Intervention de Jacques Legendre

Réunion du 15 avril 2008 à 10h00
Questions orales — Archéologie préventive et développement économique

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre :

Madame la ministre, j’ai été rapporteur pour le Sénat de la loi du 1er août 2003, relative à l’archéologie préventive, qui a modifié sur plusieurs points essentiels la loi du 17 janvier 2001.

Il s’agissait alors de répondre aux difficultés d’application et aux dysfonctionnements suscités par cette réforme sur le terrain, en raison de la complexité du dispositif de financement et de l’inadaptation des moyens mis en place pour faire face à une activité au caractère aléatoire.

La loi de 2003 a permis, d’une part, de partager le monopole de l’INRAP, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, en matière de diagnostics avec les services agréés des collectivités territoriales, et, d’autre part, l’ouverture des fouilles à la concurrence : ces opérations, prescrites par l’État et conduites sous son contrôle scientifique, peuvent désormais être réalisées par des opérateurs publics ou privés agréés, dans le cadre d’un contrat passé avec l’aménageur, qui devient le maître d’ouvrage pour la réalisation de ces fouilles et qui en assume le coût.

L’objectif de cette plus grande souplesse était précisément d’assurer l’indispensable maîtrise des délais et des coûts des opérations archéologiques.

Cependant, en dépit de ces évolutions législatives, les collectivités territoriales restent bien souvent confrontées à de grandes difficultés concrètes, faute de pouvoir trouver les organismes agréés susceptibles de réaliser les fouilles prescrites dans des délais raisonnables.

Madame la ministre, il n’est nullement question pour l’historien que je suis de remettre en cause le bien-fondé du régime juridique de l’archéologie préventive, qui est tout à fait essentiel pour assurer la protection et la sauvegarde de notre « patrimoine souterrain », ce que l’on appelle les « archives du sol ».

J’insiste toutefois, comme je l’avais fait lors des débats qui ont précédé le vote de la loi de 2003, sur l’indispensable équilibre à trouver entre une telle exigence et les impératifs d’aménagement du territoire et de développement économique.

Dans mon département du Nord, par exemple, cette obligation légitime de réaliser des fouilles se heurte à l’indisponibilité des opérateurs : cela compromet la réalisation, tout aussi légitime, de programmes de construction, d’ouvrages publics ou de bâtiments industriels générateurs de richesses et d’emplois.

Ainsi, dans la communauté d’agglomération que je préside, une prescription de fouilles faite à l’automne 2007 ne semble ainsi pouvoir être exécutée qu’au printemps 2009. Cela n’est pas supportable !

En dépit de l’augmentation de ses effectifs en 2007, l’opérateur public, l’INRAP, ne parvient pas à accompagner la hausse des prescriptions entraînées par la création de nouveaux parcs d’activités. En parallèle, la mise en place de services d’archéologie privés ou gérés par des collectivités territoriales est encore insuffisante pour répondre à la pression de l’aménagement local. Telle est la situation actuelle dans de nombreuses régions, comme l’a souligné une récente étude. Il en résulte donc de fréquents reports des dates de démarrage des travaux, de plusieurs mois, voire d’un an.

Cette absence de maîtrise des délais de réalisation des aménagements est fortement préjudiciable et s’avère par ailleurs coûteuse. L’attractivité de nos zones d’activité risque de s’en trouver affectée, au profit, éventuellement, de zones transfrontalières : si tel aménagement n’est pas implanté dans le département du Nord, il le sera probablement en Belgique.

Dans le Nord, la réalisation prochaine du canal Seine-Escaut, entre Compiègne et Cambrai, qui entraînera nécessairement l’ouverture de nombreux chantiers de fouilles, risque encore d’aggraver la situation.

Il semble donc nécessaire que les prescriptions de fouilles tiennent davantage compte de la capacité réelle à effectuer celles-ci dans un délai raisonnable, lequel pourrait être de six mois au maximum. Il paraît également urgent de relancer l’incitation à la création de services archéologiques par les grandes collectivités territoriales, c'est-à-dire non seulement par les communautés d’agglomération, mais aussi, plus particulièrement, par les départements et les régions, qui, actuellement, n’agissent pas dans ce domaine.

Madame la ministre, quelles mesures compte prendre le Gouvernement afin d’apporter au plus vite des réponses concrètes à ces situations de tensions ? Il serait regrettable, à tout le moins, mais même injuste et insupportable qu’en raison des inadaptations actuelles les intérêts patrimoniaux majeurs que défend l’archéologie préventive n’apparaissent aux yeux de certains que comme un frein au développement économique.

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