Intervention de Odette Herviaux

Réunion du 9 novembre 2005 à 21h45
Loi d'orientation agricole — Vote sur l'ensemble

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc arrivés, après de longs débats, à l'issue de ce projet de loi d'orientation agricole.

Présenté en urgence, il ne nous a pas permis d' approfondir certains points, même si nous avons abordé avec passion nombre de sujets sur lesquels, à notre avis, nous n'avons pas eu de réponse satisfaisante.

Le groupe socialiste réitère ici sa déception de voir déclarer l'urgence sur un texte aussi important qu'un projet d'orientation agricole pour les dix ou quinze années à venir, qui engage l'avenir des agriculteurs, alors même qu'à la veille de futurs accords à l'OMC une grave crise nous oppose à nos partenaires britanniques au sujet de la PAC.

Au cours de la discussion générale, tous mes collègues ont émis des doutes sur cette nouvelle loi d'orientation agricole. Ils ont critiqué la nouvelle orientation prise par le Gouvernement, en instituant le fonds agricole, le bail cessible, faisant de l'exploitation agricole une entreprise comme les autres, reniant ainsi les grands principes énoncés dans la loi de 1999 sur le rôle et la place que devaient tenir l'exploitation agricole et les agriculteurs au sein de nos territoires.

Les craintes exprimées d'une « agriculture trop libérale » se sont révélées fondées au cours de nos débats, et des points aussi importants et porteurs de sens que la multifonctionnalité ou la diversité des activités n'ont pas ou peu été abordés. Ils expriment pourtant un véritable espoir pour les agriculteurs d'aujourd'hui, mais surtout, je crois, pour les générations à venir qui s'installeront dans un monde rural en pleine mutation.

Un ensemble de mesures favorables à un seul type d'agriculture ne constitue pas, à notre avis, un véritable projet d'orientation porteur d'émulations, d'espoirs pour les agriculteurs qui ont su se moderniser, qui ont su évoluer - tous l'ont remarqué ici - mais qui se sentent abandonnés aujourd'hui.

Il y a peu de perspectives claires, crédibles et durables qui émanent de nos travaux parlementaires, sinon l'abandon du rôle et de certains moyens d'organismes de régulation ou de contrôle des structures.

Nombre de mes collègues ont évoqué longuement les SAFER, outils de régulation performants, reconnus, mais présentant des différences notoires dans leur fonctionnement sur le terrain.

Nous avons déposé des amendements tendant à élargir le champ d'action des SAFER, proposant plus particulièrement que, en l'absence d'établissement public foncier compétent, elles puissent se substituer à ce dernier. Cette mesure a été refusée par la majorité sénatoriale.

Nous avons aussi attiré l'attention de M. le ministre sur la gestion des DPU pendant la période s'étendant du 1er janvier 2000 au 15 mai 2004. M. Jean-Marc Pastor, qui a évoqué les nombreux contentieux susceptibles de voir le jour à ce sujet, n'a pas reçu de réponse satisfaisante de la part de M. le ministre.

Mais ce qui me paraît le plus grave à l'issue de l'examen de ce texte et qui nous conduira à exprimer un vote négatif, c'est le manque total d'ambition pour relancer l'installation des jeunes.

Le nombre d'installations continue de baisser : les chiffres ont été énoncés, et ils sont dramatiques.

Malgré les discours et les actions trop ponctuelles, on n'est pas parvenu à stopper cette hémorragie.

Nos amendements, qui visaient pourtant à favoriser le maintien ou l'installation de jeunes, n'ont pas été adoptés.

Certains portaient ainsi sur le financement par les collectivités territoriales de bâtiments agricoles relais, sur la baisse continue du nombre d'installations agricoles et la demande de mesures fiscales pour faciliter ces dernières. A cet égard, Paul Raoult a souligné que, compte tenu de la spéculation foncière de ces dernières années, les efforts fiscaux du Gouvernement n'auront jamais assez d'impact pour endiguer la dégradation du nombre d'installations. Il a rappelé que, pour s'installer, les agriculteurs n'ont pas besoin d'exonérations fiscales ; il faut simplement que les produits qu'ils fabriquent soient payés à leur juste prix et que l'on reconnaisse également les services non marchands.

Sur l'article 2, introduisant le bail cessible optionnel, l'attente des socialistes pour que soit amélioré le dispositif en direction des jeunes agriculteurs n'a pas été retenu.

Dans le même ordre d'idée et pour favoriser les jeunes agriculteurs, les socialistes se sont opposés au démantèlement des structures de concertation. Nous avons rappelé - nous avons d'ailleurs été nombreux à le faire - que les promesses de Jacques Chirac pour faciliter la transmission des exploitations, notamment à l'heure où une nouvelle génération d'agriculteurs commence à prendre la relève, ne se sont pas concrétisées dans vos propositions, monsieur le ministre, ce qui est fort regrettable. Le monde agricole jugera certainement amèrement cet abandon...

Nous ressentons donc beaucoup d'amertume, de déception face à ce texte très hétéroclite qui ne révèle pas une volonté affirmée de sortir l'agriculture d'une grave crise conjoncturelle dans un climat international économique très défavorable. Malgré notre déception, je souhaite quand même insister, comme mon collègue M. Le Cam, sur le bon état d'esprit qui a régné au cours des débats.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion