J'ajoute que vous avez oublié une notion importante : celle du contrôle des conducteurs des entreprises ferroviaires sur le terrain. Il s'agit, d'une part, de vérifier que ceux-ci disposent bien de toutes les aptitudes et autorisations nécessaires à la conduite des trains, et, d'autre part, de contrôler les enregistrements de la « boîte noire » installée dans la cabine de conduite.
D'une manière plus générale, il manque également dans votre projet de loi une convention collective nationale du secteur ferroviaire, qui serait préférable à la juxtaposition actuelle des statuts sans coordination.
Avec l'article 13, vous franchissez une étape supplémentaire, en introduisant le capital privé dans le financement de l'infrastructure ferroviaire et en permettant à RFF de confier à une entreprise privée la construction, l'entretien et l'exploitation de l'infrastructure. Seule la responsabilité de la sécurité demeure - pour le moment seulement - entièrement publique.
Cet article supprime de fait le monopole attribué pour ces missions à la SNCF en 1997 par le gouvernement Juppé, au moment de la création de RFF. Avec le recul, chacun voit clairement la marche de libéralisation : d'abord, séparation entre le gestionnaire de l'infrastructure et le transporteur, puis mise en concurrence des sociétés de transport ferroviaire.
Vous allez encore plus loin avec le partenariat public-privé, en introduisant la logique du capital privé et du profit dans les décisions, la tarification et la gestion des infrastructures ! En effet, qui peut croire que ceux qui investiront dans ce secteur n'exigeront aucune garantie de rentabilité ?
Il est vrai qu'un pays a été pionnier dans cette voie ; c'est le Royaume-Uni de Margaret Thatcher ! Chacun sait que les conséquences en ont été catastrophiques.
La poursuite de la séparation de l'infrastructure et de l'exploitation fragilise la cohérence de cet ensemble, son entretien, sa maintenance, ainsi que sa sécurité.
Permettre le financement de l'infrastructure ferroviaire par des capitaux privés, c'est privilégier le profit au détriment du service public et d'un aménagement du territoire équilibré. Le secteur privé financera les axes rentables.
Lors de votre audition, monsieur le ministre, vous avez cité en exemple le financement privé de la liaison ferroviaire exprès entre la gare de l'Est et l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Une telle liaison attire évidemment les financements privés ! Mais les petites gares, elles, continueront de mourir les unes après les autres. Et les maires de province continueront de manifester à Guéret. Est-ce votre objectif, monsieur le ministre ?
On assiste au début d'éclatement du réseau ferré national, la gestion de la circulation des trains étant confiée à la SNCF. Ainsi, ce projet de loi prévoit de déléguer au secteur privé la gestion de l'infrastructure. C'est un début de privatisation. On en a vu les conséquences au Royaume-Uni !
Jusqu'où comptez-vous aller, monsieur le ministre, dans le démantèlement du service public et des entreprises publiques ? Est-ce là la leçon que le Gouvernement auquel vous appartenez tire des manifestations du 4 octobre dernier ?
Vous allez sans doute chercher à faire porter à d'autres la responsabilité et dire que c'est la faute de l'Europe. Oui, mais voilà, le commissaire européen aux transports est Jacques Barrot, qui fut président du groupe UMP à l'Assemblée nationale jusqu'en 2004. En outre, les députés européens UMP, à l'exception de Roselyne Bachelot, ont voté, le 28 septembre dernier, en faveur de l'accélération de la libéralisation du transport ferroviaire de passagers.