Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 18 octobre 2005 à 16h00
Sécurité et développement des transports — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Lorsque je vous ai interrogé sur ce point particulier en commission, monsieur le ministre, vous m'avez répondu que vous n'approuviez pas une telle disposition et que vous l'indiqueriez au prochain Conseil des ministres européens des transports. Mais votre détermination est-elle solide ? Nous sommes prêts à l'appuyer. Quels arguments comptez-vous utiliser pour faire valoir votre point de vue et quels sont vos alliés à cet égard ?

Par ailleurs, le présent texte envisage la mise en place d'une autorité nationale de sécurité ferroviaire prévue par la directive n° 2001/14/CE. Comme la commission, nous proposons que ce soit l'Etat, donc le ministère des transports, qui exerce cette mission, à l'instar de ce que fait la direction générale de l'aviation civile, la DGAC en matière aérienne, ce que la directive européenne permet d'ailleurs explicitement - et je tiens cette dernière à la disposition de ceux qui ne la connaîtraient pas dans le détail. Il n'est donc guère besoin d'une énième agence, l'Etat gardant toute sa faculté d'employer des agents contractuels pour des missions qui requièrent une qualification particulière - c'est l'argument que vous avez avancé - ; et il ne s'en prive d'ailleurs pas !

Nous proposerons donc de modifier l'article 1er dans le même sens que la commission.

En matière de transport aérien, après le vote de textes lourds de conséquences - la loi relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France et la loi relative aux aéroports - sur lesquels je ne reviendrai pas, les mesures de renforcement de la sécurité et de la sûreté aériennes prévues par le projet de loi ne nous posent aucun problème particulier et nous y souscrivons.

Toutefois, si les moyens de contrôle des aéronefs sont renforcés, il sera nécessaire de traduire ces dispositions dans les faits et de doter l'administration des moyens humains nécessaires pour exercer un contrôle régulier véritable et non plus très occasionnel. C'est là le point essentiel car, vous le savez bien, les textes ne suffisent pas.

De même, il conviendra de mettre en oeuvre des innovations technologiques pour qu'il soit possible d'accéder en temps réel aux données techniques essentielles des organes vitaux d'un appareil. Le décryptage des boîtes noires n'est malheureusement qu'un élément de l'enquête après un accident et il est indispensable de renforcer les moyens de prévention et de surveillance. Monsieur le ministre, avez-vous prévu, dans le projet de loi de finances pour 2006, les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs que vous fixez dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui ?

Comme l'un des intervenants précédents, je souhaite savoir si la liste noire des compagnies aériennes sera bientôt élaborée à l'échelon européen, et selon quel calendrier. Il serait insensé qu'une compagnie faisant défaut aux obligations de sécurité dans un pays puisse exploiter des liaisons ailleurs.

Enfin, je profite de ce débat pour attirer votre attention sur un problème lié à la sécurité aérienne et dont la presse s'est fait l'écho, à propos de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle en particulier. Il s'agit du recours de plus en plus fréquent à l'autorité administrative pour retirer ou refuser de renouveler les badges d'accès aux zones aéroportuaires. Mon attention a été attirée par des organisations syndicales qui craignent une certaine forme d'arbitraire en la matière.

En effet, le retrait de badges place les intéressés dans une zone de non-droit. L'absence de badge permet à l'employeur de s'exonérer de toute procédure de licenciement, laissant l'agent en mise à pied sans solde, pendant une période plus ou moins longue. Il semble que les commissions de recours ou de reclassement professionnel, qui ont été instituées par l'Etat, ne fonctionnent pas, ou très mal. Si vous n'avez pas d'éléments de réponse aujourd'hui, vos services pourraient-il se pencher sur ce point particulier ?

S'agissant du transport routier, nous approuvons certaines dispositions du projet de loi, notamment les mesures de lutte contre le débridage des mobylettes ou la nécessaire répercussion du coût du gazole souhaitée par les transporteurs. Je ne suis absolument pas opposé à cette dernière mesure qui me paraît excellente, à condition toutefois que le renchérissement du coût du transport routier ne se répercute pas sur les prix et ne crée pas une inégalité de concurrence.

En revanche, d'autres points soulèvent un certain nombre d'interrogations. J'ignore les raisons du renforcement des dispositions répressives du code de la route dans les cas d'opposition à l'immobilisation d'un véhicule ou de délits de cette nature, mais les sanctions de trois mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende me paraissent disproportionnées.

En ce qui concerne la sécurité des longs tunnels routiers, le projet de loi procède à la transposition de la directive qui tend à imposer la désignation systématique, pour chaque tunnel concerné, d'un agent de sécurité. Nous nous interrogeons sur le rôle précis de ce dernier. Certes, il sera précisé par décret, mais il apparaît déjà que, en cas d'incidents, un nombre trop grand d'intervenants en matière de sécurité finit par diluer les responsabilités. En ajoutant un agent de sécurité supplémentaire ne risque-t-on pas d'accroître la complexité du dispositif ?

Enfin, s'agissant du temps de travail de certaines catégories de personnels roulants, comme les ambulanciers - sur lesquels notre collègue Yannick Texier avait déjà attiré l'attention - ou le personnel des entreprises de transport interurbain de voyageurs et les convoyeurs de fonds, je ne vous cache pas mon étonnement : toutes les dispositions prévues auraient dû figurer dans le texte que nous avons examiné au mois de juillet dernier, portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports. Or, il nous a été imposé de voter le texte conforme, ce contre quoi je m'étais d'ailleurs élevé ! Aujourd'hui, ces dispositions réapparaissent dans un texte fourre-tout. Ce n'est pas une bonne méthode de légiférer ! Nous étions alors défavorables à l'ensemble des dérogations au droit social qui nous était proposées ; aujourd'hui, nous maintenons notre position.

En matière de transport maritime, le texte prévoit la création d'un groupement d'intérêt public pour gérer le système d'information Equasis, base de données sur la sécurité des navires et la qualité de leur armement. Nous nous félicitons de cette belle initiative et de l'existence d'une telle base qui permet l'identification et la traçabilité des navires de mauvaise qualité qui pourraient fréquenter nos ports. Cependant, les armateurs semblent consulter très peu cette base de données, ce qui est tout de même inquiétant compte tenu du coût de sa mise en place. Avez-vous des informations à ce sujet ?

A propos de l'activité de remorquage portuaire, le texte anticipe sur l'évolution de la réglementation européenne qui ouvrira la concurrence dans ce domaine, bien que la directive sectorielle sur les ports, en cours de discussion, soit largement remise en cause. Le projet de loi prévoit que le droit français du travail devra s'appliquer à toutes les entreprises de remorquage qui seront amenées à intervenir dans un port français. C'est plutôt un sujet de satisfaction, mais jusqu'où irons-nous ?

Encore faut-il que des contrôles puissent être effectués. Et suffiront-ils à dissuader de recourir à des services de remorquage étrangers ? A ma connaissance, cela se fait déjà, et le code des douanes l'autorise.

Donc, finalement, je me pose la question de l'utilité de cet article, sinon hypocrite, du moins assez ambigu, sauf si l'intention est bien d'ouvrir la porte à une libéralisation des services de remorquage en mettant un terme à l'actuel monopole français, et ce avant que la nouvelle proposition de directive ait été discutée au Parlement européen. Mais peut-être allez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre.

La démarche est d'autant plus ambiguë, comme je m'en étais déjà ému devant vous en commission, que ceux qui partagent vos convictions ne défendent pas de la même manière le principe du pays d'accueil. C'est du moins le sentiment que l'on a à la lecture des travaux sur le projet de directive Bolkestein. Il faudrait peut-être, monsieur le ministre, vous entendre avec vos amis.

Au total, ce projet de loi d'apparence technique n'en soulève pas moins de multiples problèmes. Et ce n'est pas faute de toucher à tout, routier, maritime, aérien et ferroviaire. On pourrait même croire que ce texte balaie tout ce qui traînait sur les coins de table ministériels.

On évoquera dans la discussion des articles le recours à des contrats de partenariat public-privé pour le financement des infrastructures ferroviaires. A la différence de mes collègues Dubois et Longuet, je n'y suis guère favorable, d'autant moins que j'apprends, mais peut-être allez-vous nuancer ou corriger, que l'Etat est en train de ponctionner par anticipation 350 millions d'euros sur le produit attendu des ventes du patrimoine de RFF. Mais laissons-lui son argent, et mettons-le effectivement au service du ferroviaire ! Car, si j'ai bien compris, les 350 millions d'euros iront directement dans le budget de l'Etat ; mais peut-être mon information est-elle erronée.

Au reste, nous reviendrons jeudi matin sur tous ces sujets, notamment sur les ressources de l'AFITF. Pour l'heure, vous l'avez compris, monsieur le ministre, parce qu'il contient un certain nombre de mesures inquiétantes, nous ne pourrons pas voter ce texte en l'état.

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