Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens à mon tour à saluer la méthode qui a été suivie pour mener les auditions lors de groupes de travail, méthode qui a permis d'entendre un plus grand nombre de partenaires des divers secteurs concernés, même si ensuite, mais c'est la règle, nous n'en tirons pas tous les mêmes conclusions.
Monsieur le secrétaire d'État, après cinq années de politique gouvernementale qui ont porté atteinte aux revenus des plus modestes, le Gouvernement tire aujourd'hui la sonnette d'alarme et dépose un projet de loi déclaré d'urgence pour revaloriser le pouvoir d'achat des Français.
Face à un constat, que nous pouvons partager, nous aurions pu raisonnablement espérer des mesures fortes en direction du portefeuille de nos concitoyens. Nous nourrissions même un infime espoir puisque, lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi indiquait que deux éléments permettaient d'améliorer le pouvoir d'achat : la hausse des salaires, d'une part, et la baisse des prix, d'autre part.
Hélas ! aucune des dispositions du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs n'aborde la question, tant attendue par nos concitoyens, de la revalorisation de la rémunération de leur travail.
Dans ce contexte, comment ne pas douter de l'efficacité des mesures proposées, alors que vous vous privez du levier le plus efficace et le plus sûr pour augmenter le pouvoir d'achat des Français ?
Ne vous donnez pas la peine, monsieur le secrétaire d'État, de nous renvoyer au projet de loi sur le pouvoir d'achat qui devrait être discuté au début de l'année prochaine : les mesures annoncées ne nous satisfont pas.
Alors qu'à l'Assemblée nationale nos propositions alternatives à votre action ont été qualifiées de « politique d'un autre temps », permettez-moi de vous dire que le leitmotiv de M. le Président de la République, « travailler plus pour gagner plus », semble relever d'une époque lointaine où la notion de gains de productivité n'avait pas encore été mise à jour.
Selon nous, le progrès social se mesure à la possibilité, notamment technique, offerte aux salariés de travailler moins et de gagner plus ! Le progrès social consiste à créer les conditions collectives de la réalisation d'un bien-être personnel !
Enfin, avant d'en venir aux dispositions du projet de loi, je me permettrai d'éclaircir un point.
Vous n'avez de cesse d'expliquer aux Français qu'avant de redistribuer de la richesse, il faut la produire. Certes ! Sans revenir sur les dispositions de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, prenons l'exemple de Total, une entreprise qui intéresse particulièrement nos concitoyens en cette période de hausse des prix du pétrole.
Alors que le groupe Total réalise 12 milliards d'euros de bénéfices, que fait-il pour favoriser le pouvoir d'achat des Français ? Comment cet argent est-il réinjecté dans l'économie ? Le groupe utilise 2 milliards d'euros afin de racheter ses propres actions et le reste alimente les dividendes des actionnaires. Ces derniers réinvestissent en général dans la bourse ou dans l'immobilier, et le tour est joué. Les bénéfices donnent de la plus-value boursière ou immobilière, mais ne sont pas réinvestis pour créer des emplois ou pour augmenter les salaires.
Ainsi, l'idée selon laquelle les profits d'aujourd'hui seraient les emplois de demain est largement contredite.
Votre discours de culpabilisation des travailleurs ne cachera pas longtemps la stérilité du système économique que vous défendez, fondé sur un déséquilibre au profit de la rémunération du capital.
Au regard de toutes ces observations, nous vous proposons d'introduire, avant le titre Ier du présent projet de loi, un titre additionnel intitulé « Mesures en faveur du pouvoir d'achat des Français ». Les dispositions que nous y incluons étant réellement urgentes, nous considérons qu'il est utile de les présenter dans ce texte qui a été déclaré d'urgence.
Nous demandons entre autres une baisse de la TVA à 17 % et l'augmentation du SMIC. Nous proposons un moratoire sur le prix du gaz et de l'électricité et l'interdiction des coupures d'énergie pour les familles en difficultés. La taxation sur les supers profits pétroliers permettra de financer une partie de ces mesures.
Nous souhaitons également que soient prises des dispositions en faveur de l'accession sociale à la propriété, de la limitation de l'augmentation des loyers ou encore que soit reconduite dans son intégralité l'exonération de la redevance audiovisuelle pour les personnes les plus défavorisées. Ces dispositions nous semblent de nature à relancer réellement le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Les mesures annoncées par M. le Président de la République sur l'indexation des loyers ou sur la limitation de la caution à un mois n'auront qu'une efficacité limitée. Mieux vaudrait adopter dès à présent les mesures simples que nous proposons plutôt que de donner un caractère rétroactif à une loi qui n'est pas encore votée !
J'en viens au contenu du projet de loi et à l'objectif de baisse des prix.
Monsieur le secrétaire d'État, vous évoquez des statistiques réconfortantes en précisant, assez mystérieusement, que les chiffres de l'INSEE ne sont pas faux, mais qu'ils ne doivent pas être les bons.
Bien sûr, nous nous réjouissons que vous réfléchissiez sur la création de nouveaux indicateurs, notamment pour mesurer l'évolution des prix. Mais il suffit simplement d'écouter les inquiétudes de nos concitoyens pour comprendre que la hausse des prix est une réalité bien palpable qui devient insupportable !
Le coût de la vie n'a cessé d'augmenter sous l'impulsion de vos politiques remettant en cause la solidarité nationale, la péréquation tarifaire, que ce soit dans le domaine de l'énergie, de la santé ou des transports !
Alors que la misère augmente, que les Français sont de plus en plus préoccupés par la pauvreté, que la qualité de la vie diminue, votre action se limite à proposer, d'une part, un mécanisme mettant entre les mains de la grande distribution la politique des prix et, d'autre part, quelques mesures relatives au secteur des télécommunications et au secteur bancaire.
Le titre Ier n'est que la première étape de la dérégulation totale du droit du commerce. En effet, là encore, le Gouvernement choisit de tronquer le débat en annonçant l'examen d'un nouveau texte dans quelques mois.
L'article 1er prévoit que les distributeurs intègrent la totalité des marges arrière dans le seuil de revente à perte, afin qu'ils puissent baisser leurs prix. En adoptant cette solution, vous déplacez insidieusement le problème. La baisse des prix n'a jamais été une révolution sociale et elle ne profite jamais, sur le long terme, aux milieux les plus modestes.
Par ailleurs, votre projet de loi officialise les pratiques abusives de la grande distribution. Les marges arrière ont atteint des niveaux inadmissibles, traduisant bien plus un rapport de force en faveur de la grande distribution que de réels services de coopération commerciale. Le seuil de revente à perte est encore assoupli, laissant à la seule grande distribution, comme vous l'avez confessé vous-même, monsieur le secrétaire d'État, la possibilité de baisser les prix.
Accepter la revente à perte, c'est permettre la pratique de prix abusivement bas, qui seront obligatoirement répercutés sur les prix d'achat aux producteurs et aux fournisseurs. Or on ne peut pas accepter que les prix soient décidés par les grands groupes quand on sait que six d'entre eux détiennent 86 % des parts de marché !
On ne peut pas accepter non plus que la valeur du travail soit déconnectée de la valeur des biens produits. Les prix doivent correspondre à une réalité économique capable de faire vivre les producteurs. C'est pourquoi nous proposerons des amendements sur les prix minimums et visant à fixer un prix de référence qui permette de rémunérer le travail des producteurs. À ce sujet, nous aborderons plus en détail la non-application du coefficient multiplicateur.
Nous regrettons également que ne soient pas traitées dans ce projet de loi la question des délais de paiement ni celle du retour sans rémunération aux fournisseurs de produits périssables, sujets sur lesquels nous reviendrons au cours du débat.
La grande distribution se targue d'avoir démocratisé l'accès à la consommation et place le consommateur en arbitre. La réalité est quelque peu différente : le consommateur est trop souvent l'otage de la publicité, de l'incitation à une consommation à tout crin ; il est victime de l'endettement lié également à la faiblesse de son pouvoir d'achat. Là encore, sur la défense des consommateurs, le texte reste muet !
Afin de défendre leurs intérêts, nous vous proposons d'instaurer une action de groupe et de permettre au juge de soulever d'office les dispositions protectrices des consommateurs.
De plus, les profits de la grande distribution se font au détriment des salariés du secteur qui, dans bien des cas, ne sont même pas rémunérés au SMIC. Rappelons au passage que ces personnes sont également des consommateurs et que, si leurs salaires augmentent, elles pourront consommer davantage.
Ce secteur est révélateur de la précarisation du travail, contre laquelle il est urgent de lutter. Les salariés, qui sont souvent des femmes, se voient imposer le temps partiel. Autrement dit, on ne leur offre même pas la possibilité de bénéficier d'un SMIC complet.
À la pénibilité du travail s'ajoute la grande flexibilité des heures de travail, puisque les salariés se voient imposer des horaires fragmentés souvent tard le soir. Les dirigeants des entreprises de la grande distribution reconnaissent eux-mêmes qu'ils n'ont aucun intérêt à recourir au temps complet. Les dispositions de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, sur les heures supplémentaires vont renforcer encore cette tendance et la fragmentation du pouvoir d'achat des salariés.
Cette situation est aggravée par l'extension des horaires d'ouverture des grands magasins. C'est pourquoi nous nous opposons fermement, à l'inverse de certains de nos collègues, à l'ouverture des grandes enseignes le dimanche, qui, sans relancer la consommation, aura des effets nuisibles sur la qualité de vie des salariés concernés.
De plus, on ne peut aborder cette réforme des relations commerciales en mettant de côté les effets dévastateurs de la mondialisation. En effet, quelle solution auront nos producteurs pour défendre leurs prix de vente dans un contexte de baisse accrue des tarifs douaniers agricoles ? La grande distribution va importer des produits moins chers sans privilégier les circuits courts de distribution. Ces importations spéculatives renforceront encore le déséquilibre des relations commerciales au détriment des fournisseurs français et européens.
Par ailleurs, le risque est grand de voir se détériorer la qualité de nos aliments ! À ce sujet, je dirai un mot des derniers articles du projet de loi relatifs à la sécurité sanitaire des aliments.
Nous nous étonnons toujours de l'insouciance avec laquelle le Gouvernement confie des missions supplémentaires à ses administrations de contrôle, qu'il s'agisse des douanes ou de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, en diminuant, dans le même temps, leurs moyens financiers et en personnel.
Les mesures relatives au secteur des télécommunications sont positives mais elles ne sont que justice. Elles restent, de toute façon, bien timides. En effet, comment ne pas critiquer les numéros surtaxés ou l'absence de gratuité des services techniques ou des services après-vente ? Nous sommes assez inquiets devant certains des amendements de la commission qui vont réduire encore la portée d'un texte déjà timide.
En ce qui concerne le secteur bancaire, selon nous, tout reste à faire. Si l'on veut renforcer la défense des droits des consommateurs dans leurs relations avec les banques, il faut donner un sens au service bancaire universel. Nous présenterons des amendements allant dans ce sens mais également en faveur de l'allègement des taux d'intérêts des prêts accordés aux particuliers.
Enfin, nous demandons la suppression de l'article visant à donner compétence au Gouvernement pour codifier à droit constant le droit de la consommation.
D'une part, il nous semble que le Parlement se dessaisit trop souvent de ses compétences. La révision de la Constitution visant à enterrer le Parlement n'a pas encore eu lieu...