Intervention de Jacques Legendre

Réunion du 15 avril 2008 à 10h00
Questions orales — Archéologie préventive et développement économique

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre :

Madame la ministre, je voudrais vraiment insister sur la réalité du problème auquel nous sommes confrontés.

Je vous ai donné tout à l’heure un exemple tiré de mon expérience personnelle. Permettez-moi de vous en citer deux autres.

Voici ce que souligne la délégation de Champagne-Ardenne de l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction dans un courrier dont j’ai eu connaissance : l’incapacité de l’INRAP – ce n’est pas un reproche qui lui est fait, c’est un constat – à pouvoir assurer le travail de fouilles va conduire à une pénurie de matériaux de construction, ce qui induira des pertes d’emplois.

Deuxième exemple : la directrice du développement économique d’une communauté de communes du département du Pas-de-Calais m’a informé que cette collectivité ne pouvait plus maîtriser les délais de réalisation des aménagements de ses zones d’activité et prévoir de façon concertée les délais d’implantation pour les entreprises concernées.

Cela rejoint ce que je vous indiquais tout à l’heure : pour une population à qui on laisse entrevoir la possibilité d’obtenir des implantations industrielles sur son territoire et des retombées en termes d’emplois, il est insupportable de s’entendre dire que les fouilles ne pourront avoir lieu avant six mois ou un an et, partant, que les créations d’emplois attendues seront reportées ou, pis, transférées ailleurs. Chacun le comprend, une telle situation n’est pas défendable sur le terrain.

Madame la ministre, nous avons eu des débats passionnés et passionnants en 2001 et en 2003 à propos de l’archéologie, et je ne connais personne au Sénat qui ne soit convaincu de l’importance de préserver les archives du sol et d’étudier ce qu’elles peuvent nous apprendre.

Pour autant, tout cela ne doit pas aboutir à faire naître un antagonisme entre les exigences de l’archéologie et les nécessités du développement économique.

Au demeurant, depuis 2003, nous avons progressé dans un certain nombre de domaines. À l’époque, on prétendait que le recours à des sociétés privées n’était pas sérieusement envisageable, au prétexte qu’elles ne manqueraient pas de bâcler leur travail. Aujourd'hui, force est de constater que certaines sociétés privées font un travail dont la qualité est incontestable. Simplement, bien qu’elles aient embauché de nombreux archéologues, elles ne parviennent malheureusement pas à répondre à la demande.

J’en veux pour preuve, encore une fois, mon expérience personnelle. Je me suis tourné vers une société privée implantée dans le Nord, Archéopole, dont l’expertise est reconnue. D’après ce que m’ont indiqué ses dirigeants, ils ont été contraints d’embaucher plusieurs dizaines d’archéologues, mais cela s’avère insuffisant pour faire face à la demande. Eux non plus ne peuvent pas intervenir avant 2009, car leur programme est d'ores et déjà saturé.

Madame la ministre, il vous faut également relancer les collectivités territoriales, les départements, les régions, voire les grandes intercommunalités, pour les inciter vivement à se doter de services archéologiques de qualité. Dans mon département, la communauté d’agglomération du Douaisis dispose d’un service archéologique, que j’ai visité encore récemment. Lui aussi est déjà saturé jusqu’en 2009, alors même qu’il est passé de dix archéologues à plus de soixante-dix et qu’il atteint l’équilibre, ce qui, d’ailleurs, montre que les services archéologiques des collectivités peuvent fonctionner dans de bonnes conditions.

Il est donc temps, madame la ministre, que vos services prennent ce problème à bras-le-corps et que les collectivités soient également placées devant leurs responsabilités et leurs possibilités d’action. C’est la seule façon de ne pas se trouver rapidement dans une situation intolérable, où se trouveraient opposés le développement économique et la connaissance scientifique des vestiges contenus dans le sol.

Si je me suis permis de vous répondre aussi longuement, madame la ministre, c’est que l’importance du problème auquel nous sommes confrontés exige que nous lui apportions rapidement une solution efficace. Je vous remercie donc par avance de bien vouloir prendre les mesures qui s’imposent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion