S'il est bien un secteur d'activité où la « libre » concurrence harmonieuse n'existe pas, c'est bien celui de la fourniture d'eau et des services d'assainissement.
Depuis plusieurs années, les associations de consommateurs dénoncent les véritables rentes de situation que se sont constituées les quelques groupes intervenant dans ce secteur, aux dépens des collectivités territoriales et des usagers.
Nul ne l'ignore, deux groupes dominent, de manière écrasante, le marché de l'eau puisque, dans la France d'aujourd'hui, la distribution d'eau est un marché beaucoup plus qu'un service public.
Il s'agit, d'abord, de Veolia, ancienne Générale des Eaux, vénérable entreprise existant depuis cent cinquante ans, dont les profits réalisés sur l'eau et l'assainissement irriguent généreusement les nouveaux champs d'activité où elle a pu fructifier depuis quelques décennies.
Il s'agit, ensuite, du groupe Suez, ancienne Lyonnaise des Eaux, qui dispose, elle aussi, de positions particulièrement importantes sur les marchés de l'eau et de l'assainissement et qui vient de recevoir, avec la privatisation de Gaz de France, un soutien de poids dans le développement de ses stratégies futures.
De manière plus marginale subsiste également la Saur, filiale de Bouygues, dont on sent confusément, depuis quelque temps, qu'elle souhaite se recentrer sur son coeur de métier, à savoir le bâtiment pour ce qui est de la trésorerie, et l'audiovisuel pour ce qui concerne les profits.
Enfin, comme certains dans cette enceinte le savent, quelques collectivités territoriales continuent tout de même d'opter pour une gestion de leur service des eaux et de leur service d'assainissement par régie directe, en lieu et place de toute autre solution.
Sans surprise, le prix moyen des prestations servies aux usagers se révèle plus faible dans ces régies locales que dans l'ensemble des concessions et affermages constitués au profit -c'est vraiment le mot qui convient ! - des opérateurs privés du secteur.
Ces dernières années, les marchés de l'eau ont fait l'objet de nombreux contentieux juridiques, portant essentiellement sur la qualité des prestations assurées par les concessionnaires de service public, et ayant conduit, en maintes occasions, à la condamnation des pratiques des opérateurs.
C'est ainsi que les usagers du service public de l'eau de la commune de Castres, dans le Tarn, ont obtenu la condamnation et de la collectivité concédante et de la compagnie fermière pour facturation de sommes indûment récupérées auprès des usagers.
C'est pour les mêmes motifs que les Stéphanois ont pu obtenir une minoration sensible des tarifs de l'eau dans leur ville.
C'est sans doute aussi pour ces raisons que la Ville de Paris a décidé, en 2005, la reprise du service public de l'eau et qu'elle met aujourd'hui en débat, dans une procédure de démocratie participative, la mise en place d'un nouveau plan de service public en régie directe se fixant, entre autres objectifs : la maîtrise du prix de l'eau pour un service de l'eau de qualité et la garantie de l'accès à l'eau pour le plus grand nombre ; la qualité de service aux usagers - qualité sanitaire, comptage, facturation - ; la sauvegarde du service et de son patrimoine - captages, usines, réseaux, eau non potable, eau de secours, interconnexions - ; une organisation transparente assurant un contrôle public total.
Eu égard aux sommes en jeu, il nous semble nécessaire que toute concession de service public venant à terme soit soumise, dans les communes les plus importantes, à l'avis éclairé du Conseil de la concurrence quant à la qualité des prestations servies.
C'est aussi pour prévenir l'important contentieux juridique survenu ces dernières années sur ces problèmes qu'il nous semble décisif d'inscrire dans la loi la disposition que nous vous proposons.