Intervention de Jean Bizet

Réunion du 28 mai 2008 à 15h00
Responsabilité environnementale — Articles additionnels après l'article 5

Photo de Jean BizetJean Bizet, rapporteur :

Je suis très gêné par ce sous-amendement, dont l’objet est de prévoir qu’à compter du 1er janvier 2009 les électriciens français devront acquérir 25 % de leurs quotas de carbone, alors que 90 % leur sont aujourd’hui alloués gratuitement. Le Gouvernement entend régler ainsi le problème de l’insuffisance de la réserve de quotas pour les projets d’extension ou de création d’industries, aujourd’hui fixé à 2, 9 millions de tonnes par an, alors qu’il en faudrait sûrement près de 8 millions de tonnes. Ce différentiel de plus de 5 millions de tonnes est problématique.

La commission des affaires économiques a considéré qu’il s’agissait là d’une mauvaise méthode, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, le mix énergétique français pour la production d’électricité est le moins carboné d’Europe. Nous notons que l’atout nucléaire et hydraulique français, qui nous permet d’être aussi vertueux en matière d’émission de CO2, n’est, une fois de plus, pas reconnu. Dès lors, je ne vois pas pourquoi il conviendrait de pénaliser les électriciens français.

Ensuite, ce sous-amendement est contraire à la réglementation communautaire, notamment aux positions régulières de la Commission européenne. Cette dernière fait souvent valoir la nécessité de bien définir les règles de marché du carbone, avant que ne débute la seconde période du plan national d’affectation de quotas, le PNAQ II, qui doit couvrir la période 2008–2012.

Enfin, l’adoption de ce sous-amendement aurait des conséquences financières non négligeables pour les électriciens, en l’occurrence EDF et la SNET, c'est-à-dire aujourd'hui Endesa France, laquelle verrait son résultat d’exploitation annuel réduit de 30 %.

La commission ne possède pas d’éléments très précis lui permettant d’apprécier si, oui ou non, il est nécessaire de disposer d’une réserve de 8 millions de tonnes par an dès 2009 pour les extensions et les créations d’industries.

Le dispositif que vise à mettre en place ce sous-amendement ignore le problème de base tenant à la répartition entre les États membres des efforts de maîtrise des émissions de CO2, qui fait que notre pays dispose de 130 millions de tonnes, alors que l’Allemagne s’est vu attribuer un plafond de 482 millions de tonnes, le Royaume-Uni de 246 millions de tonnes et l’Espagne de 152, 7 millions de tonnes. Là encore, nous déplorons fortement que le nucléaire français n’ait pas été pris en compte dans le calcul de ces allocations.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Certes, la commission est, je le répète, très embarrassée, car elle comprend qu’en procédant ainsi le Gouvernement ait voulu privilégier les nouveaux entrants ou les entreprises en extension. Mais ce sous-amendement fait surtout porter le poids de cette mesure sur les électriciens, dont les pratiques sont vertueuses. À l’échelon communautaire, cette démarche vertueuse n’est pas payée en retour.

Lorsque nous avons participé aux travaux du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, en Allemagne, nous avons voulu montrer – sans prosélytisme aucun ! – que la France avait fait un choix courageux voilà une trentaine d’années en privilégiant la filière nucléaire. Hélas, nous n’avons pas été entendus ! Bien pis, certains pays, comme l’Allemagne ou l’Italie, ont manifesté de l’aversion pour un tel choix !

Il faudra, assez rapidement, obtenir des convergences en matière énergétique, car on ne peut pas toujours demander aux mêmes de faire des efforts, surtout lorsque cela pénalise nos entreprises. Or, dans le marché européen de l’énergie, lorsque nous vendons de l’électricité à l’Allemagne – pays pour lequel nous avons beaucoup d’amitié –, celle-ci n’est guère regardante sur son origine, pourtant nucléaire à 80 % !

Peut-être pourrons-nous imaginer une voie médiane de sortie sur ce sujet.

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