Lors de l'examen, en juin 2005, du projet de loi en faveur des PME, le débat dans notre Haute Assemblée avait permis de moraliser la pratique des enchères inversées en les réglementant.
Leur utilisation a été proscrite pour les produits agricoles visés au premier alinéa de l'article L. 441-2-1 du code du commerce ainsi que pour les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits. Étaient ainsi visés les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses et les produits de la pêche et de l'aquaculture.
Nous étions à l'époque satisfaits de cette prise de conscience des dangers de ces pratiques lorsqu'elles concernent les produits périssables. Nous avions déposé un amendement en ce sens.
Cependant, le décret censé définir les produits concernés s'est révélé extrêmement limitatif, puisque, au final, seuls les fruits et légumes destinés à être vendus à l'état frais au consommateur ainsi que les pommes de terre de conservation ont été retenus.
Pour remédier à cette lacune, l'article 3 ter nouveau, introduit par un amendement déposé à l'Assemblée nationale par le rapporteur, M. Raison, vise à rattacher l'interdiction des enchères inversées à un nouveau décret prévu à l'article L. 442-10.
Si nous partageons l'objectif d'élargir le champ d'interdiction des enchères inversées, nous sommes, en revanche, particulièrement dubitatifs sur l'intérêt de déclasser la mention des produits concernés du domaine législatif au domaine réglementaire.
Par ailleurs, le Gouvernement, qui a pourtant émis un avis favorable sur cet amendement, s'est trouvé dans l'incapacité de donner des précisions sur le contenu de ce nouveau décret.
Je me permets donc de vous solliciter une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d'État, sur cette question.
De plus, nous estimons que la pratique des enchères inversées est condamnable, et ce quels que soient les produits concernés.
En effet, ce procédé concourt à la mise en oeuvre d'un dumping social généralisé.
Ainsi, ces pratiques constituent pour les distributeurs une formidable opportunité de se fournir à moindre coût puisque le principe est celui du moins-disant, sans aucun autre critère de choix, qualitatifs ou éthiques, entre les différents fournisseurs.
Les enchères inversées suscitent pourtant des inquiétudes chez les fournisseurs - celles-ci sont d'ailleurs partagées par les consommateurs - sur l'inévitable baisse de la qualité du produit.
Si ces pratiques se généralisent, cela consacre la baisse des revenus des fournisseurs, a fortiori des PME, qui n'ont pas les moyens matériels et financiers de faire face à une concurrence aussi rude.
Il s'agit, une nouvelle fois, d'un nivellement par le bas dont l'aboutissement est la remise en cause directe de la définition du seuil de revente à perte.
Ainsi, ces pratiques font peser un risque important sur la survie même des PME.
De plus, contrairement à la négociation classique, le procédé de l'enchère électronique inversée empêche de négocier une contrepartie au faible montant des prix concédés.
Les sénateurs du groupe CRC émettent, en outre, de sérieux doutes sur les conséquences de ces pratiques en termes de droit du travail.
Si les prix des fournisseurs baissent, il leur faudra évidemment compenser ce manque à gagner. Or, nous en avons l'habitude, ce sont les salariés qui en font les frais par la déréglementation du travail.
La généralisation de ces pratiques fait alors craindre une nouvelle fois une réduction des garanties sociales.
Ainsi, on pourrait très bien imaginer que la pratique des enchères inversées s'étende aux embauches, comme c'est déjà le cas en Allemagne. Serait engagé celui qui concéderait le plus sur son salaire, sur son temps de travail, sur ses droits sociaux.
La mise en concurrence comme modèle pour toutes les relations humaines ne nous satisfait pas, car elle porte en elle les conditions de tous les reculs économiques et sociaux pour l'ensemble des salariés.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposent aux enchères inversées et vous proposent leur interdiction pure et simple.