Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 29 octobre 2008 à 15h00
Crise du logement et développement du crédit hypothécaire — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

J’utilise ce terme à dessein : il s’agissait bien de dopage. Et, comme tous les produits dopants, celui-ci a entraîné des performances artificielles et s’est révélé dangereux pour la santé ! En effet, après avoir vécu au-dessus de ses moyens, l’économie américaine a sombré dans l’overdose et est au bord de l’implosion.

Les références, répétitives, au crédit hypothécaire sont donc particulièrement préoccupantes. Je rappelle que l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan, observe que les États-Unis sont sans doute entrés dans « la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale ». Ils ont d’ailleurs dû, il y a quelques semaines, nationaliser – excusez du peu ! – les deux géants du crédit hypothécaire : Freddie Mac et Fannie Mae. En effet, la tempête qui dévaste les places financières depuis plusieurs semaines est née du marché des subprimes, qui sont des crédits hypothécaires gagés sur l’estimation du bien !

Dans ce contexte, il nous paraît inacceptable de proposer aux familles de recourir à ces crédits hypothécaires risqués, dont on a vu les conséquences dans le monde anglo-saxon. La seule croissance qui est ainsi créée est une croissance des risques et de la spéculation, et non une croissance de la richesse.

Au contraire, il est indispensable d’encadrer les systèmes de prêts et de faire preuve de pédagogie pour éviter que des ménages bénéficiaires de plusieurs prêts immobiliers ou à la consommation ne se retrouvent dans des situations inextricables dont ils ne verraient pas comment sortir.

Je citerai un exemple particulièrement emblématique des conséquences de la crise financière. Les ménages soumis aux prêts-relais se retrouvent aujourd'hui étranglés entre leur promesse d’achat et l’impossibilité de trouver un acheteur pour leur propre bien : soit que l’acheteur n’obtient pas lui-même son crédit, soit qu’aucun acheteur ne fait de proposition au prix envisagé dans le plan de financement. D’autres solutions que les prêts hypothécaires paraissent donc plus adaptées.

J’en viens à ma quatrième question.

Pourquoi ne pas encourager le recentrage du prêt à taux zéro en augmentant son montant moyen – il est aujourd’hui de 15 000 euros – pour améliorer son efficacité sociale et faire en sorte qu’il devienne une aide déterminante dans l’acte d’achat ? Le rapport du Conseil d’analyse économique que j’ai cité tout à l'heure montre bien que le prêt à taux zéro a un effet déclencheur sur l’accession à la propriété et qu’il touche les ménages aux revenus moyens. Au regard de ces considérations et des dispositions contenues dans le projet de loi de finances pour 2009, je souhaiterais savoir quel avenir vous lui réservez, madame la ministre.

En effet, dans l’état actuel des textes qui nous sont soumis, le prêt à taux zéro ne sera plus financé en 2010. Son financement par crédit d’impôt sur l’impôt sur les sociétés, par exemple, qui avait été inventé à l’époque par M. Daubresse pour le débudgétiser, n’est prévu que jusqu’en 2009. À moins que vous ne comptiez le rebudgétiser, n’est-ce pas le signe que vous allez laisser disparaître ce dispositif ?

Cinquièmement, comptez-vous favoriser la disparition de l’épargne logement ? Pourtant, relancer le produit d’épargne logement constituerait un signal d’encouragement fort envers les primo-accédants ? En effet, il comporte, à nos yeux, plusieurs avantages indéniables.

L’effort consenti pour épargner constitue un apprentissage très précieux pour la phase d’accession à la propriété. L’épargne accumulée contribue à constituer l’apport personnel, même si le droit à prêt n’est finalement pas utilisé. Elle participe à la fois à la sécurité de l’accédant et à celle du prêteur. Enfin, sa contractualisation et sa contribution à une bonne partie des prêts à l’habitat contribuent à la sécurisation du système financier français. Les banques sont ainsi amenées à intégrer dans leurs bilans une forte proportion des risques et des ressources correspondantes. Cela permet de se protéger de situations comparables à celle des États-Unis, conséquence d’un trop grand recours à la titrisation.

Telles sont, madame la ministre, les quelques questions et propositions que le groupe socialiste voulait soumettre à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Le débat que nous souhaitons avoir ici, vous l’aurez compris, ne consiste pas à être pour ou contre l’accession à la propriété. Nous voulons simplement prévenir les dangers liés à un discours qui viserait l’accession à tout prix.

Il s’agit d’élaborer une vision raisonnée, dont l’objectif premier est de protéger tant les ménages que les collectivités d’un endettement démesuré et insoutenable. Qui plus est, comme l’indiquait l’ANIL, l’Agence nationale pour l’information sur le logement, en conclusion d’une note consacrée au récent rapport d’information présenté par Frédéric Lefebvre, un député qui vous est proche, madame la ministre, sur les emprunts immobiliers à taux variable, « ce n’est pas un excès de réglementation, ni même la fin de toute imagination commerciale que de faire en sorte que des prêts qui engagent des emprunteurs “profanes” pour plus de vingt ans ne puissent être vendus comme des téléphones portables ».

On ne peut que souscrire à cette once de sagesse dans un débat trop souvent obscurci par des arguties techniques.

Il est temps d’envoyer un signe clair à nos concitoyens. À l’heure où la majorité parlementaire fustige les aides personnelles au logement, où le crédit d’impôt prévu par la loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, va coûter 4, 5 milliards d’euros en régime de croisière, alors qu’il n’est pas pris en compte par les banques pour apprécier la solvabilité des acquéreurs, il y a peut-être mieux à faire, en termes d’utilité de la dépense publique, que d’aider sans discernement les accédants les plus aisés à acheter un logement existant. Plus que jamais, il faut encourager la production de logements « abordables » destinés à une majorité de nos concitoyens.

Au moment où la crise atteint les classes moyennes et enfonce un peu plus les familles endettées, il ne saurait être concevable, selon nous, de généraliser les prêts hypothécaires.

Notre interpellation est donc double. Elle concerne à la fois les outils que vous comptez mettre en place et les moyens financiers que vous comptez engager au service de la politique du logement – je devrais dire les moyens que le Gouvernement vous permettra d’engager.

Par ailleurs, quelle suite entendez-vous réserver, madame la ministre, à la proposition dangereuse consistant à généraliser les prêts hypothécaires ?

Tel est l’objet de la question orale que le groupe socialiste a présentée durant les vingt minutes de temps de parole qui lui étaient accordées aujourd'hui.

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