Intervention de Philippe Marini

Réunion du 13 novembre 2007 à 16h15
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 9 E

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, de façon synthétique, vous indiquer les cinq grandes raisons pour lesquelles cet article 9E me paraît mauvais.

La première raison est d'ordre constitutionnel. Il s'agit de taxer une plus-value sur des valeurs mobilières. Il convient d'expliquer le motif d'intérêt général qui justifie de déroger au principe d'égalité, alors même que la réalisation d'une plus-value liée au mécanisme des options de souscription d'actions et aux actions gratuites est en tout point semblable, d'un point de vue économique, financier et juridique, à la réalisation d'une plus-value sur une valeur mobilière. De plus, je relève une distorsion fiscale au sein de l'épargne salariale. Cela me paraît regrettable après tant de signaux positifs donnés à l'épargne salariale et à la participation des salariés au capital des entreprises.

Deuxièmement, sur un plan technique, il paraît impropre de parler de contribution « salariale » dès lors que la plus-value d'acquisition, et a fortiori de cession, est de plus en plus réalisée lorsque la personne dirigeante n'est plus salariée de l'entreprise. Ensuite, le prélèvement par les URSSAF est incohérent avec le recouvrement par la Direction générale des impôts, la DGI, des 11 % de prélèvements sociaux. En outre, la date d'entrée en vigueur, jusqu'ici fixée au 16 octobre 2007, conduit à une taxation rétroactive des options distribuées par les entreprises.

Troisièmement, sur le plan fiscal, l'incohérence est manifeste et il faut avoir une vision consolidée. Les stock-options et les actions gratuites font déjà l'objet d'une taxation significative à l'impôt sur le revenu, voire élevée par rapport à certains de nos partenaires, en particulier le Royaume-Uni.

Pour le contribuable - permettez-moi de le dire, chers collègues de la commission des affaires sociales -, la distinction entre fiscalité et prélèvements sociaux est indifférente. En effet, le contribuable peut être taxé à 53, 5 % sur le gain d'acquisition, puis à nouveau sur la plus-value de cession. Cette surtaxation de 2, 5 % n'est d'ailleurs pas comprise dans le périmètre du bouclier fiscal, mais aurait clairement vocation à l'être. Si l'article devait être voté, j'imagine de déposer un amendement en seconde partie du projet de loi de finances.

Je relève en outre que l'on crée un nouveau prélèvement social sans ouverture de droit à prestation.

Quatrièmement, sous un angle budgétaire, monsieur le ministre, quel sera l'impact réel de la création de la contribution patronale ? Ne conduira-t-elle pas les entreprises à ajuster à due concurrence le volume de distribution des stock-options et des actions gratuites, afin de maintenir inchangé le coût global de leurs plans d'épargne salariale, ce qui limiterait d'autant l'intérêt budgétaire de la mesure ? Je conteste l'estimation à 400 millions d'euros du rendement de la mesure par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. J'estime que ce rendement est considérablement surévalué. Je déplore que l'on se rassure à bon compte en se voilant la face sur les effets collatéraux d'ordre économique, qui sont préoccupants.

Cinquièmement, sur un plan économique, on peut redouter un impact négatif de ces mesures sur l'attractivité de la France et la localisation des sièges sociaux. Il y a là un signal contradictoire avec ce que nous a dit Mme Christine Lagarde, et la préparation d'une loi d'attractivité qui devrait être examinée dans quelques semaines. L'attractivité n'est ni un vain mot ni un objet de discours. Cela signifie des revenus taxables et des richesses supplémentaires. C'est cette fameuse « dynamique de l'assiette » que nous appelons de nos voeux.

Les stock-options et actions gratuites, c'est la rémunération de la compétence et de la performance ; c'est le moyen d'attirer sur notre sol des cadres et des dirigeants français ou étrangers de haut niveau, de conforter le dynamisme et les exportations de nos entreprises, donc l'emploi. L'emploi ne se décrète pas ; il ne vient que parce que l'entreprise a des perspectives de croissance et de profit. Et la croissance ne vient que si les salariés sont motivés pour y contribuer.

Or je rappelle que de nombreux pays n'assujettissent les plus-values sur options ou actions gratuites à aucun prélèvement social. Deux situations existent.

Soit les stock-options bénéficient d'un régime spécifique qui les assimile à une plus-value et écarte, de ce fait, l'application de toute cotisation sociale ; c'est le cas, entre autres, aux États-unis, au Royaume-Uni et en Irlande.

Soit elles sont imposées dans les conditions de droit commun à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, moyennant des plafonds de cotisations sociales qui font que, en pratique, les plus-values sur options ou sur actions gratuites ne sont pas assujetties aux cotisations de sécurité sociale. Ces plafonds sont de 63 000 euros de revenu annuel en Allemagne, de 36 000 euros en Espagne et de 87 000 euros en Italie.

Monsieur le ministre, en termes d'ingénierie juridique, je crains beaucoup la création de structures de portage des contrats de travail des cadres dirigeants hors de France ou, le cas échéant, des changements de résidence fiscale.

Dans un monde ouvert, j'ai le sentiment qu'il ne faudrait toucher à ces dispositifs que d'une main tremblante !

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