Intervention de Bernard Murat

Réunion du 13 novembre 2007 à 11h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Débat sur la démographie médicale

Photo de Bernard MuratBernard Murat :

En effet, il ne faut pas que ces états généraux aient un caractère strictement corporatiste. Ils doivent donc être accessibles aux élus, qui pourront ainsi faire entendre la voix des populations, car ce sont elles qui sont directement concernées.

Ces états généraux devront notamment définir les moyens de mettre en oeuvre une véritable réforme des structures de l'organisation de l'offre de soins et de permettre l'égalité d'accès aux soins sur tous les territoires.

En amont de ces débats, permettez-moi, madame la ministre, de vous faire part de quelques réflexions.

En qualité de Corrézien, et élu d'un territoire rural, je suis convaincu que le facteur déterminant de l'installation en zone rurale est la bonne connaissance de ce milieu, pour y avoir vécu, soi-même ou son conjoint, pour en être originaire, pour y avoir effectué un stage ou y avoir exercé un temps.

Il convient donc, à mon sens, de mieux préparer les étudiants en médecine à une installation en zone rurale. On pourrait par exemple favoriser les stages ambulatoires des internes en médecine générale dans les maisons médicales installées dans les zones déficitaires, afin de leur permettre de connaître le monde rural et d'appréhender un mode d'exercice spécifique ignoré, donc non choisi.

Au-delà du praticien lui-même, il ne faudra pas oublier l'adaptation du conjoint - ou de la conjointe - à cette nouvelle vie, si différente de la vie citadine. Médecin des villes ou médecin des champs : c'est aussi un choix de vie pour la famille tout entière.

Il serait par ailleurs opportun d'apporter une aide financière, pendant leurs études, aux étudiants en médecine s'engageant à exercer en zone déficitaire. La loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux prévoit déjà des indemnités d'études et une aide au projet professionnel pour les internes s'engageant à exercer au moins cinq ans dans une zone déficitaire. Pourquoi ne pas élargir ce type de mesures aux étudiants en étant encore à un stade moins avancés de leur cursus, l'objectif étant de fidéliser les jeunes médecins dans les territoires ruraux, au moins pour quelques années ?

Cela permettrait aussi, alors que nous entrons dans une période où le numerus clausus va être relevé, d'offrir à toutes celles et à tous ceux qui sont intéressés par les études de médecine sans avoir forcément les moyens d'entreprendre de longues études la possibilité de s'y lancer.

Nous pourrions encore envisager de favoriser l'implantation d'antennes des facultés de médecine dans les zones déficitaires, sachant que les étudiants s'installent souvent sur le lieu de leurs études.

Quant à la création d'un diplôme intermédiaire entre celui d'infirmière et celui de médecin, elle risquerait d'être ressentie comme une discrimination par nos populations. Mais rien ne doit être rejeté a priori.

Pourrait également être encouragé le développement d'incitations financières pérennes s'accompagnant d'une aide à l'exercice : les jeunes médecins souhaitent pouvoir exercer plus collectivement et avoir accès au salariat. Je saluerai à cet égard les initiatives de notre excellent rapporteur visant à favoriser l'exercice regroupé des professionnels de santé. Toutes les mesures allant en ce sens méritent d'être soutenues.

Certains y voient même déjà une sorte de « remède miracle », et je voudrais les mettre en garde : l'aide apportée à l'exercice en cabinet de groupe ne doit pas faire oublier le médecin qui est seul à s'installer ni, j'y insiste de nouveau, l'accueil de sa famille par les élus et la population ; car il est des départements, comme la Corrèze, où certains territoires, certaines localités - j'en connais - ne peuvent accueillir qu'un seul médecin.

Quoi qu'il en soit, il faudra prioritairement instaurer une véritable politique d'information auprès des étudiants et des jeunes médecins pour que soient largement connues les mesures d'encouragement à l'installation dans les zones démédicalisées : plus tôt les étudiants seront sensibilisés, dans leur cursus de formation, aux problèmes de répartition de l'offre de soins sur le territoire et aux besoins de santé publique, plus ils se sentiront concernés et seront susceptibles de choisir ces zones déficitaires, où, j'insiste également sur ce point, les relations avec les populations peuvent leur apporter, plus rapidement que dans les villes, une dimension sociale et humaine capable de leur procurer cette satisfaction et cette reconnaissance très particulières qui sont bien au fondement de la vocation des jeunes pour la médecine.

Toutes ces questions, madame la ministre, seront débattues lors des états généraux. Vous avez déjà amorcé un dialogue nourri et constructif avec les étudiants et les internes, dont nous sommes un peu ce matin les porte-parole. Je sais qu'il se poursuivra, et je vous en remercie.

Parce que les étudiants sont les médecins de demain, je voudrais en conclusion donner lecture d'un passage du courrier que j'ai reçu récemment d'un médecin d'Ussel, en haute Corrèze, qui résume parfaitement le sens de mon intervention et de mon engagement dans ce débat.

« Installé depuis plus de dix-huit ans à Ussel, ce choix a été volontaire, correspondant au type d'exercice que je souhaitais réaliser. Cette lettre est pourtant l'expression d'un profond désarroi et, si aucune évolution positive n'intervient dans les prochains mois, je suis prêt à prendre des décisions concernant la suite de ma carrière, décisions qui n'auront pour but que de me protéger, ainsi que ma famille : je vous laisse en effet imaginer ce que représente une journée moyenne de 50 à 55 actes et de treize à quatorze heures. »

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