Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 13 décembre 2007 à 15h00
Développement de la concurrence au service des consommateurs — Articles additionnels avant l'article 1er, amendement 82

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai en même temps l'amendement n° 82 et mon intervention vaudra également explication de vote.

Monsieur le secrétaire d'État, je vais vous rajeunir de quelques semaines, voire de quelques mois.

En effet, avec mon collègue Richard Yung et les membres du groupe socialiste, nous avions été les premiers, avec vous-même, monsieur le secrétaire d'État, quand vous étiez député, à placer la question du recours collectif dans le débat parlementaire en déposant quasi concomitamment, pour notre part le 25 avril 2006, une proposition de loi.

À l'occasion de la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 21 novembre dernier, vous avez déclaré : « Le secrétaire d'État Luc Chatel ne reniera pas les travaux du député Luc Chatel ! » et vous vous êtes engagé à présenter au Premier ministre des propositions concernant l'instauration d'une procédure de recours collectif en France « d'ici à la fin de l'année ».

Voilà peu, lors d'un débat qui nous réunissait, vous aviez considéré que ma proposition - j'avais relevé les mots que vous aviez alors employés - était « trop timorée ». Aujourd'hui, les responsabilités que vous assumez vous permettent d'agir ; si vous le faites à partir de nos deux amendements n° °81 et 82, vous gagnerez du temps. En soumettant à la Haute Assemblée ces deux amendements qui reprennent notre proposition d'alors, je vous permets en effet de gagner quinze jours, puisque nous sommes le 13 décembre et que la fin de l'année approche.

Pourquoi voulons-nous introduire dans le droit français une procédure de recours collectif ? Parce que celle-ci donnerait aux citoyens victimes de ces litiges qui empoisonnent la vie mais que l'isolement décourage d'agir la possibilité non seulement d'obtenir réparation, mais également de mettre fin à des pratiques abusives.

C'est en cela que cette réforme satisfait à la démocratie, à l'accès au droit et à la justice sociale. C'est une réforme raisonnable que nous vous proposons, qui tend à satisfaire l'intérêt général et non l'intérêt d'un groupe particulier : nous pensons qu'il faut donner davantage de droits aux consommateurs et aux citoyens, tout en prévenant les recours abusifs contre les entreprises.

La procédure que nous avons prévue au travers de nos deux amendements se décompose en deux phases.

Tout d'abord, l'une des dix-huit associations agréées, que vous connaissez bien, agissant pour le compte d'au moins deux consommateurs, saisit le tribunal de grande instance. Le juge doit se prononcer sur la recevabilité de la demande. C'est la « phase de contrôle », au cours de laquelle le juge vérifie l'existence du préjudice de masse et apprécie l'opportunité de l'ouverture de l'action. S'ouvre ensuite une période limitée d'un mois, au cours de laquelle la procédure est suspendue. L'entreprise incriminée peut alors déposer un recours en référé. L'association peut faire la publicité afin d'informer les victimes potentielles de l'ouverture de l'action et recueillir leur mandat : c'est « l'opt in », les victimes devant expressément faire savoir leur intention de rejoindre l'action.

Ensuite, dans la seconde phase, le juge détermine le montant des dommages que devra verser l'entreprise incriminée : il revient à l'association la charge de répartir les dommages et intérêts entre les différentes victimes.

Ainsi, nous avons choisi une voie qui répond à une préoccupation sociale et démocratique de rééquilibrage des relations commerciales entre les entreprises et les consommateurs tout en veillant - la précision est utile - à ne pas encombrer les tribunaux.

Quant au champ d'intervention du recours collectif, nous pouvons comprendre qu'il peut être plus limité que celui qui est réclamé par les associations. Nous reconnaissons par là qu'une concertation est nécessaire et laissons au domaine réglementaire ou - pourquoi pas ? - législatif le soin de définir le périmètre, soit en le limitant au droit de la consommation, soit en l'élargissant à l'environnement ou à la santé.

En conclusion, si ces propositions, qui sont le fruit d'un long travail du groupe socialiste au Sénat, ne sont pas adoptées aujourd'hui, au moins contribueront-elles à la réflexion collective qui vous intéresse, monsieur le secrétaire d'État

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