Par cet amendement, nous souhaitons aller plus loin que M. le rapporteur.
C'est d'autant plus vrai maintenant, monsieur le rapporteur - je suis désolé de vous le dire -, que M. le ministre nous a clairement expliqué que le changement de nom de ce nouvel organisme ne modifierait absolument en rien son fonctionnement ou son contenu ! Dès lors, en quoi un tel changement peut-il apporter une quelconque satisfaction aux arguments que vous aviez défendus devant la commission ? Je regrette ce recul.
Ce texte entérine, en application de la directive européenne du 29 avril 2004 dite « deuxième paquet ferroviaire », la création de l'autorité nationale de sécurité - dénommée maintenant « établissement public » et non plus « agence » - dont les missions seront de veiller au respect des règles relatives à la sécurité et à l'interopérabilité.
Dans ce sens, cet établissement public - nous connaissons maintenant assez bien les évolutions possibles et rapides de ce type de structure - aurait pour mission de délivrer les autorisations exigées pour l'exercice des activités ferroviaires, notamment les certificats de sécurité et de conducteur de train.
Pour notre part, nous considérons que ces missions sont régaliennes : elles relèvent exclusivement de la puissance publique. Sous prétexte d'indépendance, l'Etat ne peut se détacher de ses compétences propres au profit d'un organisme qui dispose d'une forme d'indépendance.
D'ailleurs, nous n'avons aucune garantie sur la réelle indépendance de cet organisme puisque son conseil d'administration sera « composé pour moitié de représentants de l'Etat » - peut-être également de représentants du Sénat et de l'Assemblée nationale, mais j'anticipe sans doute - « et pour l'autre moitié de personnes qualifiées en raison de leur compétence dans les domaines entrant dans les missions de l'établissement public ».
Cette formule est plutôt vague. Une nouvelle fois, il s'agit de confier des prérogatives d'Etat à des experts. Cette spécialisation ne peut nous satisfaire. En effet, selon quels critères appréciera-t-on la compétence dans le domaine des missions de l'établissement public ? Le directeur général de la Connex, par exemple, pourra-t-il se prévaloir d'une telle compétence ?
Comme nous en avons l'habitude, les réponses à toutes ces questions sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.
Par ailleurs, au sein de ce conseil d'administration siègeront deux représentants du personnel. Comment seront-ils désignés ? Nul ne le sait !
Enfin, le cadre juridique de l'intervention des agents habilités à exercer le contrôle de la réglementation technique et de sécurité définit les pouvoirs d'investigation de ces agents. Cependant, pour la mise en oeuvre de ces prérogatives, la loi renvoie une nouvelle fois à un décret en Conseil d'Etat.
Mes chers collègues, nous ne pouvons tolérer cette dépossession de la représentation nationale au profit de la plus haute juridiction administrative.
De plus, nous refusons cette logique de segmentation.
En effet, dans un souci de cohérence, et parce que l'ensemble des problématiques des transports terrestres sont liées, nous considérons que seule la direction des transports terrestres, au sein du ministère des transports, a la capacité de garantir effectivement la sécurité et l'interopérabilité des réseaux. Le personnel du ministère est compétent pour exercer ces missions, monsieur le ministre, vous ne pouvez nous dire le contraire !
C'est la raison pour laquelle la direction des transports doit être pourvue de prérogatives lui permettant de développer la complémentarité et le rééquilibrage entre les modes. Il s'agit bien de clarifier et de maîtriser à l'échelle institutionnelle la notion et les moyens d'une politique intermodale.
Un établissement public tel qu'il est défini dans ce projet de loi, avec de telles zones d'ombre, ne peut satisfaire à cette exigence. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement, que nous vous demandons d'adopter.