Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes collègues du groupe socialiste et moi-même vous proposons de renvoyer le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui devant la commission des affaires économiques et du Plan, pour trois raisons qui nous paraissent essentielles - notre commission vient d'ailleurs de se réunir, preuve, s'il en était besoin, qu'il restait beaucoup à faire !
Tout d'abord, ce texte n'a pas, selon nous, fait l'objet d'une information suffisante. Le rapport fait certes mention de l'audition d'une vingtaine de personnes par le rapporteur, mais la commission des affaires économiques n'en a pas eu connaissance. Je suis même surpris, et je tiens à féliciter le rapporteur d'avoir pu auditionner tous ces personnages importants en six jours et six nuits, puisque le projet de loi a été adopté en conseil des ministres le 5 octobre dernier et que le rapport a été remis le 11 octobre !
En commission, seul le ministre a été auditionné ; nous n'avons pas eu le temps, en particulier, d'entendre les organisations syndicales de cheminots, qui sont pourtant très largement partie prenante dans cette affaire. Il en va de même en ce qui concerne le remorquage maritime. D'ailleurs, j'attends toujours les réponses aux questions que j'avais adressées aux uns et aux autres.
Ensuite, le projet de loi ouvre - une fois de plus - une large voie à l'exercice du pouvoir réglementaire. Le Gouvernement nous habitue à une masse de décrets et les parlementaires doivent en quelque sorte voir venir. Plusieurs décrets en Conseil d'Etat sont ainsi prévus, mais aucun projet n'a été porté à la connaissance des membres de la commission, ni même à celle de notre rapporteur, alors que leurs conséquences seront importantes.
Il s'agit en particulier du fonctionnement de ce qui est devenu depuis quelques minutes un établissement public, après avoir été dans un premier temps l'Agence française de sécurité ferroviaire, puis une direction de la sécurité au ministère des transports. Je citerai également le fonctionnement de la police de la circulation des aéronefs, ou encore les conditions d'application des dispositions relatives à la sécurité des tunnels routiers, notamment la liste des itinéraires concernés. A ce sujet, plusieurs collectivités locales se sont manifestées afin de savoir si tel ou tel tunnel faisait partie du réseau européen.
Quant aux modalités permettant à Réseau ferré de France de faire appel à des contrats de partenariat public-privé pour la construction, l'exploitation et l'entretien de l'infrastructure ferroviaire - dont nous dirons tellement de mal tout à l'heure -, le point est particulièrement sensible au moment où la politique française de financement des infrastructures est menacée par la privatisation des concessions des sociétés d'autoroutes et, ainsi, par la disparition des futurs dividendes qui auraient dû alimenter l'AFITF. Ces contrats de partenariat vont-ils désormais devenir la règle ? Ils sont en tout cas présentés comme la solution miracle pour régler toutes les questions d'infrastructures.
Enfin, le projet de loi nous est présenté à une période où la question des transports fait l'objet de tensions certaines, comme le montrent l'actualité parlementaire et l'organisation, jeudi prochain, d'un débat sur le financement des infrastructures - débat qui, une fois de plus, ne sera pas suivi d'un vote.
Dans le secteur ferroviaire, par exemple, on nous soumet aujourd'hui des dispositions relatives à la transposition du « deuxième paquet ferroviaire », et notamment la libéralisation totale du transport de fret, au moment même où le « troisième paquet » vient d'être discuté au Parlement européen et que l'on nous annonce une ouverture à la concurrence à marche forcée du transport ferroviaire de voyageurs, pour 2008 en ce qui concerne le trafic international et en 2012 pour le trafic national. Où est l'urgence ? Pourquoi une telle précipitation ?
Vous nous avez dit en commission, monsieur le ministre, que vous ne seriez pas favorable à une accélération de ce calendrier d'ouverture, en précisant toutefois que vous n'étiez pas sûr de trouver des alliés parmi nos partenaires pour faire valoir cette position. Avouez que cela n'est guère rassurant !
Je rappelle également que le Gouvernement, en échange d'une aide européenne de 800 millions d'euros au plan fret, a accepté d'avancer la date de libéralisation totale du fret ferroviaire national au 31 mars 2006. Il nous propose, au fond, de valider son engagement dans l'article 12 ; nous ne pouvons nous y résoudre. La commission des affaires économiques devrait, au préalable, prendre connaissance du premier bilan de la libéralisation du fret international, qui a officiellement été mise en place en Europe depuis le 15 mars 2003 et plus récemment en France.
En tout état de cause, l'ampleur des domaines couverts par ce texte, la précipitation avec laquelle il est soumis au Parlement, qui plus est en urgence déclarée, et l'aspect pluriel que j'évoquais précédemment me paraissent démontrer à l'évidence l'impréparation de ce projet de loi élaboré « sur un coin de table » et la nécessité de le renvoyer à tout le moins devant notre commission pour un travail sérieux.