Intervention de Odette Terrade

Réunion du 13 décembre 2007 à 15h00
Développement de la concurrence au service des consommateurs — Articles additionnels avant le titre ier

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

À l'occasion de la discussion de cette loi, dont les effets devraient se traduire par un renforcement du pouvoir d'achat, nous souhaitons alerter le Gouvernement sur le problème des coupures d'énergie infligées aux familles les plus démunies, premières victimes de la hausse vertigineuse des tarifs de l'énergie.

En effet, la libéralisation du secteur de l'énergie, cumulée avec la privatisation des entreprises historiques, a privé l'État des moyens de mettre en oeuvre une politique publique ambitieuse d'accès de tous à ce bien universel.

Laisser la gestion de ce secteur aux mains du privé conduit à faire prévaloir les intérêts des actionnaires sur la mission de service public.

L'objectif des actionnaires étant le retour sur investissement, cela se traduit dans les faits par une augmentation des tarifs de l'énergie.

La récente déclaration de M. le Président de la République organisant une ouverture un peu plus grande du capital d'EDF conforte cette stratégie de désengagement de l'État. Nous pouvons alors fortement craindre une nouvelle augmentation des tarifs, ce qui aurait pour conséquence immédiate d'accroître le nombre de coupures dues aux difficultés que rencontrent les ménages pour honorer leur facture. Nous ne pouvons le tolérer !

Sans compter la tentation grandissante de la part de l'État de se désengager du fonds solidarité énergie.

Au moment où les enjeux de développement durable apparaissent comme une exigence citoyenne, il existe une forte attente en faveur de l'énergie durable dans le cadre d'un service public modernisé et étendu.

Au xxie siècle, l'existence d'un service public de l'énergie moderne passe par la garantie pour tous de l'accès à l'énergie.

Pourtant, les dispositifs actuellement prévus par l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles restent limitatifs.

Concrètement, cet article, modifié par la loi portant engagement national pour le logement, ouvre à toute personne éprouvant des difficultés particulières le droit à une aide de la collectivité pour bénéficier de la fourniture d'eau, d'énergie et de service téléphonique.

Ainsi, en cas de non-paiement des factures, et jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande d'aide, cette disposition assure un service minimal de fourniture de ces services.

Mais ce n'est pas suffisant et cela justifie à nos yeux une nouvelle refonte de la législation.

De plus, la nouvelle politique d'entreprise d'EDF, sous la pression de ses actionnaires, laisse craindre un « défaussement » sur les collectivités territoriales des missions de service public qui lui sont confiées.

En effet, l'entreprise historique envoie par listing aux centres communaux d'action sociale les noms de centaines de mauvais payeurs, en exigeant un règlement rapide des situations. Ce sont donc aux communes qu'incombe, in fine, la responsabilité des coupures. C'est inacceptable !

L'électricité est pourtant un facteur essentiel de la cohésion nationale, en ce qu'elle garantit l'accès à la santé, à l'hygiène, à un confort décent, que toutes les personnes résidant sur notre territoire sont en droit d'attendre. Il s'agit là d'une mission d'intérêt général justifiant l'existence d'un service public national.

De plus, la fourniture d'électricité à un tarif acceptable participe du droit au logement posé à l'article 10 du préambule de la Constitution de 1946 et à l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

En outre, les coupures d'électricité contraignant à l'utilisation de moyens de remplacement, la bougie par exemple, conduisent à une augmentation des risques d'incendie.

Pourtant, EDF continue à couper l'électricité à 600 000 foyers par an, à refuser un contrat à ceux qui ne peuvent plus payer ou aux occupants sans droit ni titre.

Alors que des millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays et que plus du quart des ménages en difficultés sont endettés envers EDF et GDF, il est plus que jamais indispensable que l'État prenne ses responsabilités en inscrivant dans la loi le principe d'interdiction des coupures d'énergie, aux conditions mentionnées dans cet amendement, et le principe de la responsabilité des fournisseurs qui engagent sans consultation la procédure de coupure d'énergie.

Enfin, je mentionnerai également l'évolution de la jurisprudence sur les arrêtés « anticoupures ». En effet, celui qui a été pris par la ville de Champigny-sur-Marne en 2005 a été jugé légal par le tribunal administratif de Melun, le 16 mai dernier. Il serait donc opportun que le législateur s'inspire de cette décision courageuse et progressiste.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement.

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