Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 13 novembre 2007 à 16h15
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 9 E

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le ministre, vous vous en êtes remis à la sagesse de l'Assemblée nationale lors du vote sur l'amendement de M. Yves Bur, devenu l'article 9 E, visant à instaurer une double contribution, patronale et salariale, sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites.

Sur l'initiative de notre collègue rapporteur pour avis, Jean-Jacques Jégou, la commission des finances a adopté un amendement tendant à supprimer la contribution salariale. Le rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne propose pas, pour sa part, de modifier le texte initial, mais il est favorable, dans son rapport, à une flat tax pour alimenter le budget de la sécurité sociale.

Pour éviter que ce débat ne soit interne à la majorité et afin de vous faire connaître notre position, nous vous proposons, comme mon collègue François Marc vient de le rappeler, une série d'amendements que nous estimons être en cohérence avec nos principes de justice sociale et d'efficacité économique.

Selon nous, il y a non pas la justice d'un côté et l'efficacité de l'autre, mais la justice par l'efficacité et l'efficacité dans la justice. En effet, depuis que les stock-options ont été introduites dans notre droit, au début des années soixante-dix, le monde a changé du tout au tout et les impératifs financiers l'ont emporté sur les besoins de l'économie réelle.

Le dispositif a connu des dérives illustrées par une succession régulière de dirigeants qui en bénéficient, mais sans commune mesure avec les résultats économiques de l'entreprise auxquels ils appartiennent, quelquefois même au détriment des actionnaires et, dans la plupart des cas, au détriment des salariés.

On a ainsi parlé d'enrichissement sans cause et en tout cas sans risque, ce qui est quand même un comble, reconnaissez-le, dans une économie de marché ! Des fortunes ont pu ainsi être engrangées dans des espaces de temps très courts. Au fil des ans et de l'inventivité financière, le mécanisme s'est perverti et ne répond plus à ses objectifs premiers qui sont d'attirer et de fidéliser des cadres hautement qualifiés, tout en permettant la croissance de jeunes entreprises.

On aboutit à des effets néfastes. Il en est un qui est paradoxal, c'est celui qui aboutit à désolidariser de l'entreprise qu'ils sont censés faire prospérer ceux qui bénéficient de ce mécanisme ! Le cours de bourse étant la boussole, la porte est ouverte aux communications trompeuses pour les marchés financiers, sans compter que la distribution massive de stock-options liées à l'ampleur de la capitalisation boursière des entreprises du CAC 40 en modifie la nature. C'est ce qui conduit certains à prôner une position radicale, à savoir la suppression du système.

Dans l'idéal de ce que devrait être une réforme - c'est l'occasion d'en parler -, il conviendrait de plafonner le volume des distributions, d'en limiter l'avantage fiscal et social, et d'introduire de la transparence.

Tel n'est pas l'objet de l'article 9 E ; tout au plus s'agit-il d'abonder fort modestement - nous y reviendrons - le financement de la sécurité sociale. Le produit attendu serait de 250 millions d'euros pour la contribution patronale et de 150 millions d'euros pour la contribution salariale. Effectivement, on est loin du chiffrage avancé par la Cour des comptes, même si celui-ci mérite d'être précisé, et loin de la somme des niches sociales cumulées, qui seraient de l'ordre de 30 milliards d'euros.

Notre collègue Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, conteste d'ailleurs la qualité de niche pour la contribution salariale. Il est certain qu'il faudrait clarifier le régime de taxation applicable aux levées d'options et aux distributeurs d'actions. Il y a une ambiguïté quant à leur nature : plus-value ou élément de rémunération différée ?

Quoi qu'il en soit, il est juste que ces dispositifs contribuent au financement de la protection sociale. Il est économiquement efficace d'exonérer les PME en croissance, afin de leur donner un avantage compétitif, et il est hautement souhaitable qu'un signal soit donné en faveur de l'épargne collective lorsque les souscriptions, une fois levées, viennent abonder un plan d'épargne d'entreprise.

C'est d'ailleurs une suggestion que Mme le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi avait faite, mais elle l'a bien vite oubliée ! C'est ce que nous défendrons tout à l'heure. On nous objectera sans doute les arguments habituels : la concurrence fiscale, la perte d'attractivité, l'alourdissement des prélèvements obligatoires.

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