Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 13 décembre 2007 à 9h30
Développement de la concurrence au service des consommateurs — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l'a souligné notre rapporteur, Gérard Cornu, le projet de loi qui nous est présenté est un texte intermédiaire. Il sert à occuper le terrain, tout comme les lois sur les chiens dangereux ou les manèges qui n'auraient dû être que des mesures réglementaires.

Le Gouvernement veut en réalité reporter au printemps la véritable refonte des lois concernées. Si l'on regarde le calendrier, on peut deviner à quelle date les vrais projets de fond nous seront présentés. Devant l'échec des lois Galland et Dutreil, on nous soumet un texte qui a simplement comme vertu de calmer les acteurs intéressés en leur assurant une sorte de statu quo.

Prenons l'exemple de l'Union professionnelle artisanale, qui était vent debout contre le projet. Comme elle a changé d'attitude et baissé de ton ! On peut sérieusement se demander ce qu'elle a pu négocier entre-temps...

La politique menée et les mesures prises pour limiter la prolifération de la grande distribution sont un échec. La loi Dutreil, pourtant considérée à l'époque par son rapporteur comme le « fin du fin », n'a pas eu les effets annoncés.

Les gouvernements ont fait adopter de nombreuses lois : la loi Royer en 1973, la loi Raffarin en 1996, la loi Galland en 1996, la loi Dutreil en 2005. Et voilà maintenant la loi Chatel ! Ce bricolage permanent n'a rien stabilisé. Les arguments avancés contre chacune de ces lois par les parlementaires socialistes sont toujours rejetés, mais ils se révèlent finalement justes dans les années qui suivent. Quand pourrons-nous enfin vous croire ? Combien de temps encore resterez-vous sourds ?

Ces lois ont eu pour conséquence de faire disparaître les commerces viables des quartiers urbains et des bourgs-centres des communes rurales. Les grands groupes - la grande distribution, mais aussi les industriels, en particulier de l'agro-alimentaire - se partagent le gâteau, et les PME du secteur sont étranglées.

Le Président de la République affirme que la réforme qu'il avait engagée lorsqu'il était ministre des finances doit être menée à bien. On voit aujourd'hui que ce texte confus ne réglera rien et que la vraie réforme est reportée au printemps.

Mais, surtout, le pouvoir d'achat des consommateurs est en panne. Les prix restent élevés alors qu'il y a une concentration de la distribution. La politique salariale de la grande distribution est drastique. Les marges sont faites sur le personnel, sur les petits fournisseurs et sur les produits importés des pays à faibles coûts salariaux, comme cela a été relevé par plusieurs intervenants. En fait, il y a surtout accord entre grands industriels et grande distribution.

Quel est alors l'intérêt de ce débat et de ce projet de loi ? Un seul des amendements déposés par notre groupe a été retenu par la commission. Le vrai débat est reporté, mais on ne sait ni à quelle date ni avec quels objectifs.

S'agissant des dispositions portant sur les fournisseurs de téléphonie et de produits en ligne ainsi que sur les services bancaires, il y avait sans doute bien mieux à faire et les mesures qui nous sont proposées auraient pu relever de dispositions réglementaires.

Le problème est l'absence d'une véritable politique des revenus pour garantir le pouvoir d'achat des ménages.

Nous devons nous demander quel type de société nous voulons en termes d'aménagement du territoire, de qualité sanitaire, de mode de vie : désirons-nous réellement travailler plus et faire du dimanche une journée de visite des rayons de la grande distribution pour des familles favorisées, qui, elles, conserveront une journée commune de rassemblement familial ?

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que je ne puisse que m'associer à la motion, déposée par Mme Odette Terrade, tendant à opposer la question préalable.

Ce texte intermédiaire relève plus d'une politique de communication que d'une politique de la consommation, qui aurait, elle, mérité une véritable loi d'orientation, comme l'a souligné notre collègue Bernard Dussaut.

Malgré le travail important et remarquable accompli par notre rapporteur, qui, pour la première fois, nous a associés aux auditions, je continue à penser que l'énergie qu'il a déployée relève plutôt de la méthode Coué pour s'auto-persuader du bien-fondé de ce texte, car je ne saurais sous-estimer ses capacités d'analyse et de lucidité !

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