Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, motivée par la publication du rapport de notre collègue Paul Girod sur la gestion de la dette publique dans les pays de l'Union européenne, cette discussion appelle, dans un premier temps, quelques observations.
Notre débat se déroule au moment même où notre pays est marqué par des tensions sociales fortes, pour lesquelles la plupart des solutions et des options mises en oeuvre par l'actuel gouvernement ne constituent pas une réponse adaptée.
Ce débat sur la manière de gérer le déficit public nous semble en effet très éloigné des préoccupations immédiates de la collectivité des citoyens, qui, tous les jours, constatent le poids du déficit d'intervention publique dans l'ensemble du champ social et économique.
Mais ce débat n'est éloigné des préoccupations qu'à première vue. Finalement, il y ramène plus encore.
Si l'on postule que la dette publique est l'accumulation historique des déficits publics constatés, année après année, au fil des lois de règlement des budgets antérieurs, que devons nous penser ?
Tout a-t-il été fait pour que les jeunes de ce pays cessent de se sentir exclus du jeu, victimes de discriminations de caractère multiple, pour que les habitants de nos banlieues ne se sentent pas déshérités, ignorés, dévalorisés ?
Qu'avons-nous fait pour l'emploi et la formation, la qualité de vie, de logement, l'accès à la santé, à la culture ?
S'il y a échec des choix politiques opérés, que faut-il penser, dès lors que l'on réfléchit à la situation de la dette publique ? A ce sujet, le rapport Girod apporte quelques informations et éclaircissements intéressants. Comment en serait-il autrement alors que le niveau de la dette publique ne cesse de monter depuis 2002, malgré les orientations imprimées à la politique budgétaire de la nation par le Gouvernement ?
En quatre années de gestion, le poids de la dette publique est en effet passé de 56 % à 66 % du produit intérieur brut, cette situation résultant, entre autres, de la persistance d'un déficit budgétaire élevé, supérieur chaque année à 40 milliards d'euros, et d'une croissance faible de l'économie.
Tous les indicateurs budgétaires sont aujourd'hui en difficulté : qu'il s'agisse de la comptabilité courante de l'Etat, de la situation des prix de l'énergie, de l'atonie de l'investissement des entreprises ou du déficit de plus en plus important de notre commerce extérieur, tout montre que les choix opérés depuis 2002 n'ont pas permis de rompre avec la logique de l'endettement sur le long terme de l'Etat.
Quand on ajoute à cela le fait que les comptes sociaux se détériorent aussi sûrement que sont mises en oeuvre des réformes inégalitaires en matière de retraite et d'assurance maladie, la situation est pour le moins préoccupante !
D'autres informations figurant dans le rapport Girod ne peuvent manquer d'attirer l'attention. J'en retiendrai deux.
Premièrement, l'essentiel de la dette publique de l'Etat est porté par des non-résidents. Cela appelle, de la part de notre rapporteur, l'observation suivante : « La dette négociable de l'Etat s'apparente de plus en plus sur le plan économique à une dette extérieure, ce qui implique que la charge d'intérêt ne s'analyse plus comme un simple transfert de ressources à l'intérieur du pays entre contribuables et détenteurs de titres, mais comme une dépendance de la nation tout entière vis-à-vis de l'extérieur ».
En d'autres termes, les Français paient aujourd'hui des impôts en faveur des acteurs des marchés financiers.
Deuxièmement, la dette publique est fragmentée : un certain nombre de structures ad hoc en gèrent certains éléments. On pense évidemment à la CADES - il n'est pas certain qu'elle ne soit pas amenée, dans les années à venir, à prendre à charge des sommes encore plus importantes issues des déficits de la protection sociale -, mais il en existe d'autres, dans des domaines stratégiques, notamment en matière d'infrastructures, qui posent des questions récurrentes.
Au début des années quatre-vingt, était-ce une bonne idée de laisser la SNCF ou EDF s'endetter, le plus souvent en lieu et place de l'Etat, pour financer les investissements nécessaires à la qualité de leur réseau et des services rendus à la collectivité nationale par ces entreprises publiques ?