Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 29 octobre 2008 à 15h00
Crise du logement et développement du crédit hypothécaire — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Il revient maintenant à l’Assemblée nationale de se saisir de ce texte. Il sera temps, ensuite, pour les deux assemblées, de rechercher les voies d’un compromis équilibré. Laissons donc la procédure législative se poursuivre normalement !

Cette question orale, outre le fait d’être décalée et dépassée, entretient également la confusion entre crédit hypothécaire et subprimes. C’est absolument regrettable, car point n’est besoin d’en rajouter sur des sujets aussi complexes et sensibles, surtout en période de crise.

Je sais bien que l’on a vu récemment certains élus socialistes, notamment le président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, se lancer dans une véritable opération d’enfumage, qui n’a probablement d’autre but que de préparer les esprits à une augmentation des impôts locaux, en comparant des emprunts à taux variables, produits somme toute assez banals, fussent-ils libellés en devises étrangères, aux produits toxiques que sont effectivement les titres composés principalement de subprimes américaines.

Cependant, mes chers collègues, nous ne sommes pas obligés de suivre ici, au Sénat, ce mauvais exemple, qui conduirait nos concitoyens à faire cet amalgame et à jeter le bébé du crédit hypothécaire bien utilisé avec l’eau du bain !

Chacun le sait, le Parlement n’a autorisé, en France, le développement du crédit hypothécaire au profit des particuliers qu’avec prudence et en veillant bien à protéger les intérêts des personnes susceptibles d’en bénéficier, comme l’a prévu la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie.

Chacun sait aussi que l’hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire sont très peu utilisés depuis la publication de l’ordonnance du 24 mars 2006, qui a traduit la réforme de l’hypothèque et créé ces deux outils.

Selon les informations dont nous disposons, seulement 10 500 hypothèques conventionnelles rechargeables ont été enregistrées au 31 août 2008. En ce qui concerne le prêt viager hypothécaire, seulement 4 400 prêts ont été autorisés sur un an, de juin 2007 à juillet 2008.

Il s’agit donc là de dispositifs marginaux, maniés avec précaution par les banques françaises, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Surtout, les dispositifs existants et ceux dont le développement, à un moment ou à un autre, a été évoqué en France, y compris par le Président de la République pendant la campagne présidentielle, sont très différents des subprimes américaines avec lesquelles certains semblent vouloir entretenir la confusion.

Ainsi, l’hypothèque rechargeable permet, comme son nom l’indique, de «recharger » l’hypothèque qui a servi à obtenir un prêt, au fur et à mesure du remboursement du prêt initial, et d’utiliser celle-ci pour emprunter de nouveau et mener à bien d’autres projets.

Toutefois, en France – c’est un principe de précaution fort utile –, l’emprunteur ne peut réutiliser l’hypothèque que dans la limite de la valeur initiale de son bien, sans tenir compte d’une éventuelle appréciation de la valeur de celui-ci. Certes, en cas d’acquisition d’un bien à un prix élevé suivie d’une dépréciation immédiate, il pourrait y avoir un décalage temporaire entre le montant de l’hypothèque et la valeur réelle du bien, mais il s’agit là d’un cas extrême. Notre système comporte, globalement et intrinsèquement, un solide garde-fou, qui n’existe pas forcément ailleurs.

Notre collègue Repentin fait le parallèle entre les subprimes américaines et le crédit hypothécaire, en reprenant un rapport du Conseil d’analyse économique rendu public ce mois-ci.

Cependant, il oublie de nous dire que les auteurs de ce rapport rejettent un système hypothécaire pur, dont les carences sont aujourd’hui bien visibles, et proposent d’instaurer un encadrement de la distribution de crédits immobiliers qui permette d’exclure les formes les plus risquées d’emprunts.

Au demeurant, ce rapport, élaboré dans un autre contexte et publié aujourd’hui, n’engage que ses auteurs. Il est, lui aussi, en décalage avec la réalité du marché du crédit et du logement.

Les choses doivent être bien claires : personne ne propose d’introduire aujourd’hui en France un système identique à celui des subprimes américaines. Le groupe UMP du Sénat y serait de toute façon totalement opposé.

La question posée par notre collègue Thierry Repentin est également décalée et dépassée par rapport aux enjeux et aux vraies questions qui se posent aujourd’hui.

Notre pays doit en effet faire face à une crise très grave du crédit et à ses lourdes répercussions, en particulier dans le secteur du logement.

Les derniers chiffres diffusés hier montrent une très nette dégradation de l’activité dans ce secteur essentiel pour l’économie et l’emploi. Le nombre de permis de construire s’est ainsi effondré en France de 23, 3 % au troisième trimestre 2008 par rapport à la même période de l’année dernière, et le nombre de mises en chantier a reculé de 8, 1 %.

Sans attendre, le Président de la République a annoncé, au début du mois d’octobre, un plan ambitieux pour soutenir le secteur du bâtiment et répondre aux besoins des Français.

Nous l’avons dit lors de l’examen du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, le groupe UMP salue une telle réactivité et soutient les mesures annoncées : lancement d’un programme exceptionnel d’acquisition en VEFA, vente en l’état futur d’achèvement, de 30 000 logements ; augmentation de 20 000 à 30 000 du nombre d’opérations finançables en Pass-foncier ; augmentation du plafond du prêt d’accession sociale au niveau du prêt à taux zéro pour faciliter l’octroi de prêts immobiliers par les banques ; mobilisation des terrains de l’État et de ses établissements publics, notamment ferroviaires.

Bien entendu, certaines questions se posent sur l’articulation de ce dispositif avec le projet de loi de finances pour 2009 et l’adéquation de ce dernier à la réalité du secteur du logement à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés.

Lors de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, j’ai évoqué le financement de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et de l’ANAH, l’agence nationale de l’habitat, les débudgétisations programmées et la mise à contribution du 1 % logement.

Ce sont des questions importantes qui devront être abordées de nouveau lors de l’examen du projet de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, puis du projet de loi de finances pour 2009, en particulier des crédits de la mission « Ville et logement ».

Le débat que nous rouvrons aujourd’hui, entre l’adoption du projet de loi pour le logement et le débat budgétaire, n’a pas de véritable sens, puisque nous allons revenir sur ces sujets d’ici à quelques semaines. C’est la raison pour laquelle il me semble que nous sommes en décalage.

Soyez néanmoins assurée, madame le ministre, que le Sénat, et en particulier sa commission des finances, contribueront activement au débat, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, en cohérence avec les mesures de soutien annoncées par le Président de la République, auxquelles le groupe UMP apporte son soutien.

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