Intervention de Michèle André

Réunion du 29 octobre 2008 à 15h00
Crise du logement et développement du crédit hypothécaire — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le thème de la question orale avec débat que pose notre collègue Thierry Repentin est d’une acuité chaque jour plus grande compte tenu de l’ampleur de la crise financière, qui, malheureusement, se transforme en une crise économique qui n’a rien de virtuel.

Les solutions apparaissent très peu nombreuses tant la crise semble frapper durement la construction, et donc le logement. Le ressort paraît brisé. Alors même que, le mois dernier encore, se profilait une reprise d’activité dans le secteur du bâtiment, nous nous trouvons collectivement confrontés à un ralentissement notable des mises en chantier, tandis qu’un doute profond s’installe parmi les professionnels du secteur.

L’annonce, hier, d’une chute de 23, 3 % des demandes de permis de construire et de 8, 1 % des mises en chantier au troisième trimestre nous le confirme.

Pour reprendre l’adage cher aux Auvergnats, qui ont en partie construit Paris, « quand le bâtiment va, tout va ! ». De fait, si les temps s’annoncent durs pour ce secteur et pour l’emploi, on peut craindre que tout aille de plus en plus mal.

Il n’en reste pas moins que, aujourd’hui et depuis plusieurs années, de nombreux Français ont du mal à se loger. Il leur est difficile de devenir non seulement propriétaire, aspiration bien légitime, mais encore de trouver une location.

L’indice du coût de la construction, qui permet d’apprécier la richesse nécessaire pour devenir propriétaire dans du neuf, entre également dans le calcul de l’indice de référence des loyers. Or cet indice a progressé de manière exceptionnelle depuis 2000 : s’il a été valorisé de 13, 4 % entre le premier trimestre de 1990 et le quatrième trimestre de 1999, il a augmenté de 44, 22 % depuis le premier trimestre de 2000. De ce fait, nombreux sont ceux qui n’ont pu trouver un premier logement ou un nouveau logement à un prix suffisamment raisonnable pour leur permettre de faire face à leurs autres dépenses quotidiennes, le fameux « reste à vivre ».

Cette frénésie du marché de l’immobilier s’explique par différentes raisons, les unes tenant à la confrontation naturelle de l’offre et de la demande, les autres à des paramètres que la collectivité pourrait maîtriser.

Des taux d’intérêt bas, une TVA à 5, 5 % dans la rénovation, un désir d’acquérir exacerbé ont eu pour conséquence que la demande a surpassé largement une offre souvent « insuffisante et mal adaptée », pour reprendre les termes du rapport du Conseil d’analyse économique. La croissance à deux chiffres des prix et des loyers a conduit les gouvernements précédents à mettre en place des dispositifs fiscaux qui ont accéléré et amplifié ce mouvement bien au-delà du raisonnable.

Il suffit pour s’en convaincre de voir la très forte croissance de « l’indice du prix des logements rapporté au revenu disponible par ménage et des montants de transactions de logements anciens rapportés à leur tendance longue », disponible dans le rapport du Conseil d’analyse économique. S’il variait depuis les années soixante jusqu’en 2000 entre 0, 9 et 1, 1, il a vu sa courbe s’envoler pour atteindre 1, 7.

L’immobilier d’aujourd’hui participe malheureusement au creusement des inégalités, car, faute de logements sociaux en nombre suffisant, les prix pourraient continuer encore de grimper, excluant les plus défavorisés de toute possibilité de se loger.

Paris symbolise cruellement ce mécanisme qui aboutit aujourd’hui à ce que des employés de plus en plus nombreux soient contraints de trouver des solutions de fortune, pour ne pas dire de misère.

Notre pays connaît déjà des prix supérieurs à ce qu’ils sont dans de nombreux pays de l’OCDE.

En résumé, et ce constat est partagé par tous, les plus défavorisés, ainsi que les classes moyennes, ne trouvent pas de logements correspondant à leur capacité pécuniaire.

Comme je l’expliquais ici-même, le projet de loi dont nous avons débattu dernièrement ne constitue pas une bonne réponse. Existe-t-il d’ailleurs une bonne réponse ? Je ne saurais le dire. À tout le moins, il en existe de meilleures. La réduction, par le Gouvernement, au cours des trois prochaines années, des crédits de la mission « Ville et logement » fait partie de ces mauvaises solutions.

Je fais mien le constat que dresse le rapport du CAE et souscris à certaines de ses préconisations, en particulier l’incitation à libérer du foncier par la captation de plus-values par les collectivités lors du changement de destination d’un terrain, le regroupement à l’échelle intercommunale des compétences « urbanismes », l’amélioration de la gestion du parc social par une adaptation du logement aux évolutions du ménage et du loyer à la rémunération de ses occupants. En revanche, ce serait faire un « cadeau empoisonné » aux ménages que de concentrer les efforts fiscaux de l’État sur le prêt à taux zéro aux dépens du plan d’épargne logement, qui contribue à la responsabilisation de chacun, de faciliter les procédures juridiques de recouvrement des actifs gagés, de permettre le développement de la titrisation hypothécaire, bref, de mettre en place des mécanismes dont les travers ont conduit à la crise des subprimes.

Dans le contexte actuel, ne devrions-nous pas nous concentrer sur des offres de location raisonnables plutôt que de proposer des crédits à des ménages qui, demain, faute de pouvoir les rembourser, seront peut-être contraints de céder leur bien, acquis trop chèrement, à leur banque, devenue seul acquéreur possible ?

L’hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire, autorisés par l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés, représentaient déjà un risque non négligeable. Réduire le coût d’une hypothèque et assouplir son cadre juridique, ainsi que le préconise le CAE, ce serait, à mon sens, persister dans l’erreur. Nous recréerions, cette fois-ci dans notre pays, les conditions d’une nouvelle crise. De tels changements sont inenvisageables s’ils aboutissent à une croissance de la demande telle qu’elle conduirait les prix ou les loyers à des niveaux aussi peu réalistes que déraisonnables.

Aujourd’hui, les programmes immobiliers privés basés sur les plans « Robien » ou « Borloo » sont légion. Le Gouvernement s’apprête à se substituer aux promoteurs privés qui ne trouvent plus preneurs. À quel prix ? Au profit de qui ? Madame la ministre, nous apprécierions que cette question orale avec débat vous donne l’occasion de nous apporter des précisions à ce sujet.

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