Comme vous venez de nous l'exposer, monsieur le ministre, ce projet de loi couvre l'ensemble des domaines du transport. Il comporte, en effet, un volet ferroviaire, un volet aérien, un volet routier et un volet maritime.
En matière ferroviaire, le projet de loi prévoit : la création d'une agence autonome, en application de la directive européenne relative à la sécurité des chemins de fer communautaires du 29 avril 2004 ; l'examen des conséquences législatives de l'ouverture à la concurrence de l'ensemble du marché du fret ferroviaire, c'est-à-dire l'application du « deuxième paquet ferroviaire » ; l'évolution du dispositif législatif existant en matière de maîtrise d'ouvrage des infrastructures ferroviaires afin de permettre notamment le recours à des partenaires privés.
Il nous faut donc transposer l'article 16 de la directive européenne du 29 avril 2004, laquelle exige de chaque Etat membre la mise en place d'une autorité de sécurité indépendante, notamment, des entreprises ferroviaires et du gestionnaire de l'infrastructure.
Bien que la directive européenne prévoie que cette autorité puisse être le ministère des transports, le Gouvernement a initialement choisi de créer une agence, en lui conférant la nature d'établissement public de l'Etat. Pour la commission des affaires économiques, la sécurité est l'une des responsabilités régaliennes de l'Etat. Confier la sécurité à une agence revient tout de même pour l'Etat à se dessaisir de l'une de ses prérogatives.
J'ai bien entendu, monsieur le ministre, que vous veniez de donner votre accord pour qu'à l'« Agence française de sécurité ferroviaire » se substitue l'« établissement public de sécurité ferroviaire ». Cette nouvelle formule me semble mieux correspondre à la responsabilité dévolue à cet organisme.
L'ouverture à la concurrence du marché du fret en 2006 implique un certain nombre de modifications de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982. Les services ferroviaires internationaux de fret seront libres sur tout le réseau, à compter du 1er janvier 2006 ; les services intérieurs de fret ferroviaire le seront à compter du 31 mars de la même année.
En ce qui concerne les nouvelles infrastructures, le Gouvernement souhaite que des opérations telles que la réalisation de la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique, la ligne contournant Nîmes et Montpellier ou les installations de sécurité de la future ligne à grande vitesse Rhin-Rhône puissent être financées dans le cadre d'un partenariat public-privé.
Le partenaire se verrait confier, pour une période déterminée, une mission globale relative à la construction des ouvrages ainsi qu'à l'entretien, l'exploitation ou la gestion de ces derniers. Il pourrait également être chargé de la maintenance des installations nécessaires à l'exploitation de l'infrastructure.
Le projet de loi prévoit encore la possibilité pour l'Etat d'assurer directement la maîtrise d'ouvrage d'un certain nombre d'opérations d'envergure dans le domaine des infrastructures ferroviaires. Les nouvelles dispositions proposées assouplissent ainsi le principe du monopole de la maîtrise d'ouvrage par RFF. L'Etat pourrait désormais assurer directement cette maîtrise pour des opérations telles que la future ligne ferroviaire CDG express entre la gare de l'Est et l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
La commission des affaires économiques souhaite donner une base législative à la possibilité pour une commune ou un établissement public de coopération intercommunale de créer ou exploiter un service ferroviaire dans un but d'intérêt local. Rappelons que, aux termes de l'article 18-1 de la LOTI du 30 décembre 1982, les départements sont déjà compétents pour exploiter des services ferroviaires interurbains d'intérêt départemental.
La commission entend également faire en sorte que Réseau ferré de France puisse disposer, dans un délai raisonnable, des moyens financiers et humains lui permettant d'assurer les missions qui lui ont été confiées par la loi, conformément aux directives européennes.
S'agissant du transport aérien, le projet de loi comporte deux articles.
L'article 6 conforte les pouvoirs de contrôle du ministre chargé de l'aviation civile dans le domaine des inspections effectuées dans le cadre du programme de contrôle de sécurité des aéronefs étrangers. On assiste, s'agissant de la sécurité aérienne, à une montée en puissance rapide de la coopération et de la coordination au sein de l'Union européenne. Cet article transpose, par ailleurs, des éléments de réglementation communautaire organisant les contrôles de sécurité.
L'article 7 met en place une obligation de compte rendu des accidents et des incidents aériens et prévoit la protection des sources d'information et de la confidentialité dans ce domaine. En effet, le système de compte rendu repose sur la fiabilité des personnes ayant à révéler ces incidents. Il convient donc que celles-ci ne soient pas pénalisées lorsqu'elles obéissent aux obligations de déclaration des incidents.
Soulignons que le dispositif européen ne cesse de se renforcer et que cet effort devrait prochainement aboutir à l'adoption d'un règlement communautaire sur l'information des passagers, qui mettra en place un système de « liste noire » européenne.
Sur les questions de transport aérien, la commission des affaires économiques vous présentera un amendement tendant à améliorer le dispositif de révision des plans d'exposition au bruit.
Composé de sept articles, le volet routier du projet de loi comprend des dispositions intéressant la sécurité des infrastructures et la sécurité routière, une disposition visant à améliorer la situation économique des transporteurs routiers de marchandises et deux dispositions à caractère social.
Tout d'abord, l'article 8 renforce la sécurité des tunnels routiers par de nouvelles règles issues de la transposition d'une directive européenne du 29 avril 2004 concernant les exigences de sécurité minimales applicables aux tunnels du réseau routier transeuropéen. Il convient essentiellement de mentionner l'obligation nouvelle, pour le maître d'ouvrage de chaque tunnel, de désigner un agent de sécurité chargé de coordonner les mesures de sauvegarde en vue d'assurer la sécurité des usagers et du personnel. La commission des affaires économiques proposera, à cet égard, de prévoir dans la loi l'autonomie fonctionnelle de cet agent de sécurité.
Ensuite, la commission des affaires économiques se félicite des trois mesures prévues par le projet de loi en vue de renforcer la sécurité routière. Ainsi, l'article 9 renforce les sanctions contre les professionnels commercialisant des véhicules débridés. L'article 10 facilite l'application de la mesure conservatoire d'immobilisation et de mise en fourrière, qui permettra de mieux réprimer les « grands excès de vitesse », ceux de plus de cinquante kilomètres à l'heure L'article 14 définit un cadre juridique pour les radios d'information routière, afin d'encourager leur développement sur l'ensemble du réseau routier français.
Pour compléter ces mesures, la commission des affaires économiques vous présentera trois amendements. Le premier vise à faciliter la consultation du fichier national des immatriculations par les autorités de pays étrangers, notamment de ceux de l'Union européenne. Le deuxième a pour objet d'étendre aux entreprises de transport routier utilisant des véhicules à deux roues l'application du cadre juridique prévu par la loi d'orientation sur les transports intérieurs du 30 décembre 1982. Le troisième tend à améliorer la formation des transporteurs routiers.
Afin d'améliorer la situation économique difficile des entreprises de transport routier de marchandises, l'article 15 tend à instaurer un mécanisme de répercussion des variations du prix du gazole sur le prix du transport facturé aux chargeurs, en tenant compte, en l'absence d'accord des parties, de l'évolution d'un indice gazole officiel. Cette mesure, très attendue par une grande partie de la profession, cherche à rééquilibrer un rapport de force actuellement défavorable aux transporteurs. La commission des affaires économiques vous présentera, quant à elle, mes chers collègues, un amendement visant à mieux encadrer les délais de paiement dans le secteur des transports.
Les dispositions à caractère social figurant aux articles 16 et 17 visent à prévoir pour les salariés roulants des entreprises de transport sanitaire et de transport routier interurbain de voyageurs des dérogations à des règles de temps de travail introduites en droit français par une ordonnance du 12 novembre 2004 en application de deux directives européennes. Rappelons à ce propos que notre collègue Yannick Texier, qui était le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de ratification de cette ordonnance, en juin dernier, est à l'initiative des mesures concernant le transport ambulancier. Il avait, en effet, déposé sur ce sujet des amendements qu'il avait finalement retirés pour permettre une adoption rapide du texte.
Enfin, pour conclure sur le volet routier, je souhaite insister sur la nécessité d'agir en faveur d'une meilleure harmonisation européenne. Sur de nombreux sujets, il paraît de plus en plus difficile de prendre des initiatives à l'échelon national en raison des règles communautaires.
C'est notamment le cas de la réglementation applicable aux quads. De plus en plus utilisés à des fins de loisirs, les quads peuvent provoquer des accidents mortels, en raison de leur insuffisante stabilité sur des terrains accidentés. Pourquoi ne pas proposer d'imposer que ces véhicules soient équipés d'arceaux de protection ? Il faudrait faire remonter cette demande au niveau européen.
De même, en matière de code de la route, les règles sont encore loin d'être unifiées. A titre d'exemple, les autocaristes français se rendant en Allemagne semblent tenus de faire agréer leurs véhicules par les services techniques allemands afin de pouvoir rouler à une certaine vitesse, alors même qu'ils ont déjà fait cette démarche en France. Ne pourrait-on aller vers plus de simplicité en appliquant le principe de réciprocité et de reconnaissance mutuelle des contrôles techniques ? Des avancées en ce sens sont nécessaires.
S'agissant du transport maritime, les dispositions prévues sont de nature à renforcer la sécurité maritime ainsi que la protection des marins.
Le système « EQUASIS », visé à l'article 11, est une réussite française en matière de sécurité maritime, puisqu'il s'agit d'une base Internet qui fournit gratuitement des informations relatives à la sécurité des navires. Plusieurs pays étrangers participent au financement du système, qui est actuellement géré directement par l'administration française. Afin de simplifier les procédures et de mieux identifier les financements, l'article 11 permet la création d'un groupement d'intérêt public, ce qui donnera pleinement satisfaction à nos partenaires étrangers.
Concernant la protection des marins, l'article 19 accroît les garanties accordées aux femmes marins, tandis que l'article 18 pose le principe de l'application des règles du pays d'accueil en matière de remorquage portuaire : il prévoit en effet que les équipages employés à bord des navires de remorquage dans les eaux françaises sont soumis à l'ensemble des dispositions, y compris conventionnelles, applicables dans les entreprises françaises. Cette disposition est de nature à rassurer les marins français, après la récente obligation faite par le juge administratif au port du Havre d'accorder un agrément à une entreprise concurrente de celle qui y est traditionnellement implantée.
La commission des affaires économiques propose de renforcer les garanties sociales offertes aux marins dans le cadre du remorquage portuaire, d'une part, et de permettre la mise en oeuvre des conventions de l'Organisation internationale du travail sur le rapatriement des marins, le service de santé et le congé hebdomadaire des gens de mer, d'autre part.
Enfin, la commission des affaires économiques a souhaité enrichir le projet de loi par l'introduction d'un volet consacré au secteur fluvial. Elle vous proposera ainsi trois amendements : le premier vise à instaurer un mécanisme de répercussion du coût du carburant en faveur du transport fluvial de marchandises, sur le modèle de celui qui est créé par l'article 15 du présent projet de loi en faveur du transport routier ; le deuxième tend à permettre aux collectivités territoriales gestionnaires du domaine fluvial de l'Etat, dans le cadre d'une expérimentation, de percevoir la redevance versée par les titulaires d'autorisations de prises d'eau sur le domaine public fluvial ; le troisième vise à renforcer l'encadrement du cabotage dans le transport fluvial.
La commission souhaite que le transport fluvial ne soit pas oublié dans cette loi, car il s'agit d'un mode de transport en croissance, qui offre d'intéressantes perspectives pour faire face à l'augmentation prévisible du fret dans les prochaines années et qui, de surcroît, est peu polluant et économique. J'espère donc que nous aurons l'occasion d'enrichir ce volet au cours des débats.
Tels sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les différents points sur lesquels vont porter nos débats. Il s'agit évidemment, pour l'essentiel, de la transposition de directives européennes. Je souhaite que ces dispositions constituent une avancée supplémentaire pour la sécurité, domaine qui est l'une des priorités du Gouvernement. Par ailleurs, j'espère que nous pourrons, à travers les aménagements que nous mettons en place, donner un coup de fouet au développement du fret ferroviaire et fluvial et ainsi alléger le trafic routier.