Intervention de Bernard Cazeau

Réunion du 13 novembre 2007 à 16h15
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Débat sur la démographie médicale

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau :

Mme Demontès, qui a dû momentanément s'absenter, m'a prié de s'exprimer à sa place sur cet article.

L'article 8 revêt une importance toute particulière, puisqu'il a trait aux prévisions de recettes et aux objectifs de dépenses pour la période 2008-2011. Il nous est donc proposé d'approuver l'annexe B, rapport qui présente un cadrage pour les cinq prochaines années.

La lecture de cette annexe appelle une première observation.

Que l'on considère le scénario dit « bas » ou celui dit « haut », un constat s'impose : l'un et l'autre anticipent des exercices déficitaires. Il s'agirait donc d'approuver des politiques qui, chiffres à l'appui, s'inscrivent dans une dynamique d'échec, ce qui est proprement stupéfiant. Voilà pour la forme.

Pour ce qui est du fond, la deuxième de mes observations porte sur le fondement même de vos travaux.

En effet, monsieur le ministre, comment pouvez-vous nous demander d'adopter cet article quand, dans une économie mondialisée où les interdépendances sont de plus en plus prégnantes, plus rien n'est sûr ?

Je ne prendrai qu'un seul exemple à cet égard, celui du prix du baril de pétrole. En un peu moins d'un an, il s'est accru de 46 %, et avoisine maintenant les 98 dollars.

Je n'ai pas l'intention de jouer les cassandres, mais qui vous garantit que la situation au Kurdistan ou dans le golfe Persique ne se dégradera pas ? Qui vous assure que le prix du baril ne connaîtra pas une nouvelle envolée ? Rien. Or, vous le savez très bien, de tels événements influent directement sur notre économie, nos emplois, notre croissance et, in fine, le chapitre des recettes.

Dès lors, comment qualifier vos hypothèses ? Sont-elles irréalistes ou, plus gravement, insincères ? En outre, je rappelle que, voilà un peu moins d'un an, le ministre de l'économie et des finances de l'époque s'était engagé, devant la Commission européenne, à maintenir la croissance des dépenses des organismes de sécurité sociale sous le seuil de 1 %. Tout laisse penser que cet engagement ne sera pas tenu, puisque ces dépenses devraient croître, semble-t-il, de 1, 5 %, voire davantage...

Vous avez tenu les propos suivants à l'Assemblée nationale : « Il n'y a pas de crise, mais une situation difficile, et nous sommes là pour l'affronter. » J'en prends donc acte, mais que nous proposent le Gouvernement et la majorité, si ce n'est de persévérer dans la politique de démantèlement de notre système de protection sociale engagée voilà cinq ans ?

Faut-il rappeler que, en retenant ces prévisions, le déficit cumulé sera alourdi de quelque 50 milliards d'euros en 2012, et que la dette dont devront s'acquitter les générations à venir avoisinera une centaine de milliards d'euros ?

L'ensemble de ces chiffres prouve une seule chose : notre pays a besoin d'une réforme structurelle permettant de redresser les comptes de la sécurité sociale.

Selon le Gouvernement, ce projet de loi comporte des mesures de fond et de structure. Soit ! Mais quelles sont-elles ?

L'instauration de franchises ? Elles ne sont qu'un instrument d'injustice sociale supplémentaire, que vous osez imposer aux malades, aux petits revenus et même aux accidentés du travail ! Qui plus est, elles sont destinées à financer le plan Alzheimer. Le Gouvernement s'en tient à la logique d'augmentation des recettes via la hausse de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, ou C3S, la multiplication des déremboursements et l'élargissement de l'assiette de la CSG, et son augmentation pour les non-retraités.

Au-delà du fait que les assurés sociaux sont très majoritairement mis à contribution, les effets comptables de ces dispositions vont peu à peu se dissiper alors que nous ne savons toujours pas ce que vous comptez faire pour que nos comptes ne dérapent pas davantage - mais manifestement cela ne vous préoccupe pas.

Visiblement, vous vous en remettez à un taux de croissance que vous espérez meilleur, mais vous ne faites rien pour le soutenir, l'anticiper, le conforter.

Cette manière de procéder tranche avec votre empressement à accorder 15 milliards de cadeaux fiscaux à ceux qui en avaient le moins besoin.

De même, rien n'est fait pour que les 32 milliards d'exonérations de cotisations sociales accordés cette année, dont 2, 5 milliards sans compensation, soient assortis de contreparties en termes de maintien ou de création d'emplois. Cela est particulièrement choquant et donne un relief tout particulier à l'équité que vous vous plaisez à mettre en exergue.

À ce sujet, nous ne pouvons manquer d'évoquer la question des retraites, qui, nous le savons tous, connaîtra un rendez-vous décisif en 2008.

Depuis des mois, le Gouvernement et sa majorité nous expliquent que rien ne se fera si, par mesure d'équité, les salariés des services publics de transport ne cotisent pas comme les autres citoyens.

Si nous sommes favorables à une harmonisation, à une réelle équité et à une prise en compte de la pénibilité ainsi que des différences d'espérance de vie selon les catégories socio-professionnelles, tel n'est pas votre cas puisque vous venez d'annoncer la retraite à 55 ans pour les avocats des tribunaux d'instance victimes de la réforme de la carte judiciaire !

Parle-t-on d'équité ou de mesure clientéliste destinée à faire taire la grogne légitime et nationale qui s'empare peu à peu de toutes les juridictions ? Ce n'est vraiment pas très sérieux !

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