Intervention de Odette Terrade

Réunion du 13 décembre 2007 à 15h00
Développement de la concurrence au service des consommateurs — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Cet amendement traduit notre déception de ne pas voir inscrit à l'ordre du jour un projet de loi tendant à introduire dans notre droit français les actions de groupe.

Pourtant, cette demande est ancienne : les Français et les associations de défense des consommateurs les attendent depuis longtemps. Les actions de groupe sont plébiscitées, à plus de 80 % selon les sondages, par nos concitoyens.

Le précédent gouvernement semblait y être favorable, tout autant que vous, monsieur le secrétaire d'État, lorsque vous étiez député : le projet de loi Breton avait d'ailleurs ébauché une action de groupe, bien en retrait - il faut l'admettre - par rapport à ce que nous proposons aujourd'hui. Ce projet de loi, retiré in extremis, ne fut finalement pas examiné lors de la précédente législature. Les opposants à ces actions de groupe, à commencer par le MEDEF, furent en effet bien persuasifs.

Mais, contre toute attente, le Président de la République a demandé, en juillet dernier, au Gouvernement d'instaurer une action de groupe « à la française ». Serait-ce encore une promesse non tenue ? Toujours est-il que votre projet de loi reste muet sur ce sujet.

Pourquoi, alors que tout le monde semble d'accord pour introduire l'action de groupe, attendre plus longtemps ? Profitant de ce projet de loi, mes collègues du groupe CRC et moi-même avons déposé le présent amendement visant précisément à sauter le pas en matière d'action de groupe.

Néanmoins, nous avons fait le choix d'une véritable action de groupe, qui va bien plus loin que celle qui fut envisagée l'année dernière par le précédent gouvernement. Il est urgent d'agir : l'augmentation des litiges, qu'ils concernent les ententes entre les opérateurs de téléphonie mobile, l'affaire Noos, ou encore les jouets défectueux, exige que nous donnions aux victimes de ces contentieux les moyens d'action à la hauteur de l'enjeu.

Aujourd'hui, les victimes hésitent à saisir les tribunaux. En effet, le coût d'une action individuelle dépasse bien souvent le montant du préjudice subi. Mais si de nombreuses personnes sont victimes du même préjudice, le montant du préjudice commis par le professionnel peut parfois s'élever à plusieurs millions d'euros. Or ce professionnel ne risquera rien, car personne ne saisira à titre individuel la juridiction compétente.

On en arrive à une situation paradoxale et préjudiciable pour les consommateurs : de telles dérives amènent en effet les acteurs économiques à intégrer dans leur pratique que la transgression du droit des consommateurs est moins onéreuse que son respect. Un inévitable sentiment d'impunité s'installe chez nos concitoyens, ce qui n'est pas acceptable.

C'est pourquoi nous proposons de créer une véritable action de groupe pour tous les justiciables. En effet, nous prévoyons qu'un groupe de justiciables pourra saisir la justice en une seule procédure afin de réparer l'ensemble des préjudices subis. Nous espérons qu'une telle action collective aura un effet dissuasif sur une personne physique ou morale, afin que celle-ci n'ait plus le sentiment de pouvoir agir comme bon lui semble et ne puisse plus recourir à des pratiques abusives ou illicites au détriment des consommateurs.

L'action de groupe que nous préconisons est donc ambitieuse, et nous nous sommes efforcés de corriger les dérives constatées à partir des actions de groupe exercées à l'étranger.

La saisine serait élargie : l'action de groupe pourra être engagée sur l'initiative des personnes tant physiques que morales, notamment les associations dont l'objet statutaire porte sur le domaine dans lequel s'inscrit la procédure.

Il n'y aurait pas de filtre associatif, et le champ d'application de l'action de groupe s'étendrait des préjudices liés à une activité commerciale aux activités de l'administration.

L'action doit pouvoir être engagée par toute personne qui agira alors comme représentant du groupe dans son ensemble. Le groupe représenté est constitué de personnes qui n'ont pas à être précisément identifiables en raison du préjudice commun qu'elles ont subi.

Sont considérées comme membres du groupe bénéficiant des effets du jugement toutes les personnes qui répondent aux caractéristiques communes et qui n'ont pas exprimé la volonté d'être exclues du groupe. Le juge apprécie la validité de l'action et contrôle les éléments de définition du groupe. Les questions de droit et de fait doivent être similaires pour l'ensemble des victimes.

Pour être vraiment efficace, l'action de groupe doit également pouvoir être intentée quel que soit le domaine, et ce tant dans l'ordre judiciaire que dans l'ordre administratif. Dans nombre de pays, le champ d'application de l'action de groupe ne se cantonne pas au droit de la consommation. Notre objectif est donc de favoriser l'accès des citoyens à la justice quelle que soit la question posée.

Enfin, l'action de groupe doit permettre l'inclusion de l'ensemble des personnes lésées sans que celles-ci aient à manifester expressément leur volonté. Pour autant, respectueuse du principe constitutionnel de la liberté d'ester en justice, notre proposition, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aménage la possibilité pour toute personne de s'exclure à tout moment de la procédure.

Mes chers collègues, nous vous donnons donc aujourd'hui l'occasion de concrétiser un souhait partagé par tous, à commencer par vous-même monsieur le secrétaire d'État : introduire dans notre droit une action de groupe ambitieuse et efficace.

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