Intervention de Rachida Dati

Réunion du 15 avril 2008 à 16h00
Droits pour les victimes — Adoption d'une proposition de loi

Rachida Dati, garde des sceaux :

Monsieur Charles Gautier, vous avez, à juste raison, évoqué la nécessité de recréer un lien de confiance entre les Français et la justice. Ce lien est en effet quelque peu distendu depuis de nombreuses années.

Je vous rejoins sur cet objectif et je suis, comme vous, persuadée que cette confiance ne peut exister que si les décisions de justice sont effectivement exécutées.

À l’heure actuelle, il revient au justiciable de demander l’exécution d’une décision de justice.

Selon vous, les difficultés de faire exécuter une décision de justice tiendraient à un manque de moyens, à des dysfonctionnements et à la non-augmentation des budgets de la justice. C’est faux, monsieur Charles Gautier ! Une augmentation des moyens de la justice n’améliorerait pas l’exécution des décisions de justice.

La mission de la justice est de rendre une décision, de prévoir des dommages et intérêts ou des intérêts civils. C’est à la victime de procéder à l’exécution de la décision de justice. C’est à elle de mandater un huissier de justice ou de retrouver la personne condamnée.

La justice s’arrête au moment du prononcé de la sanction. Elle peut mettre à exécution les peines privatives de liberté, mais pour les intérêts civils ou les dommages et intérêts, c’est à la victime d’agir.

Selon notre conception, la justice, quand elle restaure la victime dans ses droits et dans sa dignité, doit veiller à ce que la victime, quels que soient ses moyens, soit indemnisée. C’est donc un nouveau droit de la victime.

L’article 1382 du code civil pose le principe de l’indemnisation et de la réparation du préjudice. La justice rend une décision mais c’est à la victime de la mettre à exécution. Quelque 75 000 personnes n’entrant pas dans le cadre de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, il revient souvent à la victime d’aller mettre à exécution la décision. Plusieurs cas de figure se présentent.

Premièrement, l’auteur de l’infraction n’est pas solvable et la victime ne perçoit aucune indemnisation, alors qu’elle a avancé les frais pour l’exécution de la décision de justice.

Deuxièmement, la victime a vécu l’audience comme un traumatisme et elle ne souhaite pas être de nouveau confrontée à l’auteur de l’infraction pour obtenir réparation.

Troisièmement, la victime n’a même pas les moyens de payer un huissier pour obtenir l’exécution de la décision de justice.

Force est de constater qu’aujourd’hui la justice s’arrête au prononcé de la décision.

Nous voulons protéger la victime, la restaurer dans ses droits et sa dignité, mais aussi lui permettre d’obtenir réparation. C’est pourquoi nous souhaitons ajouter un nouveau droit de la victime qui permettra à la victime d’être indemnisée. Ce n’est donc pas une question de moyens : nous confions une nouvelle mission à la justice.

Monsieur Buffet, vous appelez de vos vœux la discussion du projet de loi pénitentiaire.

Je souhaite, comme vous, que le Parlement puisse se saisir de la question, essentielle, de la réinsertion des personnes détenues. Le texte sera présenté au Parlement en juin. Cette loi, la deuxième en soixante ans après celle de 1987, sera d’une importance majeure pour la réinsertion des personnes détenues. Je vous remercie de m’avoir permis de l’évoquer.

Madame Borvo Cohen-Seat, comme je l’ai indiqué en réponse à l’intervention de M. Charles Gautier, l’exécution de la décision de justice est aujourd’hui à la charge de la victime.

Notre conception de la justice est différente de la vôtre : nous sommes guidés non pas par l’idéologie…

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