Intervention de Michel Billout

Réunion du 18 octobre 2005 à 16h00
Sécurité et développement des transports — Article 6

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je citerai en préalable l'introduction de l'exposé des motifs concernant ce chapitre : « La prévention des risques constitue, en droit international comme en droit interne, le principe phare de la sécurité et de la sûreté de l'aviation civile. »

Je suis en total accord avec ces considérations, et j'estime que la directive n° 2004/36/CE du Parlement européen et du Conseil européen du 21 avril 2004 va dans le bon sens en prescrivant aux autorités nationales de prévoir les mesures utiles pour la mise en oeuvre des règles et procédures d'inspection au sol des aéronefs des pays tiers atterrissant sur les aéroports communautaires, dans le cadre du programme SAFA. C'est la raison pour laquelle mon groupe votera l'article 6.

Cependant, je ne peux que regretter que les impératifs de sécurité ne soient pas pris en compte plus sérieusement, notamment par l'étude des causes réelles de l'insécurité aérienne.

Des normes internationales concernant le droit des trafics et la sécurité du transport aérien ont été définies en 1994 dans les accords de Chicago. Cependant, depuis 1990, c'est la déréglementation du transport aérien qui fait loi, imposée par la construction européenne et par la création d'un ciel unique européen.

L'obligation de libre concurrence, présentée comme un bon moyen de faire baisser les prix payés par les passagers, se traduit dans les faits par une régression générale de toutes les politiques sociales et par des économies drastiques. Catastrophes et drames pour les uns, plans de licenciements et dépôts de bilan pour les autres, les victimes sont toujours les mêmes. Cette libéralisation, avec son cortège de privatisations, tire tout vers le bas : les salaires, les conditions de travail, mais aussi les conditions de sécurité.

Il est intéressant de se rappeler que le prix d'un billet d'avion se décompose entre la masse salariale, la maintenance des avions, qu'elle soit assurée par la compagnie elle-même ou par la sous-traitance, le coût du kérosène et les taxes aéroportuaires. Certaines de ces dépenses sont incompressibles, comme le kérosène et les taxes aéroportuaires. Ce n'est en revanche le cas ni de la masse salariale ni de la maintenance, ce qui permet aux compagnies à bas coût de promouvoir des tarifs défiant toute concurrence. Or c'est là qu'est mise à mal la logique de sécurité du transport aérien, dégradation qui touche des compagnies de plus en plus nombreuses, y compris des compagnies traditionnelles comme, actuellement, British Airways.

Le développement de la sous-traitance et la diminution de la masse salariale ainsi que de la qualification des personnels, dans une logique de rentabilité maximum, remettent directement en cause l'application des règles de sécurité. Il faut ajouter à cela que les règles de la logique de sécurité ont été remplacées, je l'ai déjà souligné, par celle du risque calculé : d'un entretien pour une sécurité absolue on est passé à un entretien pour une sécurité probable. C'est très différent.

Ainsi - et ce n'est qu'un exemple -, nous avons appris, après la catastrophe de Charm el-Cheik du 3 janvier 2004, que l'avion accidenté n'avait pas eu moins de sept propriétaires en dix ans : de telles pratiques permettent d'échapper à certains contrôles et visites périodiques de sécurité.

La recherche de la rentabilité maximale fait ainsi peser de lourdes incertitudes sur la sécurité des passagers, mais aussi sur celle des personnels et des riverains.

A l'échelon national, ces missions de sécurité sont confiées à la DGAC, qui manque cruellement de moyens humains et matériels pour faire respecter la législation. J'ai bien noté l'annonce de créations de postes de contrôleur, dont le nombre n'a toutefois pas été précisé, ainsi que de l'augmentation du budget de la DGAC. Soyez certain, monsieur le ministre, que nous serons très attentifs à ce qui sera effectivement inscrit dans la loi de finances pour 2006 !

Par ailleurs, l'harmonisation européenne conduit à imposer aux compagnies aériennes des normes de sécurité beaucoup moins contraignantes, en fin de compte, que la législation française, notamment en ce qui concerne le niveau de qualification du personnel.

Enfin, il n'existe pas de réciprocité, si bien qu'une compagnie interdite sur le sol français peut très bien se poser dans un autre pays de l'Union, comme on l'a vu récemment avec Onur Air. Le problème reste donc entier.

Dès lors, la seule solution réside dans l'arrêt de la libéralisation du secteur aérien et dans la mise en oeuvre d'une réelle harmonisation « par le haut » des normes de sécurité aérienne. Il est donc indispensable que le Gouvernement s'engage à oeuvrer dans ce sens au sein de la Commission européenne.

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