Je suis très touché par cette appréciation, madame la ministre.
La mission d'information qui m'a été confiée par la commission des affaires sociales a été l'occasion d'étudier au cours de cette année l'offre de soins et la démographie médicale. Je ne peux m'empêcher de partager cette satisfaction devant vous avec le talentueux administrateur qui m'a accompagné tout au long de cette mission.
Cela étant dit, je tiens à vous remercier, madame la ministre, de nous donner l'occasion de débattre d'un sujet essentiel pour nos concitoyens : l'égalité d'accès aux soins.
Plus personnellement, si vous le permettez, madame la ministre, je voudrais vous dire que j'ai été très heureux et très sensible à votre accueil et à votre écoute, le mercredi 17 octobre, lors de la présentation de mon rapport dans votre bureau.
Mon intervention risque de rependre les propos de certains de mes collègues, mais il est parfois intéressant d'enfoncer le clou.
L'égalité d'accès aux soins est l'un des principes fondamentaux de notre système de santé. Il est donc de notre responsabilité de contribuer à la mise en place de la meilleure répartition possible de l'offre de soins sur l'ensemble de notre territoire.
Avec 252 746 praticiens inscrits au conseil de l'ordre au 1er janvier 2007, dont 213 995 en activité, la France compte plus de médecins que la moyenne des pays d'Europe, cela a déjà été dit à plusieurs reprises.
Depuis 1979, le nombre de ces praticiens, qui était de 112 066 à l'époque, a presque doublé. Pourtant, au fur et à mesure des départs massifs à la retraite, les prévisions laissent craindre une crise dans l'organisation du système de soins et l'apparition de « déserts médicaux » dus à une répartition déséquilibrée des praticiens sur le territoire.
Selon les éléments de l'atlas de la démographie médicale en France présentés en juin dernier par le conseil national de l'ordre des médecins, les inégalités géographiques ont tendance à s'aggraver.
Nous sommes donc face à un paradoxe : alors que la France n'a jamais compté autant de praticiens en activité, les disparités entre les régions sont trop importantes pour garantir à tous nos concitoyens une offre de soins satisfaisante. Aujourd'hui, 4 millions de Français ont des difficultés pour accéder aux soins dispensés par un médecin généraliste.
Un exemple éloquent : le nombre de généralistes par habitant varie respectivement du simple au double entre la Seine-Saint-Denis et les Hautes-Alpes, ce qui démontre au passage que l'insuffisance de la densité médicale ne concerne pas uniquement les territoires ruraux.
Nombre de nos concitoyens sont confrontés à des délais trop longs pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, et l'hôpital public ne peut à lui seul compenser cette désorganisation.
Afin d'éviter l'aggravation de cette rupture dans l'égalité des citoyens devant l'accès aux soins de qualité, il est nécessaire de remédier très rapidement à une situation qui ne cesse de se dégrader.
La tâche nous est rendue d'autant plus difficile que cette crise comporte plusieurs aspects : la baisse des effectifs des professionnels de santé, l'accentuation des inégalités territoriales en matière d'offre de soins, le vieillissement de la population et l'augmentation du niveau d'exigence des patients.
Plusieurs mesures ont été prises ces dernières années, mais force est de constater qu'elles n'ont pas suffi à contenir l'aggravation de la fracture territoriale en matière d'offre de soins.
Les pouvoirs publics ont procédé à une augmentation régulière du numerus clausus depuis 2002, mais nous ne pourrons en constater les effets que dans une dizaine d'années.
Nous avons également voté, en 2004, la loi relative à l'assurance maladie, qui a permis aux unions régionales des caisses d'assurance maladie de conclure des contrats avec les professionnels de santé libéraux dans le but de les inciter à se regrouper.
Par ailleurs, la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a permis aux collectivités locales d'attribuer aux étudiants, à partir de la première année du troisième cycle, une indemnité d'études et une indemnité de logement pour les stagiaires.
C'est le cas, entre autres, de l'Allier, cher à Gérard Dériot, président du conseil général et sénateur de ce département, de la Lozère et de la Lorraine.
Le conseil général de l'Allier a décidé de créer une bourse « d'études et de projet professionnel ». Elle s'adresse aux étudiants en médecine de troisième cycle qui ont opté pour la spécialisation « médecine générale ». En échange, ils s'engagent à s'installer pour une durée minimale de six ans dans une zone déficitaire du département. L'aide peut atteindre jusqu'à 36 000 euros par volontaire.
Par ailleurs, le champ d'action des collectivités locales a été élargi le 1er janvier 2006 afin que des locaux professionnels ou des logements puissent être mis à disposition des médecins s'installant ou exerçant dans ces zones prioritaires.
Toutefois, dans la mesure où toutes ces incitations financières n'ont pas suffi pour résoudre les problèmes de démographie médicale que connaît notre pays, il convient de traiter cette question avec la plus grande acuité.
Madame la ministre, je souhaite vous rendre hommage pour votre volonté. Vous avez compris que nous ne pourrions pas améliorer l'accès aux soins si nous nous contentions de mesures économiques. Votre texte initial a été caricaturé. Vous aviez pourtant rappelé à maintes reprises, ici même, votre attachement à la liberté d'installation. Je regrette que vous n'ayez pas été mieux entendue.
Nous savons que les décisions d'avenir devront être prises en étroite concertation avec les jeunes médecins. C'est d'ailleurs ce que vous avez proposé en annonçant, pour le début de l'année 2008, la tenue d'états généraux auxquels l'ensemble des organisations d'internes sont invitées à participer.
Vous pouvez compter sur notre soutien, sur notre participation aux travaux de ces états généraux et, bien entendu, sur mon engagement personnel.
Quelles sont, au-delà, les orientations qu'il conviendrait de prendre ?
Dans son rapport annuel pour 2007, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, instance qui réunit l'ensemble des acteurs du système de santé, estime indispensable de dépasser la politique actuelle de « moindre contrainte ».
Madame la ministre, à ce stade de nos débats, permettez-moi de vous présenter quelques propositions qui ont été débattues et adoptées par la commission des affaires sociales.
J'attache beaucoup d'importance à l'essor des maisons de santé pluridisciplinaires. Les pouvoirs publics seraient bien inspirés de favoriser la généralisation de ces expériences nées du terrain, grâce à l'initiative de quelques professionnels de santé entreprenants. Ce sujet a été largement évoqué par les intervenants qui m'ont précédé.
Pour assurer le développement de ce mode d'organisation de l'offre de soins, il apparaît nécessaire de créer un label spécifique « maison de santé pluridisciplinaire ». Le développement de ces établissements devra être accompagné de la sécurisation de leur cadre juridique et de l'harmonisation des aides dont ils bénéficient pour leur fonctionnement.
Les mesures incitatives qui ont d'ores et déjà été prises devront être évaluées et optimisées.
Comme cela a été souligné par nombre d'orateurs, il apparaît nécessaire de mieux informer les étudiants en médecine sur les mécanismes d'aide et, surtout, de mieux les accompagner pour éviter que leur doute ne se transforme en renoncement.
Il faudra aussi revoir le système de formation des professionnels de santé - là encore, j'enfonce le clou ! -, par exemple en réfléchissant à la transformation de l'examen classant national en examen régional.
Nous avons vu que les professionnels de santé eux-mêmes n'écartaient pas forcément le recours à de nouvelles mesures, le cas échéant financières. Les infirmiers libéraux y ont été sensibles, vous l'avez rappelé, madame la ministre. Les chirurgiens-dentistes que j'ai eu l'occasion de rencontrer n'y sont pas fermés, pas plus d'ailleurs que certains médecins.
En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous n'en serez pas surpris, je vous confirme que nous attendons beaucoup des futurs états généraux.