En dépit du numerus clausus, le nombre de médecins a progressé de 11 % en vingt ans, pour atteindre 207 277 au 1er janvier 2006. Dans notre pays, il n'y a jamais eu autant de médecins, notamment de médecins libéraux et de spécialistes.
Avec une densité médicale de 340 praticiens pour 100 000 habitants, la France se situe légèrement au-dessus de la moyenne des Quinze, qui est de 326 praticiens pour 100 000 habitants. La densité des généralistes, ces vingt dernières années, a progressé de 10 % et celle des spécialistes de 50 %.
Le nombre d'actes a évidemment suivi la même pente. De 1995 à 2005, le nombre total d'actes réalisés par les généralistes s'est accru de 1, 8 % en moyenne chaque année, et celui des spécialistes de 3, 7 %. En tenant compte de la démographie, cela représente une augmentation moyenne annuelle de 1, 4 % par praticien pour les spécialistes et de 0, 5 % pour les généralistes. Il faut cependant noter que, pour eux, la tendance s'inverse à partir de 2000.
En termes de revenu, on ne peut pas dire non plus que la situation des praticiens se soit dégradée, même si une évaluation objective de celle-ci, comme le fait remarquer la Cour des comptes dans son dernier rapport, n'est pas simple.
Pour nous en tenir à ces dernières années, reportons-nous au projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2007 : « Entre 2000 et 2004, en monnaie constante, les revenus des généralistes ont progressé annuellement de 2, 6 % et celui des spécialistes de 3, 1 %. Cette hausse du pouvoir d'achat des médecins est supérieure à celle qui a été observée sur la même période pour l'ensemble des salariés. » La progression du pouvoir d'achat du salaire moyen est en effet de 0, 4 % par an.
Au terme de son analyse, la Cour des comptes parvient à des chiffres qui, tout en étant un peu différents, sont du même ordre : la progression annuelle moyenne du revenu est de 1, 8 % pour les omnipraticiens et de 3, 3 % pour les spécialistes.
Au total, donc, c'est une situation que beaucoup de pays pourraient nous envier.
Malgré cela, mais j'ai envie de dire « à cause de cela », paradoxalement, notre système de santé paraît moins capable que par le passé de répondre aux attentes de nos concitoyens, qu'il s'agisse notamment des files d'attentes qui s'allongent pour l'accès à certaines spécialités ou de la surchauffe des urgences. La satisfaction des besoins essentiels d'une partie importante du territoire, les zones rurales, est devenue préoccupante.
Le diagnostic est connu, je serai donc bref.
La présence médicale varie beaucoup d'une région à l'autre, entre les départements d'une même région - Claude Domeizel en a fait la démonstration voilà quelques instants -, entre les villes et les cantons ruraux d'un même département.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, par exemple, la densité des généralistes est de 194 pour 100 000 habitants, alors qu'en Picardie elle est de 142 praticiens pour 100 000 habitants. S'agissant des spécialistes, la densité est de 223 pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, contre 114 pour la Picardie.
Ces chiffres sont significatifs aussi en ce qu'ils montrent que c'est pour les spécialistes que les disparités entre régions, entre secteur urbain et secteur rural sont les plus grandes.
Selon le rapport établi en 2005 par la commission « Démographie médicale » - vous le constatez, ce ne sont ni les rapports ni les commissions qui font défaut -, si les bourgs ruraux actifs et même le rural isolé tirent encore assez bien leur épingle du jeu s'agissant des omnipraticiens - 91, 5 pour 100 000 habitants dans le rural isolé, contre 99, 2 en moyenne nationale -, ce n'est déjà plus le cas des cantons agricoles et ouvriers, plutôt défavorisés. Surtout, pour tous ces secteurs, se pose le problème du renouvellement de ces omnipraticiens.
Certes, la population concernée reste modeste - entre 400 000 et 2 400 000 personnes, selon les critères retenus -, mais elle est dispersée sur un territoire très important, qu'il faut absolument préserver de la désertification.
Nous le savons bien, ce qu'il faut craindre, c'est une probable et rapide dégradation de la démographie médicale des zones rurales par l'effet des départs à la retraite avant que l'augmentation du numerus clausus ait produit ses effets.
Cependant, ce n'est là qu'un aspect du problème.
Une démographie médicale favorable en zone rurale ne signifie pas, notamment, que la permanence des soins y soit assurée. Vous pouvez très bien, comme j'ai pu l'observer dans mon département, le Var, bénéficier de la présence de 7 médecins pour 5 000 habitants aux heures ouvrables, mais qui, le reste du temps, sont aux abonnés absents.