Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat a déjà débattu le 14 avril 2005 de ce problème, que l'on pourrait intituler : « le déclin du pavillon national et la disparition programmée de la marine marchande française ».
Je voudrais replacer la proposition de loi adoptée en 2005 dans son contexte politique. En réalité, pour éviter la baisse constante du nombre des navires portant pavillon français et pour s'adapter à la concurrence, la proposition de loi relative à la création du RIF tendait à abaisser les contraintes sociales et juridiques.
C'était en partie la victoire du laisser-faire, l'acceptation du non-droit en matière maritime, l'alignement sur les conditions des pavillons de complaisance, soit le dumping social, fiscal et environnemental ainsi que la réduction de la sécurité maritime !
Dans ce texte, le seul garde-fou, défendu à l'époque par M. de Richemont, était la garantie d'un commandement français. Monsieur de Richemont, vous devez vous sentir floué aujourd'hui, et je comprends votre colère, car cet unique garde-fou, nous allons le supprimer !
Aujourd'hui, plus de 80 % des navires sont armés « à la complaisance », dans l'un des quarante « États complaisants ». Un chiffre révèle la nature de ce phénomène : 70 % des navires sous pavillon de complaisance se trouvent en mauvais état et continuent pourtant de faire du commerce dans les ports européens.
Historiquement mis en place pour contourner la pression des syndicats de marins américains après la Seconde Guerre mondiale, les pavillons de complaisance sont devenus aujourd'hui un phénomène mondial.
Les marées noires de l'Erika, un pétrolier qui était la propriété d'une société-écran, coquille vide enregistrée à Malte, qui se trouvait affrété par une société helvético-panaméenne et qui transportait une marchandise appartenant à une filiale de Total aux Bermudes, ainsi que du Prestige, un navire libérien battant pavillon des Bahamas, s'expliquent en grande partie par ces failles de la réglementation.
Tout récemment encore, l'actualité nous a rappelé ce problème, à l'occasion du décès du marin Bernard Jobard, dont le navire a été percuté par le cargo Ocean Jasper, immatriculé dans les îles Kiribati.
Nicolas Sarkozy, Président de la République, a certes eu le sens du symbole, en assistant aux funérailles du marin-pêcheur. Toutefois, au-delà de la compassion, il serait urgent de saisir nos partenaires européens de ce problème afin qu'un tel drame ne se reproduise pas. En effet, au sein même de l'Union européenne, certains États, en particulier Malte et Chypre, ont décidé de brader leur souveraineté pour attirer des capitaux et développer leur commerce.
À cet égard, des premières vacances passées sur un yacht au large de Malte ne constituent pas un symbole très encourageant, surtout quand on sait que ce navire était prêté par M. Vincent Bolloré, qui, en tant qu'armateur, immatricule ses bateaux aux Bahamas !