Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet de l’article 2, qui crée une société holding regroupant les participations publiques dans nos sociétés de l’audiovisuel extérieur en lieu et place de Radio France internationale, semble a priori éloigné du sujet principal de ce projet de loi.
En effet, l’essentiel de votre projet vise, en supprimant la publicité sur les chaînes de la télévision publique, à réserver cette manne financière aux seules chaînes privées.
L’actualité récente a révélé que vous pouviez même vous dispenser d’un texte de loi pour atteindre cet objectif.
L’objet de cet article n’a donc pas de rapport direct avec le sujet principal du projet de loi, puisque la suppression de la publicité ne concernant que le territoire national, elle ne s’applique pas, par définition, à l’audiovisuel extérieur.
Mais ce que prévoit cet article n’en est pas moins important, car il est révélateur de l’esprit de votre texte qui a pour but inavoué d’affaiblir l’audiovisuel public et de le placer dans une dépendance financière, éditoriale et politique à l’égard du pouvoir.
Que l’on nous comprenne bien : nous ne sommes pas du tout hostiles au principe d’un regroupement des différentes sociétés composant l’audiovisuel extérieur pour leur permettre de bénéficier de davantage de cohérence et de lisibilité.
Nous ne refusons pas non plus un renforcement des synergies et un encouragement des mutualisations entre les opérateurs.
Non, ce que nous critiquons et redoutons, ce sont les conditions dans lesquelles les choses se font.
Elles masquent mal un affaiblissement programmé de l’audiovisuel public et une incontestable volonté de contrôle politique.
En premier lieu, le regroupement qui s’opère avec la société holding, déjà créée – notons-le au passage – depuis le 4 avril 2008 et qui aura un statut non plus de société publique, mais de société anonyme, s’effectuera d’abord au détriment de RFI.
En effet, six rédactions seront supprimées, car la direction a décidé de mettre fin à ses programmes en six langues : l’allemand – ce qui, n’en doutons pas, facilitera des relations qui ne sont malheureusement plus privilégiées avec ce pilier de la construction européenne qu’est l’Allemagne –, le polonais, le serbo-croate, le turc, le laotien et l’albanais.
Les organisations syndicales estiment ainsi que trois cents à quatre cents postes sur un millier seraient supprimés.
Au-delà de l’emploi, c’est aussi l’influence et le rayonnement de la France dans les pays concernés qui est menacée avec cet affaiblissement de l’un des deux piliers historiques de notre audiovisuel extérieur.
En deuxième lieu, ce service public risque également d’être affaibli par sa trop grande dépendance au regard du budget de l’État et par le fait que les dotations, si l’on en croit la programmation budgétaire triennale, seraient en forte diminution en 2010 et en 2011.
Après, tout dépendra du bon vouloir du Gouvernement en place.
Ce système ne garantit donc pas un financement pérenne et risque, à terme, de compromettre sérieusement les objectifs affichés.
En troisième et dernier lieu, la volonté de contrôle politique de l’audiovisuel est patente.
Le président d’AEF sera, comme les autres présidents de chaîne, nommé, et éventuellement révoqué, par le Président de la République.
Certes, vous vous êtes entouré de quelques garde-fous démocratiques du côté du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et des commissions compétentes des deux assemblées. Mais cela sera de peu de poids face au pouvoir quasi absolu du Président de la République en la matière.
En ce qui concerne AEF, il y a donc tout lieu d’être inquiet de cette reprise en main politique.
Outre la concentration du pouvoir qui s’opère, puisque M. de Pouzilhac, secondé par une directrice générale déléguée, cumule le poste de président-directeur général de la holding avec celui de président du directoire de France 24, de président-directeur général de RFI et de président du conseil d’administration de TV 5 Monde, c’est aussi la proximité de ces responsables avec le pouvoir en place qui inquiète.
Leurs compétences professionnelles ne sont nullement en cause.
Mais il est, pour tout dire, malsain et peu démocratique que, s’agissant de l’audiovisuel extérieur, les relations avec le ministère des affaires étrangères soient aussi étroites.
Les syndicats de journalistes de RFI ont, par exemple, eu quelques raisons de s’en émouvoir lors du licenciement de l’un de leurs collègues qui avait réalisé sur TV 5 Monde une interview contestée du président syrien.
Il y a eu aussi le cas de ce journaliste connu de France 24, dont le contrat n’a pas été renouvelé pour avoir déplu.
Ainsi, l’article 2 recèle des dangers sur lesquels je voulais, mes chers collègues, attirer votre attention.