l'évolution des caractéristiques de la population médicale, en termes de volume et de spécialités. Ces choix auront un impact direct d'ici à trois ans pour les internes qui viennent de passer les ECN et d'ici à dix ans pour les étudiants entrant dans les études médicales.
Face à ce constat, des voix se sont élevées, venant de tous horizons politiques, préconisant pour la plupart - nous en avons eu le témoignage hier soir ici même - la mise en place de mesures coercitives qui, pour certaines, remettent profondément en cause un des principes fondateurs de la médecine libérale telle qu'elle existe depuis 1927 : la liberté d'installation.
Ces propos sont relayés par les courriers que je reçois quasi quotidiennement, en provenance d'élus locaux et de parlementaires, pour me signaler des situations sanitaires désespérées et implorer la mise en place de mesures de régulation désincitatives.
Monsieur Juilhard, dans votre rapport d'information sur la démographie médicale, vous vous interrogez sur l'opportunité d'envisager d'autres mesures que celles qui sont fondées sur la seule incitation. Vous citez notamment des actions sur la rémunération des professionnels de santé, sur la prise en charge des cotisations sociales et, enfin, sur des modulations de conventionnement dans certaines zones. Comme beaucoup, je partage vos interrogations.
Comment répondre ? Si nous sommes les garants de la liberté d'installation, nous sommes également tenus d'assurer l'accès de tous les Français à des soins de qualité.
Je veux le dire ici sans ambages : jamais un seul instant, je n'ai imaginé m'attaquer à cette question fondamentale par le seul biais de la restriction de la liberté d'installation des médecins.
Je connais bien les obligations et les contraintes des professions de santé, pour en avoir moi-même pratiqué l'exercice. Je mesure aussi la complexité de notre système. J'ai clairement conscience que, même si l'action peut être locale et sectorielle - beaucoup ici pourraient en témoigner -, la réflexion préalable à toute prise de décision doit être une réflexion globale.
Les réponses aux problèmes liés à la démographie médicale ne sont donc pas à chercher uniquement dans notre capacité à contraindre ou à inciter les professionnels de santé à s'installer et à exercer dans certaines zones plus ou moins déshéritées.
Poser la question de l'accès aux soins, c'est s'interroger sur l'organisation globale de notre système de santé : la formation, les conditions d'exercice, la répartition et l'aménagement du territoire, l'organisation du premier recours, son articulation avec le reste de l'offre de soins, la coordination entre la ville et l'hôpital, les modes de rémunération et, bien entendu, la gouvernance du système au niveau aussi bien local que national
L'amélioration de l'organisation de notre système de santé constitue ainsi l'un des axes cardinaux de ma stratégie. Elle est le maître mot des réflexions complémentaires que j'ai engagées depuis mon arrivée au ministère.
Les États généraux de l'organisation de la santé nous ont permis de mener la réflexion sur l'offre de soins libérale, notamment de premier recours.
La commission Larcher a ouvert une vaste concertation sur l'hôpital et ses missions.
Enfin, la création des agences régionales de santé permettra de faire la synthèse entre ces deux secteurs et de définir les conditions d'une nouvelle gouvernance.
L'ouverture des États généraux de l'organisation de la santé symbolise l'accord passé avec les étudiants, les internes et les jeunes médecins. Durant la période que nous venons de traverser, nous avons beaucoup reçu, écouté, expliqué. Et toujours, j'ai senti cette volonté commune de garantir aux générations futures des soins de qualité. Les jeunes professionnels que nous avons rencontrés ont prouvé leur sens des responsabilités, en faisant des propositions qui coïncident avec nos objectifs gouvernementaux et qui répondent aux attentes de nos concitoyens.
Cet équilibre se matérialise dans les articles 32, 32 bis et 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, tels que modifiés par les amendements du Gouvernement et adoptés à l'Assemblée nationale.
L'article 32 bis, spécifique aux infirmières, conforte les acquis de l'accord conventionnel du 22 juin 2007 passé entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, et les quatre syndicats infirmiers. Je tiens, d'ailleurs, à saluer la qualité de ce travail exemplaire qui prouve bien que la réforme est possible quand le sens des responsabilités et l'esprit de concertation se conjuguent. Ainsi, les négociations entre l'assurance maladie et les infirmières sont, pour moi, la preuve tangible qu'il est toujours possible d'avancer quand le souci de l'intérêt général permet de triompher de l'inertie.
En proposant une régulation de leur démographie professionnelle, les infirmières ont donné un bel exemple de solidarité responsable. Je tiens à ce que les termes de cet accord soient respectés. L'article 32 bis pose les bases législatives nécessaires pour que les négociations conventionnelles puissent progresser en ce sens.
J'ai demandé au professeur Yvon Berland et à la directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins de présider les états généraux de l'organisation de la santé, qui devront se tenir en février 2008.
C'est la première fois, mesdames, messieurs les sénateurs, que des élus, des patients et des professionnels de santé vont se retrouver pour définir ensemble l'évolution de notre système de santé.
Ma commande est précise et volontaire : l'offre de soins de premier recours doit être rénovée. Les Français doivent avoir accès à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.
Je veux que ces états généraux soient l'occasion pour tous les acteurs de santé, médicaux, paramédicaux et pour les patients de réfléchir à la mutation de leurs pratiques et de leurs comportements. Je veux également que tous les acteurs institutionnels concernés par la santé et l'accès aux soins - je n'oublie pas que je suis dans une assemblée qui représente les territoires de notre pays - reconsidèrent leurs périmètres d'intervention et leurs relations pour définir une stratégie globale plus cohérente.
Les réflexions devront concerner l'ensemble des professionnels de santé et se faire bien entendu en liaison avec la problématique de l'hôpital.
Il s'agit clairement ici de mettre en cohérence l'ensemble des réflexions engagées, notamment dans le cadre de la mission menée par Gérard Larcher, pour aboutir à une importante réforme de structure de notre administration sanitaire et de l'organisation de l'offre de soins dans notre pays.
Concrètement, ces états généraux seront préparés par une série de consultations et d'auditions dont l'objectif sera de mettre en valeur les expériences et les réflexions locales pertinentes. Dans cet esprit, il conviendra - vous y serez sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs - d'organiser des séances de travail délocalisées en région.
Sans préempter le débat, il est évident qu'un certain nombre d'idées largement reprises dans de nombreux rapports ou interventions seront discutées. Il ne s'agira pas, dans ce domaine, de les répéter ou de les présenter différemment, mais de prévoir concrètement les modalités de leur intégration et de leur mise en oeuvre dans notre système de santé.
Je pense bien sûr, en l'occurrence, auet à la formation, aux maisons de santé et à l'organisation des métiers qui constituent l'offre de soins de premier recours.
Les mesures incitatives, dans la mise en place desquelles les collectivités territoriales jouent un rôle important, devront être privilégiées. Mais, au moment où les états généraux de l'organisation de la santé commencent, les débats doivent être ouverts aux propositions les plus innovantes.
Je veillerai particulièrement à ce que les recommandations émises par M. Juilhard, dans son rapport d'information sur la démographie médicale, fassent l'objet d'une étude approfondie.
À ce titre, le recensement des besoins, la valorisation et l'évaluation des dispositifs en place, ainsi que l'information des plus jeunes, me semblent être des mesures incontournables.
De la même manière, il conviendra de renforcer les efforts engagés dans le domaine des simplifications administratives, dans le développement des centres de santé, l'évolution de l'examen classant national et la valorisation des maîtres de stage, notamment dans les zones sous-denses.
Vous l'aurez compris, cette réflexion, nous la conduirons sans tabou, animés par le seul souci de dégager des solutions pertinentes et structurantes, de trouver des réponses concrètes aux préoccupations des Français.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 pose les fondations de la stratégie globale de rénovation de l'organisation des soins et nous fournit les principaux outils de sa mise en oeuvre : les expérimentations de nouveaux modes de rémunération et d'organisation de la permanence des soins, les contrats individuels pour les médecins qui veulent aller plus loin, la possibilité de constituer des groupements de coopération sanitaire sur le territoire, l'extension du panel des mesures d'adaptation des relations conventionnelles en fonction de l'offre de soins.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les perspectives en fonction desquelles j'ai voulu élaborer le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, qui se veut un projet de loi de fondation. J'espère que nos débats seront riches et fructueux autour de ces sujets, mais, connaissant le Sénat, je n'en doute pas un instant.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici venu le débat sur la démographie médicale. Ne nous méprenons sur son intitulé, car nous n'avons pas trouvé une autre dénomination pour traiter le sujet qui nous occupe.
Certains pourraient considérer qu'il s'agit de définir le nombre de médecins, généralistes ou spécialistes, pouvant exercer sur notre territoire, mais le problème n'est pas tant celui du nombre - car la France est l'un des pays européens qui n'a jamais disposé d'autant de médecins qu'aujourd'hui, ...
... et Mme le ministre vient de citer les chiffres en la matière - que celui de la répartition des professionnels de santé sur notre territoire.
La démographie médicale est un problème d'aménagement du territoire, puisqu'il s'agit de bien répartir les médecins sur l'ensemble du territoire pour une meilleure offre de services. Les difficultés les plus aiguës concernent les généralistes, notamment dans les territoires ruraux et les zones sensibles, mais aussi certains spécialistes. Des patients doivent parfois attendre un an, voire plus, avant d'obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste, par exemple, et doivent ensuite parcourir, dans certains cas, des dizaines de kilomètres pour s'y rendre.
Madame la ministre, dans le cadre des états généraux de l'organisation de la santé que vous appelez de vos voeux, et qui se tiendront en février prochain, j'espère que cette vraie question de santé publique sera abordée.
Pourtant, ce phénomène n'est pas nouveau. Perceptible depuis une dizaine années, cette pénurie de médecins n'a été véritablement établie qu'au cours des cinq dernières années, sur la base des travaux réalisés par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé.
Son diagnostic semble partagé, mais je n'y reviendrai pas ; Mme la ministre en a elle-même rappelé les principaux éléments.
Plus que le nombre de médecins en activité, le sujet qui me paraît le plus préoccupant - et tous les élus locaux ici présents partagent, j'en suis sûr, mon avis - est celui de la répartition des professionnels de santé sur le territoire national.
Le Gouvernement s'est saisi de la question des zones sous-médicalisées en faisant le choix d'une politique fondée sur l'incitation. Les mécanismes mis en oeuvre visent les différentes étapes de la carrière d'un médecin, de sa formation à son installation, sans oublier les conditions de son exercice professionnel. Toutes ces mesures ont une cible principale : favoriser l'installation et/ou le maintien de médecins dans les zones sous-médicalisées, qu'il s'agisse des zones rurales ou des quartiers sensibles des périphéries de nos villes, qui sont également touchés.
Des aides ont été mises en place, pour la plupart au cours des quatre dernières années, en réaction, de façon somme toute assez rapide, aux premiers indices d'une possible pénurie. Elles reposent presque essentiellement sur des mécanismes d'incitation financière.
Quels sont les résultats de cette politique qui cherche à convaincre ? Ils sont encore faibles, nous devons aujourd'hui en convenir. Cela étant, il faut être juste et ne pas méconnaître le caractère récent de ces dispositions, même si les premières datent de 2004. Ce qui me paraît plus grave, c'est le manque d'information des étudiants et des professionnels de santé sur les dispositifs d'incitation qui leur sont pourtant destinés.
Dans un rapport récent, notre collègue Jean-Marc Juilhard a constaté que la diffusion de l'information sur ces aides a été jusqu'à présent très insuffisante, y compris au sein des services de l'État. On peut s'étonner que ceux-ci n'aient pas été plus dynamiques en la matière et que les ministres en charge de ces services n'aient pas plus mobilisé tous les acteurs concernés, qu'il s'agisse des DDASS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, des DRASS, les directions régionales des affaires sanitaires et sociales, ou des MRS, les missions régionales de santé, pour obtenir une traduction concrète des mesures législatives voulues par le législateur dans les textes relatifs notamment à l'aménagement du territoire.
Les étudiants et les jeunes médecins qui ignorent le détail de ces dispositifs n'y ont évidemment pas suffisamment recours.
En 2004, dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, pour régler ce problème, M. Douste-Blazy avait pourtant prévu toute une boîte à outils, notamment des mesures incitatives, à laquelle s'est ajouté l'avenant conventionnel n° 20 entre la CNAM et les professionnels de santé, pouvant peser sur les cotisations sociales.
Ce n'est pas à nous, parlementaires, de faire notre mea culpa, mais bien à Mme la ministre et à ses services ! Dans sa réponse, elle pourra nous donner tout à l'heure les raisons pour lesquelles cette information n'a pas été diffusée auprès des étudiants et des professionnels de santé.
L'État, qui a pour mission de garantir l'accès effectif des assurés aux soins sur l'ensemble du territoire, doit prendre toute sa part dans cette politique de communication, et ne pas laisser l'assurance maladie et les collectivités territoriales assumer seules cette mission.
À cette occasion, je tiens à saluer les actions, souvent créatives, engagées par les collectivités territoriales pour attirer et conserver des professionnels de santé sur leur territoire. Nous pouvons le reconnaître, ces collectivités sont, en définitive, les seules à développer une politique volontariste en ce domaine.
Hier, au cours de la discussion générale, on a cité notamment le département de l'Allier, ...
... celui de la Lozère et la région Lorraine, alors que l'État, lui, traîne les pieds, même s'il fait une politique d'affichage sur ce sujet.
Par exemple, la loi de février 2005 relative au développement des territoires ruraux autorise les collectivités à aider financièrement les médecins au moment de leur installation. Plusieurs régions ou départements proposent d'accorder des bourses aux étudiants en médecine, ...
... soit pour favoriser les stages dans les zones sous-médicalisées - dans la région Bourgogne, par exemple -, soit en contrepartie d'une installation future dans une zone sous-médicalisée, une fois le médecin diplômé - c'est le cas des départements de l'Allier et de la Manche.
Les collectivités territoriales soutiennent également la création de maisons de santé, dont nous aurons l'occasion de reparler lors de l'examen des amendements. Reprenant certaines des propositions de notre collègue Jacques Juilhard, nous avons déposé toute une série d'amendements sur ce sujet. Malheureusement, on nous a opposé l'article 40 de la Constitution, ...
...une pratique dénoncée par nos collègues Guy Fischer et Jean-Pierre Godefroy.
À cet égard, permettez-moi, mes chers collègues, d'ouvrir une parenthèse.
Avec cette nouvelle procédure, on ne peut plus examiner en séance publique un amendement que la commission a déposé parce qu'il lui semble pertinent, alors que, s'il avait pu être examiné, il aurait suffi au Gouvernement, s'il partageait son bien-fondé, de lever le gage et l'amendement aurait été adopté. Cela ne sera plus le cas.
Il appartiendra donc au Gouvernement, s'il le juge utile et nécessaire, de reprendre ces initiatives en ce qui concerne les maisons de santé.
Il ne suffit pas d'affirmer que l'on a la volonté d'agir. Lorsque le législateur se donne les moyens d'avancer sur les dossiers, encore faut-il que la commission des finances ne lui scie pas les jambes !
Si nous voulons que les travaux parlementaires soient efficaces, il faut prévoir, pour certains amendements, une autre manière de procéder.
Je reviens maintenant à mon propos.
Le conseil régional de la Lorraine a également conclu une convention avec l'ARH, l'agence régionale de l'hospitalisation, et l'UNCAM, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, pour promouvoir ce type de structures.
Si les collectivités territoriales ont pris en charge les questions liées à l'installation des professionnels libéraux, que peuvent faire les autorités sanitaires ? Il reste en réalité bien des choses à essayer, et d'autres pistes, parfois innovantes, sont à explorer.
Par exemple, comment ne pas être frappé par la faible place accordée à la télémédecine ? Hier, dans un exposé particulièrement brillant, M. Etienne a appelé l'attention de la Haute Assemblée et de Mme la ministre sur l'insuffisance des moyens mis en oeuvre pour en favoriser le développement. On nous oppose des problèmes liés à l'installation d'un réseau à haut débit sur l'ensemble du territoire. C'est un fait avéré, notamment dans des zones rurales très retirées, malgré les initiatives prises par certains conseils généraux.
On fait valoir que le développement de la télémédecine suppose des aménagements juridiques et de nouvelles règles de financement des structures et de rémunération des professionnels de santé. Admettons ! Mais alors qu'attendons-nous pour prendre les mesures qui permettraient justement à la télémédecine de fonctionner ? Qu'attendons-nous pour prendre des initiatives ?
Je trouve regrettable que la télémédecine ne fasse pas l'objet d'un développement plus rapide, comme l'a souligné notre collègue Jean-Claude Etienne, qui en est le plus ardent défenseur. S'il faut, à l'intérieur du ministère, procéder à d'heureux redéploiements de moyens budgétaires, financiers, humains, faisons-le ! Le tout, c'est de parvenir à convaincre Bercy de permettre au ministre de la santé de disposer de moyens nécessaires à la défense de ce dossier.
En dehors des nouvelles technologies, d'autres moyens pourraient favoriser un meilleur accès aux soins.
D'abord, les hôpitaux, et notamment les hôpitaux locaux, pourraient jouer un rôle important dans ce domaine. Il revient au Gouvernement de le définir clairement.
Ensuite, on pourrait aussi imaginer de favoriser l'accès du patient au médecin, et non l'inverse. C'est assez logique ! Je pense, par exemple, à favoriser des systèmes de transport des patients à mobilité réduite, de manière collective ou individuelle, vers les cabinets médicaux et les maisons de santé, notamment dans les territoires déficitaires. L'expérience menée en ce domaine par le conseil général de la Marne, que connaît bien le professeur Etienne, me paraît devoir être suivie de près. Il faut en tirer les conséquences et voir comment on pourrait développer ce type d'actions.
Enfin, on peut agir sur d'autres leviers.
Ainsi, dans son rapport annuel pour 2007, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, instance qui réunit l'ensemble des acteurs du système de santé, estime indispensable d'agir sur le taux d'activité des femmes et des seniors, afin d'augmenter l'offre médicale disponible. Il est exact que la féminisation des professions médicales n'est pas exempte de conséquences sur la durée d'activité des médecins car - et heureusement d'ailleurs ! - elles sont plus souvent amenées à interrompre ou à organiser différemment leur carrière pour s'occuper de leurs enfants.
De même, il serait judicieux de transformer l'actuel examen classant national en épreuve régionale ; le professeur Etienne est intervenu sur ce point hier. L'expérience montre que les étudiants s'installent dans la région dans laquelle ils ont fait leurs études ; il y a donc là une possibilité de guider leur choix.
Madame la ministre, la commission a aussi pensé qu'il serait utile d'obtenir une meilleure adéquation entre le nombre de postes ouverts au concours et le nombre de candidats. Aujourd'hui, et c'est un choix de votre ministère, on propose plus de postes que de candidats : c'est ainsi que 542 postes de médecine générale n'ont pas été pourvus cette année !
Ce n'est pas rien !
Si l'on ajustait l'offre et la demande, comme c'est par exemple le cas dans les grandes écoles, ...
... on amènerait mécaniquement les étudiants à la médecine générale tout en facilitant leur implantation dans les zones les plus fragiles.
Mes chers collègues, je voudrais conclure mon intervention en évoquant les travaux de recensement confiés aux missions régionales de santé, les MRS. Car, ne nous y trompons pas, la mesure la plus novatrice du projet de loi de financement en matière de matière de démographie médicale, c'est bien celle-là : désormais, des zones médicalement surdotées seront définies à côté de celles qui sont considérées comme sous-dotées.
Au cours des auditions auxquelles j'ai procédé, il m'a été rapporté que, si les mesures concernant la démographie médicale prévues dans la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie et celles qui ont été prises à l'occasion de l'avenant n° 20 à la convention nationale avec les médecins, n'avaient pas été mises en oeuvre en agissant notamment sur les cotisations sociales, c'est parce les missions régionales de santé avaient seulement défini les zones sous-dotées. Or il est évident que, pour parvenir à une bonne répartition, il fallait également définir les zones surdotées !
Les dispositions juridiques n'avaient pas été adoptées pour permettre aux MRS de faire ce travail. Nous procédons donc à une correction quatre ans après avoir voté les précédentes dispositions. Il était plus que temps de s'en apercevoir, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire, dit-on ! Cela montre que, malgré les débats, nous oublions parfois l'essentiel pour obtenir les résultats que nous souhaitons.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le chiffon rouge avait été agité avec le conventionnement, mais l'Assemblée nationale a tout corrigé dans le texte de loi ; il semble donc que tout soit maintenant calé. Mes chers collègues, il est désormais possible de consulter les internes les plus représentatifs ; tous les problèmes seront donc résolus !
Rires
Ces points seront évoqués, je l'espère, durant les états généraux de l'offre de soins, dont Mme la ministre a parlé et qui auront lieu au mois de février prochain. J'espère que les discussions porteront leurs fruits et que, l'année prochaine, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, nous serons en mesure de nous féliciter, les uns et les autres, des travaux parlementaires accomplis et des résultats que nous seront en passe d'obtenir en matière de démographie médicale.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aujourd'hui, la France compte 207 000 médecins en activité ; c'est l'effectif le plus élevé jamais atteint dans notre pays.
Pourtant, tout porte à croire qu'une pénurie s'annonce, et cela pour trois raisons : d'abord, la réduction du nombre d'étudiants en médecine imposée dans les années quatre-vingt et dont on commence à sentir les effets ; ensuite, le nombre croissant de départs à la retraite qui concernera, comme c'est le cas pour la population dans son ensemble, les générations nombreuses d'après-guerre ; enfin, la conjugaison de ces deux phénomènes avec une demande accrue de soins exprimée par une population vieillissante.
Il faut, bien sûr, essayer de corriger cette tendance et, à mon avis, c'est par une série d'actions complémentaires, susceptibles d'enclencher un processus plus favorable, que nous pourrons y parvenir.
Le premier réflexe est évidemment d'augmenter le nombre des étudiants en médecine, le fameux « numerus clausus », ce que l'on fait d'ailleurs depuis quatre ans, mais ce qui ne produira ses effets que dans de nombreuses années.
Et encore s'agira-t-il d'effets partiels, car, si l'on peut s'attendre à former davantage de médecins, il n'est pas du tout certain que leurs installations se feront d'une manière équilibrée sur l'ensemble du territoire et qu'elles corrigeront les inégalités d'accès aux soins que l'on constate déjà.
Mme la ministre et notre rapporteur, M. Vasselle, ont détaillé avec talent la situation, les risques, ainsi que leurs propositions. Je n'insisterai donc pas, d'autant que notre collègue M. Jean-Marc Juilhard vous exposera tout à l'heure son rapport sur les déséquilibres qu'il a pu observer et auxquels nous sommes confrontés.
Les états généraux prévus en janvier prochain permettront d'aborder les questions liées à la formation, mais je crois important d'apporter deux éléments à la préparation de ce débat.
Premièrement, il ne doit pas y avoir de génération sacrifiée. Les études médicales sont longues et difficiles ; elles demandent aux jeunes qui ont l'audace et la volonté de les entreprendre du courage, de la constance et beaucoup de travail. En ce qui concerne leur future installation, il me semble tout à fait inenvisageable de changer les règles du jeu en cours de route. Pour cette raison, je suis très favorable au fait d'associer, sous une forme ou sous une autre, les représentants des étudiants aux négociations conventionnelles qui traitent des questions relatives à l'installation.
Deuxièmement, il convient de réfléchir aux moyens de redonner une dimension régionale aux études de médecine. Les analyses portant sur l'installation des jeunes médecins montrent que, dans l'immense majorité des cas, ceux-ci « vissent leur plaque » dans la région où ils ont achevé leurs études et effectué leur stage. C'est là un phénomène bien compréhensible qui n'est d'ailleurs pas propre aux médecins. Cet aspect doit être mieux pris en compte dans l'organisation du cursus universitaire médical, sans doute en réformant l'actuel examen classant national, comme l'indiquait tout à l'heure Alain Vasselle.
Cela étant, l'action sur les études a ses limites. Je suis convaincu qu'il faut simultanément agir sur l'organisation du système de soins. Mon expérience personnelle de médecin généraliste m'a enseigné que l'offre de soins est étroitement corrélée aux missions confiées aux médecins et à leurs conditions d'exercice professionnel.
Je crois que le problème n'est pas tant un problème de pénurie, même si j'ai moi-même employé plusieurs fois ce terme. La question centrale est plutôt celle du temps médical, c'est-à-dire du temps que le médecin consacre précisément à l'examen de ses patients, au temps disponible pour ce colloque singulier qui fait la spécificité et la grandeur de ce métier.
Le temps médical, malgré une démographie en apparence constante, se réduit comme une peau de chagrin pour trois raisons majeures.
Premièrement, le temps médical n'est aujourd'hui qu'une partie limitée du temps de travail des médecins. En effet, chaque année, les tâches administratives sont plus importantes et plus chronophages.
Deuxièmement, le temps médical, partie du temps de travail, se réduit avec celui-ci, les jeunes médecins n'acceptant plus les contraintes horaires de leurs aînés : la garde à domicile, la permanence des soins, la disponibilité permanente ne se font plus aujourd'hui selon les modèles que nous connaissions autrefois. Je n'ai pas eu la même pratique que mon grand-père ou mes oncles et nos enfants n'auront pas la même pratique que nous. Par conséquent, il faut en tenir compte.
Troisièmement, la profession se féminise et le travail à temps partiel devient fréquent ; le temps réservé à la vie de famille, aux loisirs, s'impute sur le temps médical.
La bonne question est donc la suivante : comment peut-on optimiser ce temps médical ?
Je crois d'abord à la délégation des tâches, au partage du travail, c'est-à-dire au fait de faire effectuer les différents soins par les professionnels qui sont, en définitive, les mieux formés pour les effectuer, sous la responsabilité du médecin, bien sûr. Des expérimentations ont eu lieu ; je crois savoir que le bilan en est positif. Le projet de loi de financement prévoit d'ailleurs d'autoriser les infirmières à pratiquer la vaccination, ce qui me semble être une excellente mesure, car elles sont incontestablement mieux formées que les médecins pour y procéder. Je suis persuadé, pour ma part, que la suppression de la vaccination obligatoire pour le BCG doit beaucoup au fait que les médecins ne sont pas formés pour pratiquer les injections intradermiques. Je ferme là cette parenthèse.
La seconde manière d'agir sur ce temps, c'est à mon sens de rendre plus favorable l'environnement professionnel dans lequel évolue le médecin, et donc de le décharger de toutes les tâches administratives qui viennent réduire le temps qu'il peut consacrer à l'examen de ses patients. Les médecins lancent des appels de plus en plus pressants à la simplification administrative de leurs relations avec les caisses. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre commission a supprimé, dans le projet de loi de financement, l'obligation d'établir un énième document d'information semestriel, parfaitement inutile, car redondant avec les éléments dont disposent déjà les caisses d'assurance maladie.
La troisième façon d'améliorer les conditions de vie des médecins, c'est aussi - cela a été dit - de favoriser l'exercice de groupe, qui permet de mutualiser les frais fixes, de faire réaliser les tâches administratives par des personnels spécialisés, et plus encore d'éviter le sentiment d'isolement dans l'exercice médical en permettant aux professionnels de confronter leurs pratiques et de consulter leurs collègues pour affiner un diagnostic ou une prise en charge. De surcroît, c'est aussi une façon de les sécuriser sur le plan juridique à une époque où, de plus en plus, les contestations se règlent dans les tribunaux, notamment sur les questions médicales.
Une formule assez novatrice commence d'ailleurs à se développer, notamment en zone rurale, c'est celle des maisons de santé pluridisciplinaires, dont notre collègue Jean-Marc Juilhard parlera sans doute mieux que je ne puis le faire, à la suite du rapport d'information qu'il a établi sur le thème de la démographie médicale. Ce qui est certain, d'ores et déjà, c'est que la promotion des maisons de santé contribuera à une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire.
Je crois vraiment que ces structures constituent une solution appropriée au manque d'attractivité de certains territoires. Les jeunes professionnels de santé s'installent plus volontiers dans ces structures collectives qui répondent mieux à leurs aspirations en termes de pression horaire, d'organisation du travail ou de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Cela les autorise, par exemple, à habiter en ville, près des écoles et du travail de leur conjoint, tout en exerçant dans une zone fragile voisine.
Pour ces motifs, notre commission souhaite promouvoir le développement de ces structures, en leur permettant de recevoir des financements spécifiques et en levant les obstacles administratifs qu'elles peuvent rencontrer.
Ces problèmes se posent dans les zones rurales comme dans les zones urbaines pauvres et denses, lorsqu'il est question de l'implantation de structures médicalisées, cabinets de groupe ou maisons de santé pluridisciplinaires.
Il faut une tête de file, un médecin ayant non seulement le courage de se lancer dans la conception, la mise au point et le financement de cette opération, mais aussi la capacité d'entraîner des confrères spécialistes et généralistes et d'autres professionnels de santé à prendre le risque collectif d'un tel projet.
Aujourd'hui, il faut le savoir, les médecins ont du mal à franchir le pas d'un engagement collectif et solidaire avec un bailleur dans les solutions locatives actuelles. Le bailleur, de son côté, se refuse aussi à signer des actes séparés avec chacun des professionnels. Nous devons nous efforcer de régler cette difficulté.
Les collectivités locales sont là pour nous aider ; elles ont un rôle à jouer, en servant d'interface, à la fois dans la recherche et la mise à disposition de locaux. Souvent, près de 1 000 mètres carrés sont nécessaires à l'ouverture d'une maison de santé.
De plus en plus, leur réalisation reposera sur l'engagement d'un investisseur « social » et « patient », car de telles opérations ne seront ni « rentables » ni « juteuses » ; il s'agit d'un service public. Cet investisseur devra se doubler d'un spécialiste de la conception et de la gestion de ces structures.
D'autres investisseurs peuvent aussi soutenir l'action des collectivités locales ; je pense notamment à la Caisse des dépôts et consignations ou aux grands groupes d'assurance, qui ont un rôle à jouer dans ce domaine.
La réussite est à ce prix ; la mutation est possible. Il est temps de passer des cabinets de groupe de un, deux ou trois médecins, qui forment le tronc du système actuel, à un réseau de maisons de santé pluridisciplinaires réunissant, aux côtés d'autres professionnels de santé, des médecins exerçant prioritairement en secteur 1, si l'on veut une réelle solution de premier recours - j'allais dire de premier secours ! - en zone rurale ou en zone urbaine dense.
Toujours pour ce qui concerne les obstacles techniques qui rendent plus complexe le développement de nouvelles structures de groupe, n'est-il pas singulier que les règles du parcours de soins fassent obstacle à la reconnaissance de la maison de santé en tant que « médecin traitant » ? Il conviendrait, madame la ministre, de demander aux caisses d'assurance maladie d'appliquer les règles en vigueur et d'autoriser cette reconnaissance dans les faits.
Telles sont quelques-unes des réflexions que m'inspire cette question essentielle, qui conditionne le respect du principe, affirmé par la Constitution de 1946 et réaffirmé par le préambule de notre Constitution, du droit à la protection de la santé de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées de l'UC -UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la régulation de la démographie médicale est depuis longtemps, dans notre pays, non seulement un sujet de préoccupation, mais aussi un objet de controverses et de débats.
Avant d'être confrontés, depuis quelques années, à un risque de pénurie, nous avons longtemps vécu dans la crainte d'une pléthore, au point d'avoir, dans les années quatre-vingt-dix, mis en place un système, le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité, dont vous vous souvenez sûrement, mes chers collègues,
M. le président de la commission des affaires sociales s'exclame.
Cette opération, qui rencontra un grand succès auprès des médecins, fut un échec retentissant pour l'assurance maladie, puisque, au lieu de faire des économies, il lui en coûta environ 700 millions d'euros. Tout cela pour dire que, en matière de démographie médicale, il faut être très prudent quand il s'agit de prendre des mesures dans un sens ou un autre !
Cette opération s'est d'ailleurs poursuivie jusqu'en 2004, au moment même où l'on parlait déjà de pénurie. C'est en 2003 que les pouvoirs publics ont pris conscience de ce problème. L'Observatoire national de la démographie des professions de santé, dont la présidence fut confiée au professeur Yvon Berland, fut alors créé. S'il ne s'agit pas, pour moi, de nier le phénomène qui nous intéresse aujourd'hui, il convient tout de même, à mon avis, de le relativiser.
Comme M. le président de la commission des affaires sociales, je ne crois pas que le terme de « pénurie » soit exact pour caractériser la situation que nous connaissons aujourd'hui. Il existe, je le répète, non pas une insuffisance globale du nombre de praticiens, mais une inégale répartition disciplinaire et territoriale des médecins libéraux.
Même si les données démographiques soulèvent quelques incertitudes, elles sont sans conteste : avec 340 médecins pour 100 000 habitants, la France arrive en tête des pays européens, précédée seulement par l'Italie, et loin devant le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Allemagne. Le risque de pénurie à l'horizon de l'année 2025 doit être relativisé, puisque, dans l'hypothèse d'un numerus clausus fixé, comme aujourd'hui, à 7 100, la densité médicale baisserait, certes, mais ne descendrait pas en dessous du niveau de la moyenne actuelle des pays de l'OCDE, soit 283 médecins pour 100 000 habitants.
En revanche, les données disponibles concernant la répartition territoriale sont effectivement très préoccupantes. En effet, 4% de la population, soit un peu plus de 2 millions de nos concitoyens - vous avez même évoqué, madame la ministre, une situation encore plus grave que je ne le pensais, en avançant le chiffre de 4 millions de personnes - n'ont pas accès dans des conditions normales aux soins primaires.
Cette population se répartit dans des zones déficitaires qui sont situées le plus souvent dans les départements ruraux ou à la périphérie des grandes villes.
Ces zones ont fait l'objet d'un recensement dans deux études, dont les résultats ne sont malheureusement pas concordants. Sur 4 078 communes classées en zone déficitaire, ces deux études ne se recoupent que pour 1 000 d'entre elles, ce que nous ne pouvons que regretter.
En ce qui concerne les zones surmédicalisées, les informations dont nous disposons, comme vous l'avez dit, monsieur le président de la commission, sont pour le moins lacunaires. À ma connaissance, il n'existe pas d'études qui les recensent, si tant est que cela soit possible.
M. François Autain. Tout au plus pouvons-nous dire, au stade des recherches actuelles, que leur degré d'ensoleillement est souvent plus élevé que celui des zones déficitaires !
Sourires
D'une manière générale, tout le monde s'accorde à reconnaître que, sur ces questions de démographie médicale, nous manquons de données fiables, cohérentes et partagées, ce qui est dommageable si l'on souhaite prendre des mesures adéquates.
Cependant, sans risque de nous tromper, puisque c'est un constat, nous pouvons d'ores et déjà dire que notre système de soins ambulatoires fondé sur la liberté d'installation des praticiens et leur conventionnement automatique n'est plus susceptible, comme par le passé, de garantir, dans des conditions normales, pour chacun, quel que soit son lieu de résidence, un égal accès aux soins. Ce droit, reconnu dans le préambule de notre Constitution, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président de la commission, n'est plus respecté pour plus de 4 millions de nos concitoyens.
J'exclus pour le moment de mon propos, car nous aurons l'occasion d'y revenir ultérieurement, les autres causes de limitation de ce droit que peuvent être ou devenir les dépassements d'honoraires, les franchises et les déremboursements.
Face à cette situation, les gouvernements précédents ont développé une activité brouillonne, pendant trois années, de 2004 à 2006, au cours desquelles furent adoptées à la hâte un grand nombre de dispositions, sans véritable concertation, sans stratégie ni vision d'ensemble. Le plan démographie médicale de 2006 a été présenté une fois les mesures prises, alors qu'il aurait fallu, à mon sens, peut-être commencer par là !
Chaque année, de nouvelles mesures sont venues s'ajouter aux anciennes, avant même qu'on ait eu le temps de les appliquer ou de les évaluer, la plupart d'entre elles empruntant des véhicules législatifs divers et variés, souvent étrangers au domaine de la santé. Elles furent de ce fait soustraites à l'avis des commissions compétentes des assemblées, ainsi qu'à la tutelle de vos prédécesseurs, madame la ministre.
À cet égard, la création du Comité de la démographie médicale en 2004, sur lequel je reviendrai, restera un cas d'école, puisqu'il n'a jamais pu fonctionner, ses membres n'ayant jamais été nommés. J'ai d'ailleurs déposé un amendement visant à supprimer cette instance qui n'existe pas.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est toujours utile !
Sourires
À cette effervescence législative et réglementaire, il convient d'ajouter les 137 mesures régionales ou locales recensées en 2003 dans une enquête de l'IRDES, l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé, sur les mesures nationales, régionales ou locales de régulation de la répartition géographique des professionnels de santé.
Estimant sans doute que cela ne suffisait pas, votre gouvernement, sur l'initiative du Président de la République, s'est attaqué sans ménagement à la liberté d'installation des futurs médecins. Ce sujet, il faut le reconnaître, soulève un véritable problème. À tout le moins, une discussion préalable avec les intéressés aurait été souhaitable. Il n'en a rien été, puisque vous avez voulu passer en force. Le résultat ne s'est pas fait attendre. Sous la pression des internes descendus dans la rue, vous avez dû retirer les articles 32 et 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ...
Mais non ! Ces articles ont été complétés !
Certes ! Ils ont tout de même été légèrement transformés, reconnaissez-le ! Ceux que vous présentez aujourd'hui sont différents des précédents, n'est-ce pas ?
Quoi qu'il en soit, vous vous en remettez désormais à la tenue d'états généraux de l'organisation de la santé en février prochain.
Pour votre information, madame la ministre, je vous signale qu'il ne s'agit pas des premiers états généraux sur la santé.
M. Kouchner avait réuni, voilà quelques années, des états généraux de la santé.
Il n'a cependant pas réglé le problème de la démographie médicale !
Certes, la suite n'a peut-être pas été ce qu'on aurait pu penser...
La sagesse eût certainement été de procéder à une évaluation de l'efficacité des innombrables mesures déjà en vigueur, qui, souvent, ne sont même pas connues de ceux qui pourraient en bénéficier. Les étudiants que j'ai rencontrés réclament avec insistance la création d'un guichet unique pour l'installation, mesure qui était pourtant, me semblait-il, prévue par le plan de démographie médicale de 2006. Or ce guichet n'est toujours pas en place !
Bien que l'on dispose d'un recul insuffisant pour juger de l'efficacité des mesures que vous avez déjà prises, on peut cependant, pour certaines d'entre elles, porter une première appréciation.
J'évoquerai tout d'abord la majoration de 20 % de la rémunération des médecins généralistes dans les zones déficitaires. Cette mesure, décidée en 2004, n'est effective que depuis le 23 mars 2007, date de la signature de l'avenant conventionnel auquel son application était subordonnée.
Les effets pervers de cette majoration sont connus. Elle risque de conduire les médecins à réduire le nombre de leurs actes et, partant, à diminuer l'offre de soins globale, ce qui va à l'encontre du but recherché.
Une telle mesure pose aussi des problèmes de limite de zone, communs à toutes les aides de ce type, qui excluent de leur bénéfice les praticiens exerçant hors de la zone, mais à sa limite.
Les aides au maintien ou à l'installation sont multiples et rendues inutilement complexes par la référence aux trois zonages hétérogènes que sont les zones déficitaires en offres de soins définies par les missions régionales de santé, les zones franches urbaines et les zones de revitalisation rurale.
De plus, il n'existe aucune coordination entre les aides aux zones sous-médicalisées et le zonage lié à la politique d'aménagement du territoire.
Enfin, les incitations à l'installation ne sont jamais considérées comme déterminantes par les étudiants et les jeunes médecins. Le choix du lieu d'installation est lié non pas au niveau de la rémunération, mais à la qualité de vie qu'il permet d'espérer.
J'en viens au relèvement du numerus clausus.
On a vu que la réduction du nombre de médecins pouvait ne pas produire les effets escomptés. Il est à craindre qu'il en soit de même si l'on décide de l'augmenter. En effet, on peut douter que le relèvement du numerus clausus puisse, à lui seul, remédier à la pénurie de médecins généralistes.
Le numerus clausus doit tenir compte de la disparité territoriale des besoins. Le déterminer de façon bureaucratique et uniforme pour toutes les facultés de médecine n'apporterait aucune garantie de meilleure répartition de l'offre de soins. Il doit être modulé en fonction des régions, comme le préconise d'ailleurs la Conférence nationale de santé.
En même temps, il faut réformer profondément la formation initiale et continue des médecins généralistes et leurs conditions d'exercice. Sur ce point, je note avec satisfaction que ce texte compte des dispositions qui ouvrent des perspectives intéressantes, qu'il importe d'encourager et sans doute de conforter ; j'y reviendrai.
En ce qui concerne la formation initiale, il faut commencer par appliquer les réformes qui sont déjà décidées, à savoir rendre effectifs les stages chez les médecins généralistes. Les stages de deuxième cycle, pourtant obligatoires depuis 1997, ne sont accessibles en 2007, soit dix ans après, qu'à 25 % des étudiants !
De plus, il n'y a toujours pas de stages chez les généralistes pour les internes.
Enfin, il convient de reconnaître la médecine générale comme une spécialité à part entière, enseignée aux côtés des autres spécialités par des enseignants généralistes, professeurs de faculté, et non pas, comme c'est le cas aujourd'hui, par des praticiens hospitaliers.
Aujourd'hui, l'enseignement de la médecine générale théorique et pratique est absent des programmes de deuxième cycle des études médicales.
Les épreuves classantes nationales telles qu'elles se déroulent depuis leur instauration, en 2004, ne permettent pas de pourvoir les postes de médecine générale. Ainsi, au cours des trois dernières années, près de 2 000 postes sont restés vacants.
En attendant que la médecine générale redevienne attractive pour les étudiants, il semblerait utile de régionaliser les épreuves en réduisant le nombre de postes offerts.
Enfin, il convient de réformer les conditions d'exercice de la médecine générale. Ce texte ouvre la voie, bien que trop timidement à mon gré, à des expérimentations qui devraient préfigurer la médecine de demain.
C'est à cette condition que la médecine générale redeviendra attractive auprès des étudiants.
Mais le temps de parole qui m'est imparti ne me permet pas de développer cette question, au demeurant remarquablement traitée par notre collègue Jean-Marc Juilhard dans son excellent rapport.
Permettez-moi simplement d'ajouter que cette formule n'est pas nouvelle, puisque celui qui vous parle a créé, en 1968, une maison médicale, où j'avais d'ailleurs eu le plaisir de vous recevoir, madame la ministre, lors de votre visite pour promouvoir un médicament fabriqué par le laboratoire qui vous employait. ()
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Maintenant, il faudrait un « CRC-bloquant » !
Nouveaux sourires.
Nouveaux sourires.
M. François Autain. Elle a progressé, certes, mais les échanges que nous avions eus à cette époque avaient déjà été très fructueux !
Nouveaux sourires.
Permettez-moi, pour terminer, puisque j'y suis contraint, de souligner que la crise de la démographie médicale n'est qu'un aspect de la crise plus générale que traverse notre système de santé.
Ma conviction est qu'on ne peut pas les dissocier dans la recherche de solutions. Il serait illusoire d'espérer régler l'une sans régler l'autre.
Aussi, l'urgence est de trouver de nouvelles recettes pour répondre aux besoins de financement de l'assurance maladie.
Sur ce point, madame le ministre, le Gouvernement ne semble malheureusement pas sur la bonne voie. Votre budget de fondation manque singulièrement d'assises !
C'est pourquoi je vous indique d'ores et déjà que, à l'évidence, nous ne pourrons pas le voter.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Madame le ministre, le problème de la démographie médicale est depuis longtemps au coeur de la réflexion des élus et des acteurs de santé, tant en France hexagonale qu'en France d'outre-mer.
Avant d'exprimer mon sentiment sur ce problème très grave pour les Français de l'Hexagone et de l'outre-mer, je veux vous faire part de mon profond mécontentement concernant le rapport d'enquête établi en juin 2007 par l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale des finances, à la demande de Jean-François Copé et de Xavier Bertrand, alors qu'ils étaient respectivement, dans le précédent gouvernement, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État et ministre de la santé et des solidarités.
En effet, ce document, énième rapport sur la situation sanitaire en Guyane est rempli d'erreurs, d'idées préconçues et de manipulations, notamment à l'encontre de la médecine libérale.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Alors qu'ils n'ont séjourné en Guyane que quarante-huit heures, ses auteurs prétendent vous apporter l'éclairage nécessaire pour vous permettre de prendre une décision tendant à régler problème de la démographie médicale en Guyane ! Mais qui mieux que l'élu de terrain peut vous décrire objectivement la situation sanitaire de son pays ?
Vous êtes venue en Guyane, vous connaissez la situation sanitaire de la Guyane, aussi bien que vos collègues Xavier Bertrand et Christian Estrosi.
Les rapporteurs en question sous-estiment très nettement le nombre d'habitants, qui ne cesse de croître du fait de l'immigration irrégulière.
Ils prétendent que les revenus des médecins exerçant en Guyane sont élevés, considération totalement insensée lorsque l'on sait que ces derniers, en particulier les spécialistes, sont sous-payés et s'acquittent de leur tâche avec beaucoup de coeur et d'humanité.
Ils auraient également observé que, dans les centres de santé, certaines actions de santé publique, de prévention et d'éducation pour la santé n'étaient pas exécutées. Il faut savoir que cette observation ne porte que sur le seul centre de Saint-Georges-de-l'Oyapock, dans lequel 75% des patients sont des Brésiliens en situation irrégulière...
... qui agressent les médecins, fusil à la main ! Et croyez-moi, ils ne sont pas la fleur au fusil !
C'est vraiment la loi de la jungle !
Les auteurs du rapport excluent que, si de nouvelles mesures d'incitation étaient mises en place, les médecins déjà installés puissent en bénéficier. Pourtant, la Guyane éprouve manifestement de grandes difficultés pour maintenir son tissu de professionnels de santé. Surchargés de travail, épuisés et souvent âgés, ils sont de plus en plus nombreux à réduire leur activité ou à quitter la Guyane pour aller exercer ailleurs. Les exemples de généralistes ou de spécialistes qui ont fui pour rejoindre l'Hexagone ou d'autres pays sont multiples.
Les mêmes auteurs estimant qu'il est impossible d'envisager la mise en place d'un centre hospitalier universitaire à Cayenne, ils considèrent qu'un cursus complet d'études médicales ne peut avoir lieu en Guyane.
Si la Guyane possède un centre spatial, un commandement interarmes, pourquoi ne disposerait-elle pas d'un CHU de haut niveau, qui permettrait en outre d'aider les pays voisins et de former leurs étudiants ? Les évacuations sanitaires coûtent très cher. Or l'objectif que vous poursuivez, madame le ministre, est bien de réduire les dépenses de santé !
Par ailleurs, la démographie médicale de la Guyane est la plus faible de France. Ce département compte 3, 5 fois moins de généralistes et de spécialistes que l'Hexagone, alors que la population guyanaise ne cesse de croître : elle a plus que triplé en vingt-cinq ans, principalement en raison d'une forte natalité et d'un taux élevé d'immigration.
Un tel état des lieux, bien connu depuis plusieurs années, ne peut être perpétuellement décrit et analysé passivement, dans l'espoir d'une amélioration miraculeuse qui interviendrait avec le temps. Cette situation n'est évidemment pas acceptable !
Le défi que doit relever la Guyane en matière de santé est immense. Il représente un véritable challenge pour notre région, impliquant, aux yeux de la population une obligation de résultats.
L'une des pistes envisagées afin de remettre à niveau le secteur de la santé, pilier incontournable du développement économique et social, est la création d'une zone franche sanitaire.
Malheureusement, aux yeux des fameux rapporteurs, elle serait inutile, injustifiée et inefficace, au même titre que tout autre dispositif supplémentaire !
Pourtant, une telle mesure, plébiscitée depuis des années par tous les professionnels de santé de Guyane, permettrait d'y maintenir ceux qui s'y trouvent et d'en attirer de nouveaux.
Très récemment, le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, Christian Estrosi, a présenté les grandes lignes du projet de zone franche globale d'activité. Le but de ce projet phare du Président de la République pour les départements d'outre-mer est d'améliorer la compétitivité des entreprises et l'économie des pays d'outre-mer.
La santé figure au nombre des carences les plus criantes de l'outre-mer et, singulièrement, de la Guyane, en termes tant d'infrastructures, d'équipement, que de présence médicale.
C'est pourquoi les élus et les partenaires économiques guyanais estiment que, parallèlement aux programmes publics d'investissement et à la déclinaison des orientations sanitaires nationales, il est impératif d'inscrire les professionnels soignants au nombre des bénéficiaires de la zone franche globale d'activité.
En effet, différentes études l'ont démontré, l'accès à des équipements performants et l'existence de plateaux techniques adaptés, conjugués à une pression fiscale et sociale minorée, constituent des facteurs déterminants pour maintenir et attirer les professionnels en Guyane.
Madame le ministre, si l'espoir soulevé par la zone franche sanitaire permet de faire attendre les professionnels de santé, il risque de laisser place à un sentiment d'exaspération, puis de renoncement et de déstructuration de l'existant, ce qui aurait un coût autrement plus important, avec des conséquences économiques et sanitaires désastreuses.
Je sais que vous pouvez nous aider. Les Guyanais en ont besoin. Vous avez la capacité, avec le Gouvernement, d'apporter la solution qu'ils attendent.
Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question de la démographie médicale fait apparaître au moins deux problèmes distincts : la localisation inégale des professionnels de santé sur notre territoire et l'inadaptation du numerus clausus aux besoins de soins.
C'est le premier point que je me propose de développer.
D'emblée, il convient d'affirmer que, en matière d'amélioration de la répartition géographique des professionnels de santé, nous faisons fausse route.
J'insisterai donc sur deux des mesures capables de susciter l'adhésion des professionnels de santé à l'idée d'exercer dans des zones à ce jour délaissées.
Nous le savons tous, les densités en professionnels de santé présentent de fortes disparités d'une région à l'autre, d'un département à l'autre, voire, dans un même département, d'une zone à l'autre.
D'une manière générale, et historiquement, ces professionnels sont nombreux en Île-de-France, dans les départements méditerranéens, alpins, ceux du sud-ouest et de la Corse. À l'inverse, ils sont plus faiblement représentés dans les départements du centre et du nord de la France.
C'est ainsi que, en secteur ambulatoire, la densité médicale départementale varie de 1 à 4. Quand la moyenne départementale est de 189 médecins pour 100 000 habitants, Paris en compte 365, contre 118 seulement dans l'Eure.
L'écart est le même en ce qui concerne les masseurs-kinésithérapeutes.
Il se révèle nettement plus important chez les infirmiers libéraux, leur densité variant de 1 à 7, puisqu'elle est de 30 dans le département le moins bien pourvu et de 231 dans le mieux pourvu.
D'une façon générale, il apparaît que les zones périurbaines défavorisées et les zones rurales sont les plus désertées.
Une telle hétérogénéité dans la répartition territoriale des professionnels de santé emporte, comme première conséquence pour nos concitoyens, un accès inégal aux soins.
L'assurance maladie indique également une envolée des dépenses des soins de ville dans les zones surdotées en professionnels de santé.
Pour l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, une offre de soins pléthorique générerait une demande de soins « injustifiée » des patients.
On peut donc affirmer qu'une maîtrise des flux des professionnels de santé dans ces zones à forte densité conduirait, à coup sûr, à une maîtrise des dépenses de santé. En moyenne, par exemple, les soins infirmiers par patient s'élèvent annuellement à 223 euros. Cependant, ce montant s'étire de 100 euros dans le Centre à plus de 450 euros en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Pendant longtemps, pour remédier à ces déséquilibres territoriaux, les seules mesures prises ont été, d'une part, la hausse globalisée du nombre des professionnels de santé et, d'autre part, la modulation régionale. Plus récemment, des aides financières à l'installation ou au maintien en exercice ont été mises en place.
De ce fait, au sein des hôpitaux, ont été créés dans les régions déficitaires des postes de praticien hospitalier dits « prioritaires », donnant droit à une allocation spécifique de 10 000 euros pour un engagement d'une durée de cinq ans, et, par ailleurs, des postes d'assistant hospitalo-universitaire et de chef de clinique donnant accès au secteur 2.
Concernant l'exercice libéral, des exonérations fiscales et de charges sociales sont accordées dans le cas d'un exercice ou d'une installation dans les zones franches urbaines, les zones de revitalisation rurale, les zones de redynamisation urbaine ou dans les communes de moins de 10 000 habitants.
L'assurance maladie propose également des aides financières dans le cadre de sa politique conventionnelle. Récemment, à destination des omnipraticiens, elle a mis en oeuvre deux nouvelles formes d'incitation : les soins dispensés ou prescrits sont exonérés des pénalités dues pour le non-respect du parcours de soins pendant une durée de cinq ans et le montant des consultations et des visites réalisées par lesdits professionnels exerçant en cabinet de groupe est majoré de 20 %.
À l'échelle régionale, les mesures en faveur d'une meilleure répartition géographique des professionnels de santé sont, quant à elles, axées principalement sur la formation et les conditions d'exercice. Selon une récente enquête menée auprès des comités régionaux de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, l'ONDPS, ces mesures sont essentiellement les suivantes : une sensibilisation des étudiants à des stages en hôpital local ou en zone rurale ; des bourses d'études sous conditions de stage ou d'installation ; le financement de formes d'organisation de soins innovants, telles que les maisons de santé pluridisciplinaires et certains dispositifs de permanence des soins.
Toutes ces politiques publiques nationales et régionales ont pour but d'inciter les professionnels de santé à s'installer dans les zones sous-dotées.
À ce jour, les résultats sont très décevants et, dans leur grande majorité, les mesures en place n'ont pas été évaluées. Toutefois, l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l'IRDES, les a mises en perspective avec les expériences de pays étrangers telles qu'elles sont retracées dans des publications internationales et les enseignements qui découlent de cette étude sont d'un grand intérêt.
L'IRDES souligne en effet les limites des deux dispositions les plus prometteuses, à savoir l'augmentation globale du nombre de médecins, jugée inefficace, et les incitations financières, considérées comme insuffisantes.
Les exemples du Royaume-Uni, des provinces canadiennes et des États-Unis montrent sans équivoque qu'agir sur les effectifs globaux des médecins ne constitue pas une solution au problème de leur répartition territoriale.
Malgré la concurrence exacerbée et la saturation de l'offre dans les zones à forte densité, les médecins britanniques, canadiens ou américains continuent de s'y établir et ne s'installent pas pour autant dans les zones déficitaires.
C'est aussi ce que nous pouvons observer en France.
Quant aux aides accordées sous forme de bourses d'études, mises en oeuvre depuis les années soixante-dix aux États-Unis, au Canada et en Australie, elles ont un impact notable à court terme, mais sont inefficaces à plus long terme. En effet, dans de très nombreux cas, les professionnels de santé procèdent au rachat de ladite bourse afin de se soustraire, avant son terme, à l'obligation d'exercice.
De plus, ces bourses d'études suscitent d'importants effets d'aubaine et, surtout, une compétition accrue entre les régions.
De même, la majoration de la rémunération des professionnels de santé exerçant en zone déficitaire n'a qu'une influence modérée à court terme et très faible à long terme. En effet, dans les zones de faible densité, les professionnels de santé ont une « patientèle » et des revenus plus importants que leurs confrères situés en zone pléthorique. C'est aussi ce que l'on constate chez nous.
Le système de prime à l'installation, appliqué notamment au Royaume-Uni entre 2001 et 2005, a depuis lors été abandonné.
L'efficacité très relative, voire nulle, de ces mesures incitatives doit-elle pour autant nous amener à envisager des mesures coercitives ?
Sur ce point, le protocole d'accord du 22 juin 2007 conclu entre l'assurance maladie et les quatre syndicats représentatifs des infirmiers libéraux est souvent cité en exemple. Ce texte met en place un dispositif de régulation territoriale de la population infirmière libérale fondé notamment sur le non-conventionnement à l'assurance maladie de tout infirmier libéral s'installant dans des bassins de vie à forte densité.
Nous connaissons sur ce sujet la position de certains autres professionnels de santé libéraux, notamment des médecins, qui n'hésitent pas à parler de casus belli.
Surtout, l'étude de l'IRDES sur les exemples étrangers conclut à la faible efficacité de la politique de limitation de l'installation des professionnels de santé en zone excédentaire.
L'IRDES se réfère notamment au cas de l'Allemagne, où, depuis 1993, le conventionnement à l'installation est limité dans les zones où la densité médicale est supérieure de 10 % à la moyenne nationale. Inversement, l'installation est encouragée dans les zones où cette densité est inférieure de 10 %.
Cette politique a eu notamment pour effet de détourner les étudiants des filières médicales au profit d'autres filières universitaires, sans qu'il soit bien sûr remédié, même partiellement, à l'inégalité de leur répartition géographique.
À la lumière de toutes ces données, notre groupe propose deux orientations, qui figurent parmi les propositions avancées par l'ONDPS et qui semblent plébiscitées par les professionnels de santé.
En premier lieu, il est fondamental que la question du choix du lieu d'installation et du maintien dans l'activité des professionnels de santé soit replacée dans un contexte de développement local et d'aménagement du territoire.
La problématique simplement sanitaire doit être dépassée. Dans un récent rapport, l'ONDPS fait état de la crainte de l'isolement des professionnels de santé.
L'accès à un plateau technique performant et l'intégration dans une équipe médicale de masse critique suffisante sont des facteurs d'attractivité indéniables pour un exercice médical efficace et rassurant.
Le travail exploratoire d'un groupe de recherche interdisciplinaire en santé de l'université de Montréal, dont l'IRDES se fait l'écho, souligne aussi l'importance d'associer l'analyse des critères professionnels à celle des critères personnels, en particulier les attentes en termes de qualité de vie familiale, sociale et culturelle.
Il est difficile pour un médecin de s'installer avec sa famille dans une zone où son conjoint a peu de possibilités de trouver un emploi, où ses enfants manquent d'infrastructures scolaires, où services publics et commerces disparaissent.
Ainsi, pour lutter contre l'isolement des professionnels de santé dans leur pratique et leur vie quotidiennes, il est primordial de favoriser le regroupement, la coopération et la coordination entre les établissements de santé et entre les professionnels de santé.
S'agissant des hôpitaux, cet objectif se traduit par leur organisation en pôles interhospitaliers au moyen de conventions ou par la constitution de groupements de coopération sanitaire.
L'actuel projet de loi de financement de la sécurité sociale contient une avancée en la matière - ce qu'il faut saluer.
En revanche, tout reste à faire en secteur ambulatoire, où l'accent doit être mis sur les maisons de santé pluridisciplinaires. Celles-ci rassemblent différents professionnels médicaux et paramédicaux qui proposent une prise en charge globale du patient. Il en résulte une amélioration de la qualité des soins et de l'organisation du travail médical du fait d'une activité planifiable, d'une continuité des soins assurée, d'investissements financiers et de contraintes administratives partagés.
Ces maisons de santé pluridisciplinaires doivent dépasser le stade de l'expérimentation et leur financement, assuré de façon aléatoire par le fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS, doit être rendu pérenne.
Nous regrettons donc que notre amendement relatif à ce dernier point ait été rejeté par la commission des finances.
En second lieu, il conviendrait de transférer de nouvelles compétences médicales vers des professionnels paramédicaux.
Le professeur Yvon Berland, président de l'ONDPS, parle de la nécessité de « recentrer les médecins sur le coeur de leur métier » ou encore de « libérer du temps médical ».
Quinze projets expérimentaux ont été lancés en ce sens en milieu hospitalier et en secteur ambulatoire. La majorité d'entre eux portent sur la délégation de compétences et d'actes médicaux au profit des infirmières. Il s'agit essentiellement de la mise en place de consultations de dépistage, de missions de promotion, d'éducation et de suivi des personnes atteintes de pathologies chroniques et de la réalisation d'examens spécialisés complémentaires.
Notre groupe vous propose donc, madame la ministre, d'avancer maintenant à grands pas, et en étroite concertation avec les professionnels de santé, dans les deux voies que sont la réorganisation territoriale de l'offre de soins et le transfert de compétences médicales aux professionnels paramédicaux.
Par ailleurs, et sans développer ce deuxième point, j'estime qu'il faudrait se reposer la question du numerus clausus.
On devrait compter, de nos jours, non plus le nombre de médecins sortis des facultés, mais le nombre d'heures de présence médicale qu'une promotion annuelle de médecins est en mesure d'assurer.
Il est fini le temps où les médecins étaient taillables et corvéables à merci, de jour comme de nuit, en semaine, le samedi, le dimanche et les jours de fête.
Nombre de jeunes médecins n'envisagent pas de sacrifier vie de famille et vie personnelle à l'exercice de leur profession. Cela est d'autant plus vrai pour les jeunes femmes mères de famille qui, au moins en début de carrière, souhaitent exercer leur profession à temps partiel.
Il faudrait se donner les moyens de réfléchir à cette question. Une enquête suffisamment représentative nous apprendrait beaucoup et nous serions certainement amenés à revoir notre position sur le nombre de médecins qui, à l'avenir, devraient être diplômés chaque année.
Peut-être faudrait-il former les médecins non en fonction de leur nombre idéal par habitant, mais plutôt par temps moyen consacré par chacun d'entre eux au temps médical tel qu'il a été défini tout à l'heure par le président About.
Nous aimerions, madame la ministre, qu'une enquête soit diligentée sur ce sujet.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les problèmes de démographie médicale étaient connus et débattus sereinement depuis quelques années - mon groupe et moi-même avons régulièrement interrogé votre prédécesseur à ce sujet, madame la ministre, parfois sans recevoir de réponse -, le débat d'aujourd'hui a lieu dans un climat particulier, pour ne pas dire qu'il est faussé, biaisé.
Comment se fait-il qu'un article ne prévoyant qu'une discussion entre les acteurs conventionnels et l'assurance maladie ait déclenché une telle mobilisation ? Il faut bien le dire, madame la ministre, c'est votre attitude qui en est largement responsable. C'est bien parce que vous avez négligé de consulter préalablement les acteurs concernés, puis tenté de garder le cap avant de reculer complètement, que le débat d'aujourd'hui, aussi intéressant soit-il, n'apportera rien de concret à court terme.
Quant aux états généraux annoncés, j'espère sincèrement qu'ils permettront d'avancer sur cette question, même si je crains que la crise que vous avez déclenchée et la réponse que vous apportez à travers les deux articles modifiés n'aient durablement braqué les organisations syndicales de médecins et d'étudiants en médecine.
Cela est d'autant plus surprenant pour nous que le présent PLFSS, tout comme le précédent, est en fait bien plus contraignant à l'égard des assurés sociaux que des professionnels de santé. Une fois encore, comme mes collègues l'ont déjà démontré dans la discussion générale, il existe une disproportion entre les efforts imposés aux assurés sociaux et ceux qui le sont aux autres acteurs de l'assurance maladie. Ce projet de loi de financement accroît les déséquilibres et les effets pervers de la réforme de 2004, qui pénalise les malades, faute de s'attaquer à une véritable réorganisation de notre système de soins, fondée sur la qualité et l'égalité d'accès aux soins.
Il semble bien que le caractère obligatoire ne présente pas de difficulté, madame la ministre, lorsqu'il s'agit de maintenir une politique de fermeté à l'encontre des assurés sociaux, qui sont contraints, chaque année, à des efforts financiers supplémentaires.
Au contraire, il semble que cette même politique témoigne immédiatement d'une véritable timidité, pour ne pas dire plus, lorsqu'il s'agit d'imposer aux professionnels de santé une obligation minimale d'intérêt général. Il est vrai que, si les étudiants en médecine peuvent perturber le fonctionnement des hôpitaux - et on comprend leurs raisons -, les millions d'assurés sociaux qui ont signé une pétition contre les franchises n'ont pas les mêmes moyens.
J'en reviens à notre sujet d'aujourd'hui. Comme le rappelle notre collègue Jean-Marc Juilhard dans son rapport d'information, le nombre de médecins en exercice n'a jamais été aussi élevé. Pourtant, les disparités entre régions deviennent trop importantes pour que soit garanti sur l'ensemble du territoire un accès à des soins de qualité. Et cette situation devrait s'aggraver dans les années à venir.
Dans ma région, la Basse-Normandie, les cas de sous-démographie médicale sont nombreux, qu'il s'agisse des généralistes ou des spécialistes. Sans même parler des inégalités infrarégionales ou infradépartementales, les chiffres qui ont été rappelés dans le rapport de notre collègue Jean-Marc Juilhard sont clairs : généralistes et spécialistes confondus, la Basse-Normandie a la troisième densité la plus faible, derrière la Picardie et la Haute-Normandie ; pour les généralistes, la Basse-Normandie arrive en deuxième position, derrière la région Centre ; pour les spécialistes, nous sommes en septième position, mais la situation varie selon les spécialités.
Aussi, je suis quelque peu surpris qu'une étude sur la surmédicalisation de certaines zones n'ait pas été réalisée, d'autant que l'exercice n'a rien d'insurmontable : je m'y suis moi-même livré.
J'ai pu ainsi constater une différence extraordinaire entre l'agglomération de Cherbourg, que je connais très bien, et le Ve arrondissement de Paris, tout près d'ici. À Cherbourg, qui compte 100 000 habitants, il n'y a aucun pédiatre en libéral.
Je n'en doute pas, madame la ministre.
Dans le Ve arrondissement, où le nombre d'habitants est deux fois moins important, il y a onze pédiatres libéraux...
... et deux fois plus de gynécologues qu'à Cherbourg. Il en va de même pour les médecins généralistes.
Mais j'ai gardé le meilleur pour la fin, et n'y voyez de ma part aucune hostilité envers ce très bel endroit qu'est le Ve arrondissement : pour les 100 000 habitants de Cherbourg, il n'y a que deux psychiatres, alors que dans le Ve arrondissement, où vivent 60 000 habitants, ils sont 114 !
Cela prouve que les habitants de Cherbourg sont beaucoup plus stables que les autres ! (Sourires.)
Nouveaux sourires.
Cela peut avoir en effet quelque chose de rassurant, mais on ne me fera pas croire que cette situation n'est pas à l'origine de certaines dérives au regard de l'assurance maladie. Nous sommes là dans un système concurrentiel qui ne s'accorde pas forcément très bien avec les préoccupations que nous exprimons aujourd'hui.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faut changer de maire, il y aura moins besoin de psychiatres !
Nouveaux sourires.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ces propos n'engagent que vous, monsieur le rapporteur. Je ne me mêlerai point de ce problème.
Nouveaux sourires.
Merci, madame la ministre.
Plus sérieusement, nous entendons souvent parler, à juste titre, de sous-médicalisation dans les zones rurales. Mais je voudrais attirer votre attention sur le fait que ce phénomène touche aussi les villes - je viens de citer Cherbourg - qui disposent pourtant de tous les éléments d'aménagement du territoire nécessaires. Les zones en difficulté ne sont donc pas les seules concernées.
Dans certaines agglomérations pourtant bien équipées, on manque aussi de médecins. Il faut absolument que cette situation cesse.
Il faut le reconnaître, depuis deux ans, des mesures ont été prises pour tenter d'y remédier, même si, comme le rappelle la Cour des comptes, elles ne sont pas suffisamment efficaces et sont souvent mal connues des bénéficiaires potentiels. Ces mesures consistent essentiellement en des incitations financières assumées principalement par l'assurance maladie et les collectivités locales. Pourtant, dans ce domaine, il me semble que l'État a un rôle primordial à jouer.
À cet égard, je ne peux que rejoindre la position de la Cour des comptes, qui considère que « les questions touchant notamment aux droits des malades, à l'accès aux soins et à la permanence des soins devraient rester de la compétence principale de l'État ». Or ce n'est plus le cas puisque, une fois de plus, le PLFSS prévoit de déléguer aux négociations conventionnelles non seulement ce qui relève de la démographie médicale, mais aussi la question de la permanence des soins ou des modes de rémunération.
Selon nous, garantir l'accès aux soins sur tout le territoire et la qualité d'exercice des médecins et des professionnels de santé de proximité ne peut pas et ne doit pas relever des seules négociations conventionnelles, même si elles sont indispensables.
En agissant ainsi, le Gouvernement méconnaît la responsabilité de l'État s'agissant tout autant de l'aménagement du territoire que de l'ordre public, car aujourd'hui, c'est l'égalité d'accès aux soins pour tous qui est menacé.
Bien évidemment, on ne réglera pas ces questions sans l'implication et la participation des professionnels concernés, ce qui suppose de prendre en compte leurs aspirations légitimes quant à l'organisation de leur vie professionnelle et la conciliation avec leur vie personnelle. Néanmoins, c'est à l'État de prendre les décisions de régulation dans ce domaine, au nom de l'intérêt général et de la solidarité nationale, ce que vous renoncez à faire pour l'instant.
Dans son rapport, notre collègue Jean-Marc Juilhard propose déjà quelques pistes, que nous partageons pleinement : la régionalisation des épreuves classantes pour l'accès au troisième cycle des études médicales, afin de stabiliser les étudiants dans la région où ils auront achevé leurs études ; l'adéquation entre le nombre de postes ouverts à l'examen et celui des candidats, afin d'éviter les postes non pourvus qui sont toujours ceux de médecine générale, et c'est bien ce qui se passe dans les grandes écoles, comme l'a dit M. le rapporteur ; la rationalisation des incitations financières, notamment en ce qui concerne les zonages de référence ; la simplification des démarches administratives pour l'obtention de ces aides à l'installation ; le développement des centres de santé ; la labellisation des maisons de santé, etc.
Cela étant, je pense qu'il faut aller encore au-delà de ces propositions. À cet égard, des mesures de régulation de l'installation me semblent, à terme, inévitables.
Les infirmiers libéraux ont accepté de s'engager dans cette voie ; les médecins ne peuvent rester les seuls à ignorer les réalités territoriales de l'accès aux soins. Une profession, même libérale, dès lors qu'elle est financée par l'argent public a des obligations, il faut le rappeler.
Cette régulation territoriale ne pourra être efficace que si elle s'accompagne d'une adaptation de la formation initiale des étudiants en médecine. Dans cette optique, même si Mme Dini nous a dit que ce dispositif n'était pas efficace, il nous paraîtrait intéressant de généraliser une mesure déjà mise en oeuvre par certains départements, dont celui de la Manche - je parle sous la responsabilité de notre collègue Jean-François Le Grand -, qui attribuent des bourses aux étudiants en médecine acceptant de s'installer durablement sur leur territoire.
Bien sûr, il s'agit là d'une pratique qui n'en est qu'à ses débuts et il peut y avoir des dérives. Mais c'est une piste qu'il ne faut pas fermer avant de l'avoir expérimentée.
Qui attribue les bourses aux étudiants en médecine ? Les collectivités locales. Or la généralisation d'une allocation d'études versée par l'État en contrepartie d'un engagement des étudiants à s'installer dans une zone sous-médicalisée mérite d'être étudiée. C'est le sens de l'un de nos amendements.
Au-delà, il me semble nécessaire de clarifier le rôle, notamment, du médecin généraliste afin de redonner de l'attractivité à ce métier essentiel - sur ce point la réforme de 2004 est restée à mi-chemin -, mais aussi de faire évoluer les modes d'exercice des praticiens libéraux : il reste encore beaucoup à faire pour rendre l'exercice groupé, ou en réseau, véritablement intéressant pour les praticiens concernés. Les règles fiscales et sociales liées aux charges de fonctionnement d'un cabinet de groupe ne sont pas suffisamment attractives, de même que les modes de rémunération des professionnels de santé.
En effet, c'est l'autre chantier à ouvrir d'urgence dans ce domaine. Non seulement le paiement à l'acte est porteur d'inflation des dépenses de santé, mais il favorise l'isolement et la concurrence entre praticiens. À mon sens, le paiement à l'acte doit devenir la variable d'ajustement de la rémunération des professionnels de santé, ...
J'ai ouvert quelques pistes dans le projet de loi !
Je ne dis pas le contraire, madame la ministre ! Si l'on peut cheminer en ce sens, je n'y vois aucun inconvénient.
Le paiement à l'acte, disais-je, doit devenir la variable d'ajustement de la rémunération des professionnels de santé, qui doit reposer principalement sur un système forfaitaire reflétant la mission de service public accomplie par les médecins libéraux.
La création du médecin référent par le gouvernement de Lionel Jospin constituait un premier pas vers de nouvelles règles de rémunération, sur la base du volontariat. Vous y avez mis fin pour des raisons purement idéologiques, et aujourd'hui vous ne pouvez que constater votre erreur, même si j'admets volontiers que le système du médecin référent était très perfectible.
Et il n'a intéressé que moins de 7 000 médecins !
Bien sûr, mais ce dispositif reposait sur le volontariat.
Sans en reprendre l'appellation, ce PLFSS prévoit le retour à un système qui s'apparente pratiquement à celui du médecin référent.
En fin de compte, on ne réglera la question de la démographie médicale qu'en changeant profondément la pratique médicale et l'esprit qui la guide. À cet égard, les articles 32 et 33 du projet de loi initial ont indéniablement été mal conçus : créer un mécanisme de conventionnement à géométrie variable était une mauvaise solution tant pour les médecins que pour les assurés.
La réécriture proposée par le Gouvernement à l'occasion de l'examen du texte à l'Assemblée nationale n'est ni meilleure ni pire. Elle ne règle aucun des problèmes soulevés par ce débat. Espérons que les états généraux annoncés permettront d'aborder ce problème de manière globale et constructive.
Il y a urgence, je sais que vous en êtes consciente, madame la ministre, car les jeunes étudiants en médecine doivent être précisément informés des conditions futures d'exercice de la profession. Il faut que la règle du jeu soit claire dès le départ ; tout retard ne fera qu'aggraver la situation des zones sous-médicalisées et reporter, du fait de la longueur des études médicales, son règlement pour de nombreuses années.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais vous dire tout d'abord que je suis particulièrement heureux de l'accueil réservé à mon rapport d'information.
Je suis très touché par cette appréciation, madame la ministre.
La mission d'information qui m'a été confiée par la commission des affaires sociales a été l'occasion d'étudier au cours de cette année l'offre de soins et la démographie médicale. Je ne peux m'empêcher de partager cette satisfaction devant vous avec le talentueux administrateur qui m'a accompagné tout au long de cette mission.
Cela étant dit, je tiens à vous remercier, madame la ministre, de nous donner l'occasion de débattre d'un sujet essentiel pour nos concitoyens : l'égalité d'accès aux soins.
Plus personnellement, si vous le permettez, madame la ministre, je voudrais vous dire que j'ai été très heureux et très sensible à votre accueil et à votre écoute, le mercredi 17 octobre, lors de la présentation de mon rapport dans votre bureau.
Mon intervention risque de rependre les propos de certains de mes collègues, mais il est parfois intéressant d'enfoncer le clou.
L'égalité d'accès aux soins est l'un des principes fondamentaux de notre système de santé. Il est donc de notre responsabilité de contribuer à la mise en place de la meilleure répartition possible de l'offre de soins sur l'ensemble de notre territoire.
Avec 252 746 praticiens inscrits au conseil de l'ordre au 1er janvier 2007, dont 213 995 en activité, la France compte plus de médecins que la moyenne des pays d'Europe, cela a déjà été dit à plusieurs reprises.
Depuis 1979, le nombre de ces praticiens, qui était de 112 066 à l'époque, a presque doublé. Pourtant, au fur et à mesure des départs massifs à la retraite, les prévisions laissent craindre une crise dans l'organisation du système de soins et l'apparition de « déserts médicaux » dus à une répartition déséquilibrée des praticiens sur le territoire.
Selon les éléments de l'atlas de la démographie médicale en France présentés en juin dernier par le conseil national de l'ordre des médecins, les inégalités géographiques ont tendance à s'aggraver.
Nous sommes donc face à un paradoxe : alors que la France n'a jamais compté autant de praticiens en activité, les disparités entre les régions sont trop importantes pour garantir à tous nos concitoyens une offre de soins satisfaisante. Aujourd'hui, 4 millions de Français ont des difficultés pour accéder aux soins dispensés par un médecin généraliste.
Un exemple éloquent : le nombre de généralistes par habitant varie respectivement du simple au double entre la Seine-Saint-Denis et les Hautes-Alpes, ce qui démontre au passage que l'insuffisance de la densité médicale ne concerne pas uniquement les territoires ruraux.
Nombre de nos concitoyens sont confrontés à des délais trop longs pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, et l'hôpital public ne peut à lui seul compenser cette désorganisation.
Afin d'éviter l'aggravation de cette rupture dans l'égalité des citoyens devant l'accès aux soins de qualité, il est nécessaire de remédier très rapidement à une situation qui ne cesse de se dégrader.
La tâche nous est rendue d'autant plus difficile que cette crise comporte plusieurs aspects : la baisse des effectifs des professionnels de santé, l'accentuation des inégalités territoriales en matière d'offre de soins, le vieillissement de la population et l'augmentation du niveau d'exigence des patients.
Plusieurs mesures ont été prises ces dernières années, mais force est de constater qu'elles n'ont pas suffi à contenir l'aggravation de la fracture territoriale en matière d'offre de soins.
Les pouvoirs publics ont procédé à une augmentation régulière du numerus clausus depuis 2002, mais nous ne pourrons en constater les effets que dans une dizaine d'années.
Nous avons également voté, en 2004, la loi relative à l'assurance maladie, qui a permis aux unions régionales des caisses d'assurance maladie de conclure des contrats avec les professionnels de santé libéraux dans le but de les inciter à se regrouper.
Par ailleurs, la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a permis aux collectivités locales d'attribuer aux étudiants, à partir de la première année du troisième cycle, une indemnité d'études et une indemnité de logement pour les stagiaires.
C'est le cas, entre autres, de l'Allier, cher à Gérard Dériot, président du conseil général et sénateur de ce département, de la Lozère et de la Lorraine.
Le conseil général de l'Allier a décidé de créer une bourse « d'études et de projet professionnel ». Elle s'adresse aux étudiants en médecine de troisième cycle qui ont opté pour la spécialisation « médecine générale ». En échange, ils s'engagent à s'installer pour une durée minimale de six ans dans une zone déficitaire du département. L'aide peut atteindre jusqu'à 36 000 euros par volontaire.
Par ailleurs, le champ d'action des collectivités locales a été élargi le 1er janvier 2006 afin que des locaux professionnels ou des logements puissent être mis à disposition des médecins s'installant ou exerçant dans ces zones prioritaires.
Toutefois, dans la mesure où toutes ces incitations financières n'ont pas suffi pour résoudre les problèmes de démographie médicale que connaît notre pays, il convient de traiter cette question avec la plus grande acuité.
Madame la ministre, je souhaite vous rendre hommage pour votre volonté. Vous avez compris que nous ne pourrions pas améliorer l'accès aux soins si nous nous contentions de mesures économiques. Votre texte initial a été caricaturé. Vous aviez pourtant rappelé à maintes reprises, ici même, votre attachement à la liberté d'installation. Je regrette que vous n'ayez pas été mieux entendue.
Nous savons que les décisions d'avenir devront être prises en étroite concertation avec les jeunes médecins. C'est d'ailleurs ce que vous avez proposé en annonçant, pour le début de l'année 2008, la tenue d'états généraux auxquels l'ensemble des organisations d'internes sont invitées à participer.
Vous pouvez compter sur notre soutien, sur notre participation aux travaux de ces états généraux et, bien entendu, sur mon engagement personnel.
Quelles sont, au-delà, les orientations qu'il conviendrait de prendre ?
Dans son rapport annuel pour 2007, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, instance qui réunit l'ensemble des acteurs du système de santé, estime indispensable de dépasser la politique actuelle de « moindre contrainte ».
Madame la ministre, à ce stade de nos débats, permettez-moi de vous présenter quelques propositions qui ont été débattues et adoptées par la commission des affaires sociales.
J'attache beaucoup d'importance à l'essor des maisons de santé pluridisciplinaires. Les pouvoirs publics seraient bien inspirés de favoriser la généralisation de ces expériences nées du terrain, grâce à l'initiative de quelques professionnels de santé entreprenants. Ce sujet a été largement évoqué par les intervenants qui m'ont précédé.
Pour assurer le développement de ce mode d'organisation de l'offre de soins, il apparaît nécessaire de créer un label spécifique « maison de santé pluridisciplinaire ». Le développement de ces établissements devra être accompagné de la sécurisation de leur cadre juridique et de l'harmonisation des aides dont ils bénéficient pour leur fonctionnement.
Les mesures incitatives qui ont d'ores et déjà été prises devront être évaluées et optimisées.
Comme cela a été souligné par nombre d'orateurs, il apparaît nécessaire de mieux informer les étudiants en médecine sur les mécanismes d'aide et, surtout, de mieux les accompagner pour éviter que leur doute ne se transforme en renoncement.
Il faudra aussi revoir le système de formation des professionnels de santé - là encore, j'enfonce le clou ! -, par exemple en réfléchissant à la transformation de l'examen classant national en examen régional.
Nous avons vu que les professionnels de santé eux-mêmes n'écartaient pas forcément le recours à de nouvelles mesures, le cas échéant financières. Les infirmiers libéraux y ont été sensibles, vous l'avez rappelé, madame la ministre. Les chirurgiens-dentistes que j'ai eu l'occasion de rencontrer n'y sont pas fermés, pas plus d'ailleurs que certains médecins.
En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous n'en serez pas surpris, je vous confirme que nous attendons beaucoup des futurs états généraux.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien qu'il n'ait jamais compté autant de médecins, notre pays vit depuis plusieurs années une grave crise de démographie médicale qui se traduit d'ores et déjà par une forte accentuation des inégalités territoriales en matière d'offre de soins.
Ainsi, dans de nombreuses zones de notre territoire, des zones rurales en particulier, il n'est plus possible aux malades de consulter un médecin ni à un médecin de trouver un remplaçant. On peut parfois parler d'un quasi-désert médical.
Féminisation de la profession, modification des comportements professionnels et des aspirations personnelles des jeunes médecins, accroissement et évolution des besoins de soins : tout concourt au rejet de l'activité de la médecine en zone rurale. Et, malheureusement, ce phénomène devrait s'amplifier au cours des prochaines années !
Le problème auquel nous sommes confrontés réside moins dans le nombre de médecins que dans leur répartition sur le territoire. On ne pourra y remédier que par une approche globale liée au développement de l'attractivité des territoires et de l'amélioration des moyens de l'exercice de la médecine en milieu rural, aussi bien du point de vue technique qu'en termes matériels. Ce qui est ici en cause, c'est la qualité de la vie du futur médecin et, j'insiste sur ce point, de sa famille.
Lorsque les pouvoirs publics ont pris conscience de l'ampleur du problème, des dispositifs d'incitation - bourses, mécanismes d'incitation financière, exonérations fiscales, exemptions de charges sociales - ont été mis en place dans l'espoir d'amener les médecins à s'installer dans les zones sous-médicalisées :
Les collectivités territoriales se sont, elles aussi, saisies du dossier et s'efforcent, chacune à son niveau, de participer à l'incitation et à la définition de politiques innovantes.
À cet égard, madame la ministre, il ne faudrait pas que la participation active des collectivités devienne source de surenchères ou de conflits.
Actuellement, en Corrèze, dans des communes comme Beynat et Lubersac, des projets d'investissement immobiliers destinés à l'accueil de cabinets médicaux ou de maisons de santé peinent à voir le jour du fait de discordances politiques entre les collectivités, et ce au grand désarroi des médecins et au détriment des patients.
Dans la mesure où l'intervention des collectivités dans la gestion de l'offre de soins ne fera que croître à l'avenir, et eu égard au rôle majeur que peut jouer la présence d'une structure de soins en termes d'aménagement du territoire, il sera sans doute nécessaire d'envisager un meilleur ordonnancement et une structuration plus efficace des interventions. De ce point de vue, le schéma de cohérence territoriale, le SCOT, me paraît fournir un cadre bien adapté.
Pour l'heure, force est de constater que les dispositifs incitatifs n'ont pas produit les effets escomptés. Certes, nous n'avons encore que peu de recul, la plupart d'entre eux ayant été mis en place voilà à peine deux ans.
Parce qu'il s'agit d'un service public, au meilleur sens du terme, se pose la question de l'adoption de mesures plus contraignantes. Petit à petit, il faut le reconnaître, la possibilité d'un recours à des mécanismes plus coercitifs s'impose. Ainsi le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie estime, dans son rapport annuel pour 2007, qu'il est devenu nécessaire de dépasser la politique actuelle de « moindre contrainte », en particulier dans les tâches administratives. Le Gouvernement a envisagé cette possibilité. Quant aux élus ruraux, désemparés et inquiets face à la dégradation constante de la situation, ils pourraient être tentés de recourir à de tels mécanismes.
Beaucoup, se fondant sur les exemples étrangers - québécois ou allemand, notamment - font état du manque d'efficacité de mesures coercitives, qui pourraient même devenir contre-productives et avoir des effets opposés aux buts recherchés. D'aucuns affirment qu'il serait illusoire de penser trouver des solutions dans l'instauration de telles mesures. Les éléments dont je dispose sont insuffisants pour me permettre d'être aussi catégorique.
En tout état de cause, il est bien évident que nous allons devoir agir de manière plus énergique et trouver des mesures plus efficaces que celles que nous avons imaginées jusqu'à présent, car il n'est pas acceptable que nos concitoyens ne bénéficient pas d'un égal accès aux soins.
Puisque j'évoque les mesures coercitives, je tiens à souligner la grave dégradation de la permanence des gardes dans nos campagnes corréziennes depuis que ces dernières se font sur la base du volontariat. L'exemple est peut-être à méditer !
Je sais, madame la ministre, que vous avez pris la mesure du problème. Vous avez annoncé la tenue d'états généraux de l'organisation de la santé en janvier prochain. Je me réjouis que les maires y soient associés.
En effet, il ne faut pas que ces états généraux aient un caractère strictement corporatiste. Ils doivent donc être accessibles aux élus, qui pourront ainsi faire entendre la voix des populations, car ce sont elles qui sont directement concernées.
Ces états généraux devront notamment définir les moyens de mettre en oeuvre une véritable réforme des structures de l'organisation de l'offre de soins et de permettre l'égalité d'accès aux soins sur tous les territoires.
En amont de ces débats, permettez-moi, madame la ministre, de vous faire part de quelques réflexions.
En qualité de Corrézien, et élu d'un territoire rural, je suis convaincu que le facteur déterminant de l'installation en zone rurale est la bonne connaissance de ce milieu, pour y avoir vécu, soi-même ou son conjoint, pour en être originaire, pour y avoir effectué un stage ou y avoir exercé un temps.
Il convient donc, à mon sens, de mieux préparer les étudiants en médecine à une installation en zone rurale. On pourrait par exemple favoriser les stages ambulatoires des internes en médecine générale dans les maisons médicales installées dans les zones déficitaires, afin de leur permettre de connaître le monde rural et d'appréhender un mode d'exercice spécifique ignoré, donc non choisi.
Au-delà du praticien lui-même, il ne faudra pas oublier l'adaptation du conjoint - ou de la conjointe - à cette nouvelle vie, si différente de la vie citadine. Médecin des villes ou médecin des champs : c'est aussi un choix de vie pour la famille tout entière.
Il serait par ailleurs opportun d'apporter une aide financière, pendant leurs études, aux étudiants en médecine s'engageant à exercer en zone déficitaire. La loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux prévoit déjà des indemnités d'études et une aide au projet professionnel pour les internes s'engageant à exercer au moins cinq ans dans une zone déficitaire. Pourquoi ne pas élargir ce type de mesures aux étudiants en étant encore à un stade moins avancés de leur cursus, l'objectif étant de fidéliser les jeunes médecins dans les territoires ruraux, au moins pour quelques années ?
Cela permettrait aussi, alors que nous entrons dans une période où le numerus clausus va être relevé, d'offrir à toutes celles et à tous ceux qui sont intéressés par les études de médecine sans avoir forcément les moyens d'entreprendre de longues études la possibilité de s'y lancer.
Nous pourrions encore envisager de favoriser l'implantation d'antennes des facultés de médecine dans les zones déficitaires, sachant que les étudiants s'installent souvent sur le lieu de leurs études.
Quant à la création d'un diplôme intermédiaire entre celui d'infirmière et celui de médecin, elle risquerait d'être ressentie comme une discrimination par nos populations. Mais rien ne doit être rejeté a priori.
Pourrait également être encouragé le développement d'incitations financières pérennes s'accompagnant d'une aide à l'exercice : les jeunes médecins souhaitent pouvoir exercer plus collectivement et avoir accès au salariat. Je saluerai à cet égard les initiatives de notre excellent rapporteur visant à favoriser l'exercice regroupé des professionnels de santé. Toutes les mesures allant en ce sens méritent d'être soutenues.
Certains y voient même déjà une sorte de « remède miracle », et je voudrais les mettre en garde : l'aide apportée à l'exercice en cabinet de groupe ne doit pas faire oublier le médecin qui est seul à s'installer ni, j'y insiste de nouveau, l'accueil de sa famille par les élus et la population ; car il est des départements, comme la Corrèze, où certains territoires, certaines localités - j'en connais - ne peuvent accueillir qu'un seul médecin.
Quoi qu'il en soit, il faudra prioritairement instaurer une véritable politique d'information auprès des étudiants et des jeunes médecins pour que soient largement connues les mesures d'encouragement à l'installation dans les zones démédicalisées : plus tôt les étudiants seront sensibilisés, dans leur cursus de formation, aux problèmes de répartition de l'offre de soins sur le territoire et aux besoins de santé publique, plus ils se sentiront concernés et seront susceptibles de choisir ces zones déficitaires, où, j'insiste également sur ce point, les relations avec les populations peuvent leur apporter, plus rapidement que dans les villes, une dimension sociale et humaine capable de leur procurer cette satisfaction et cette reconnaissance très particulières qui sont bien au fondement de la vocation des jeunes pour la médecine.
Toutes ces questions, madame la ministre, seront débattues lors des états généraux. Vous avez déjà amorcé un dialogue nourri et constructif avec les étudiants et les internes, dont nous sommes un peu ce matin les porte-parole. Je sais qu'il se poursuivra, et je vous en remercie.
Parce que les étudiants sont les médecins de demain, je voudrais en conclusion donner lecture d'un passage du courrier que j'ai reçu récemment d'un médecin d'Ussel, en haute Corrèze, qui résume parfaitement le sens de mon intervention et de mon engagement dans ce débat.
« Installé depuis plus de dix-huit ans à Ussel, ce choix a été volontaire, correspondant au type d'exercice que je souhaitais réaliser. Cette lettre est pourtant l'expression d'un profond désarroi et, si aucune évolution positive n'intervient dans les prochains mois, je suis prêt à prendre des décisions concernant la suite de ma carrière, décisions qui n'auront pour but que de me protéger, ainsi que ma famille : je vous laisse en effet imaginer ce que représente une journée moyenne de 50 à 55 actes et de treize à quatorze heures. »
« Je souhaite donc des décisions rapides, décisions qui pourraient favoriser l'installation de nouveaux médecins dans notre belle région. »
Précisément parce que nous savons votre connaissance de ces dossiers, madame la ministre, parce que nous savons le nombre d'actes que vous êtes capable de réaliser et d'heures que vous pouvez passer derrière votre bureau, nous sommes certains que ce jeune médecin d'Ussel obtiendra une réponse qui lui donnera satisfaction.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures pour la suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Nous terminerons notre débat sur la démographie médicale avant de passer à l'examen des articles de la troisième partie sur les recettes.
Par ailleurs, je vous rappelle que la cérémonie traditionnelle d'hommage aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France a lieu aujourd'hui, à quinze heures quarante-cinq, en présence du président et des membres du bureau.
Afin d'assurer le bon déroulement de cette cérémonie, il est demandé à ceux qui souhaitent y participer de se trouver au plus tard à quinze heures quarante en haut de l'escalier d'honneur.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Christian Poncelet.