Intervention de Charles Josselin

Réunion du 18 septembre 2007 à 16h00
Nationalité des équipages de navires — Adoption d'un projet de loi

Photo de Charles JosselinCharles Josselin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la relation à l'espace et au temps est à la confluence de toute action politique.

S'agissant de politique maritime, et singulièrement du sujet qui nous réunit en cet instant, à savoir la nationalité des équipages de navires, ce lien est particulièrement avéré.

En ce qui concerne l'espace maritime, les quatre cinquièmes de la surface du globe sont parcourus librement pour l'essentiel, les eaux internationales étant seulement bordées par des eaux territoriales sous souveraineté nationale. Voilà pour l'espace.

Le temps, c'est celui du déclin de la flotte marchande française commencé depuis un demi-siècle et qui a vu notre pays régresser - M. le rapporteur le rappelait à l'instant - du quatrième au vingt-neuvième rang mondial.

Deux événements majeurs y ont certainement contribué : d'une part, la fin de notre empire colonial, qui a profondément modifié la relation de la France au reste du monde et, d'autre part, l'invention des pavillons de complaisance bâtie sur l'inégalité du monde et que le capitalisme maritime a exploité sans vergogne, faisant le lit des protections sociales durement gagnées par le mouvement syndical des marins.

Il restait aux pays occidentaux à tenter de sauver les meubles par le recours aux pavillons bis. Or ceux-ci n'ont empêché ni la régression sociale ni le recul de l'emploi des équipages nationaux.

Plus que tout autre secteur, avant les autres, l'activité maritime a été balayée par le grand vent de la mondialisation. Un bateau est en effet, par nature, délocalisable ; il va là où le commerce l'entraîne, et l'on sait le poids de l'Asie dans l'explosion du commerce maritime.

Le porte-containeurs, filiale flottante des multinationales, peut naviguer toute une vie sans toucher une seule fois son port d'attache théorique.

Le concept même de port d'attache a-t-il encore une signification ?

Au lien avec l'armateur se substitue peu à peu l'embauche à temps partiel par une société de services, le capitaine par intérim allant à l'autre bout du monde prendre livraison d'un nouveau navire - qui n'est pas toujours neuf - et découvrant un équipage philippin ou maltais avec lequel il va devoir affronter les événements de mer en endossant la formidable responsabilité non seulement de la sécurité de ses hommes, de celle de sa cargaison dont le contenu lui échappe parfois, mais aussi et surtout - je suis d'accord sur ce point avec ce que disait à l'instant notre collègue Henri de Richemont - de la sécurité des côtes que le navire va frôler. Les Bretons le savent mieux que d'autres qui ont dû payer cher le prix d'une longue série de catastrophes venues souiller durablement leurs rivages !

Du point de vue de la sécurité, je ne voudrais pas incriminer systématiquement tous les pavillons de complaisance. En effet, il est des sociétés de classification - pas toutes, hélas ! - qui font convenablement leur travail. Cela étant dit, on ne peut mettre au débit des seules coïncidences le fait que presque tous les navires fracassés au cours des dernières années sur les récifs du Finistère ou des Côtes-d'Armor aient battu pavillon de complaisance avec des équipages le plus souvent hétéroclites dont la formation était incertaine et les moyens de communiquer approximatifs, sans oublier la difficulté rencontrée par certains pour lire les notices apposées sur les pièces du navire par le constructeur...

Nous soutiendrons bien évidemment les dispositions du présent projet de loi relatives à la maîtrise de la langue française à bord des navires immatriculés au RIF ainsi que les amendements destinés à les renforcer.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la relation à l'espace, c'est aussi, en l'espèce, la relation à l'Europe.

À cet égard, je dois à la mémoire de Pierre-Yvon Trémel, que je remplace sur les travées de la Haute Assemblée depuis son décès survenu en juin 2006 et qui était le porte-parole du groupe socialiste lors du débat d'avril 2005, comme je dois à la cohérence politique à laquelle est attaché le groupe socialiste de rappeler ce que le sénateur des Côtes-d'Armor disait alors : « Nous estimons qu'il faut s'orienter vers un registre européen ».

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