Intervention de Michel Charasse

Réunion du 19 mai 2009 à 21h30
Réforme de l'hôpital — Articles additionnels après l'article 3, amendements 215 318 401

Photo de Michel CharasseMichel Charasse :

Je comprends et, même, je partage l’intention des auteurs des amendements n° 215, 318 et 401. Pourtant, je souhaiterais appeler leur attention, et celle de tous nos collègues, sur les difficultés que pourrait soulever le texte qu’ils visent à insérer, s’il est adopté, auprès du Conseil constitutionnel, s’il est saisi, et ce compte tenu de la rédaction commune des trois amendements.

Nous sommes dans un État de droit, fondé sur de grands principes, dont celui de la liberté du travail. Les interdictions d’exercer une profession sont rares – M. Chevènement a rappelé un cas tout à l’heure –, et, étant des exceptions, justement, à la liberté du travail, elles sont évidemment de « droit étroit ».

Elles doivent donc avoir une portée limitée et surtout pas générale ; elles doivent aussi être motivées par d’impérieuses nécessités d’ordre public ou, par exemple, le souci d’éviter le mélange des genres comme dans les cas qui relèvent de la Commission de déontologie de la fonction publique, dont on parle beaucoup ces jours-ci. Cette dernière examine, vous le savez, la situation de certains hauts fonctionnaires au regard des règles de déontologie qui s’imposent pour préserver l'intérêt public en cas de passage du public au privé ; c’est le cas de M. Pérol ou du futur président de France Télécom.

Mes chers collègues, à mon sens, ces amendements devraient être rédigés différemment, surtout parce qu’il est écrit dans leurs textes : « {…] où ils puissent rentrer en concurrence directe avec l'établissement public dont ils sont démissionnaires. » Si un tel article est inséré dans le projet en discussion, le praticien hospitalier qui voudra partir dans un autre établissement et qui n’entrera pas en concurrence directe avec celui dont il est démissionnaire aura quand même l’interdiction de travailler. Cela donnera lieu à des contentieux et pourra être interprété par le Conseil constitutionnel comme constituant une interprétation de portée générale, qui ne visera pourtant que quelques cas particuliers.

Si j’étais arrivé un peu plus tôt – mais l’avion a eu du retard, je le regrette ! –, j’aurais proposé un sous-amendement pour remplacer les termes « il est interdit » par les mots « il peut être interdit », dans la mesure où, je le répète, les auteurs des trois amendements renvoient, dans la suite de la phrase, à l’hypothèse « où ils puissent rentrer en concurrence directe ».

Autrement dit, si le praticien hospitalier souhaite travailler dans un établissement où il rentre en concurrence directe avec son établissement d’origine, on lui interdit de travailler pendant deux ans. Mais, si tel n’est pas le cas, il n'y a aucune raison, sauf à vouloir supprimer une liberté, de lui interdire de travailler.

Mes chers collègues, je souhaiterais donc que vous acceptiez de modifier les amendements n° 215, 318 et 401, en remplaçant « il est interdit » par « il peut être interdit », puisque l’expression « où ils puissent rentrer en concurrence directe », que vous employez dans vos amendements, revient à dire qu’il n'y a pas de raison d’interdire de travailler à un médecin hospitalier qui n’entre pas en concurrence avec son ancien établissement.

Car si l’article devait être inséré en l’état, le Conseil constitutionnel pourrait trouver que, sur ce point, il n’est pas conforme à la Constitution. En revanche, si vous acceptez ma proposition, il n’y a plus de problème en ce qui concerne ma position au moment du vote. Mais si la rédaction actuelle perdure, je considère que c’est une mesure vexatoire et générale, inconstitutionnelle et liberticide, puisqu’elle s’applique même dans les cas où le départ du médecin ne pose aucun problème particulier de concurrence déloyale.

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