Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 18 septembre 2007 à 16h00
Nationalité des équipages de navires — Adoption d'un projet de loi

Dominique Bussereau, secrétaire d'État :

Cependant, monsieur le rapporteur, vous devinez aisément les difficultés juridiques et financières que cela peut soulever.

Enfin, et je m'adresse particulièrement aux sénateurs du littoral, nous souhaitons moderniser le dispositif d'enseignement maritime, pour disposer d'une bonne filière maritime française de formation au service de nos entreprises.

Nous organiserons le plus vite possible, avant la fin de l'année, une table ronde sur l'emploi et la formation afin d'aborder les trois points suivants : optimiser notre réseau d'enseignement maritime, pour redonner de la cohérence à ce réseau d'écoles qui se sont créées au fil des années ; adapter nos contenus de formation ; enfin, renforcer l'attractivité des métiers de la mer, qui, comme chacun le sait, sont très difficiles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, toutes ces mesures démontrent l'attachement du Gouvernement à ce secteur et notre volonté de mettre en place les conditions de son développement. En outre, conformément aux souhaits exprimés à Roissy et à Marseille par le Président de la République, le Gouvernement mène un travail de réflexion sur la nécessaire modernisation de nos ports. Il importe en effet de faire en sorte qu'eux aussi reprennent, au même titre que notre flotte, la place qui devrait être la leur au niveau européen et que nous avons perdue en raison notamment d'insuffisances constatées dans le domaine de l'accueil et de l'expédition des conteneurs.

J'en viens maintenant au texte du projet de loi, relativement court, que vous examinez aujourd'hui.

Je voudrais tout d'abord souligner les risques que nous prendrions à ne rien faire, c'est-à-dire à maintenir la position que nous avons tenue, coûte que coûte et vaille que vaille, depuis près de cinq ans.

En premier lieu, nous risquons de perdre un contentieux engagé devant la Cour de justice des Communautés européennes et d'être de nouveau condamnés. En tant que ministre de l'agriculture, j'ai moi-même vécu durement les problèmes que peuvent poser à la France de telles condamnations, lourdes de conséquences, en particulier sur le plan financier. Nous avons ainsi connu cette situation dans le domaine de la pêche et avons failli la connaître à propos des nitrates.

En second lieu, nous prenons le risque, qui me paraît encore plus important, de ne pas voir validé l'ensemble de nos soutiens financiers aux armements, c'est-à-dire les exonérations de charges et le dispositif fiscal que je vous ai rappelés à l'instant, lorsque l'on sait que la Commission européenne lie son éventuelle autorisation à la mise à jour et, donc, à la modification de notre législation sur la nationalité du capitaine.

Après cinq années de discussions avec la Commission, après avoir examiné tous les risques de condamnation possibles, nous avons jugé plus sage de proposer au Parlement, et d'abord à la Haute Assemblée, une modification de notre législation.

Celle-ci, je le rappelle, réserve aux seuls ressortissants français l'exercice des fonctions de capitaine et de l'officier chargé de sa suppléance, en raison même des prérogatives de puissance publique dont l'un et l'autre sont investis. Cette clause n'avait pas soulevé de difficultés particulières jusqu'au prononcé en 2003 de deux arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE.

Dans ces arrêts, qui concernaient respectivement les fonctions de capitaine et de second de la marine marchande espagnole et d'un capitaine de navire de pêche allemand, la Cour a précisé qu'il ne suffisait pas que ces capitaines soient investis de telles prérogatives, mais qu'il fallait qu'ils les exercent de manière habituelle. Or, ces prérogatives de puissance publique ne sont exercées, fort heureusement, que de manière très exceptionnelle.

Du côté des juridictions françaises, la Cour de cassation, dans un arrêt de 2004, a jugé contraire au droit européen l'exigence de la présence d'un capitaine de nationalité française à bord d'un navire de pêche français.

Hélas ! aucun des arguments que nous avons développés n'a pu convaincre la Commission européenne. Nous avons pourtant argué de la sécurité des navires, de l'isolement des navires en haute mer hors d'atteinte des autorités publiques, des exigences nouvelles en matière de sécurité prévues par le code international pour la sécurité des navires et des installations portuaires, le fameux code ISPS, d'autant plus que rien dans cette nouvelle législation internationale ne précise que seuls les nationaux peuvent se voir investis de ces prérogatives.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi prend donc acte des réalités et, en vous le soumettant, nous ne nous contentons pas de faire semblant de les regarder en face.

Dans le chapitre Ier, il ouvre les fonctions de capitaine et de suppléant à tout ressortissant communautaire, que le navire soit immatriculé au premier registre national ou au registre international français, que je viens d'évoquer.

Dans l'un et l'autre cas, ces officiers devront naturellement être titulaires des qualifications professionnelles nécessaires, c'est-à-dire des brevets conformes à la convention de l'OMI, l'Organisation maritime internationale, sur les normes de formation et de veille. Vous connaissez d'ailleurs l'importance de ces problèmes de veille dans nombre d'accidents de mer.

Ces officiers devront également démontrer leur connaissance de la réglementation française à propos des prérogatives du capitaine. Ce test de connaissance se fera en français, ce qui permettra en même temps de vérifier leur degré de maîtrise de notre langue.

Dans le chapitre II, il est pris acte des conséquences juridiques de l'ouverture de telles fonctions à des ressortissants communautaires. En effet, les actes de police, comme l'usage de la contrainte physique, que peut être conduit à prendre un capitaine ne peuvent être exécutés que par une autorité publique ou sous son contrôle.

Ainsi, il est désormais prévu que les prérogatives du capitaine en matière pénale s'exercent sous le contrôle du procureur de la République. En ce sens, j'attire votre attention sur un point : il s'agit d'une modernisation des règles permettant l'exercice des responsabilités du capitaine, dans un cadre juridique plus sécurisé et plus protecteur, puisque la législation en vigueur remonte à la loi du 17 décembre 1926 modifiée, portant code disciplinaire et pénal de la marine marchande, législation que nous allons devoir rapidement refondre au vu de l'évolution de la situation.

À cet égard, dans un climat de judiciarisation et de pénalisation croissantes de la société, l'assistance du parquet est un appui et une garantie, et contribue à légitimer les décisions du capitaine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en modifiant sa législation, la France s'aligne sur la quasi-totalité des États européens, dont les législations ne prévoient plus cette clause de nationalité.

L'adoption de ce texte par le Parlement nous aidera à trouver une issue favorable au contentieux en cours, à savoir l'abandon des poursuites engagées contre la France et une réponse positive à nos demandes de soutien financier aux armements.

J'ajouterai deux points, qui ne sont pas négligeables.

Premièrement, en cas de crise ou de conflit majeur, le ministère de la défense conserve en tout état de cause le pouvoir d'habiliter ou non le capitaine à recevoir des documents classifiés.

Deuxièmement, eu égard à la réalité vécue sur le terrain, cette modification de notre législation n'entraînera pas une arrivée massive et soudaine de capitaines étrangers. D'abord, parce qu'il leur faudra faire la preuve de leur connaissance de la langue et du droit français. Ensuite, vous le savez bien, parce qu'il y a malheureusement une pénurie actuelle d'officiers, qui touche non pas seulement la France, mais également l'Europe et le monde entier. Enfin, parce que je ne doute pas que nos armateurs sont eux aussi très attachés à la qualité de la formation de nos marins.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de mon propos, après avoir salué M. Henri de Richemont, je voudrais maintenant rendre hommage à M. Charles Revet, rapporteur de ce projet de loi, qui s'est efforcé de concilier l'inconciliable et d'améliorer encore ce projet de loi.

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