Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 2 juillet 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Article 6

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les délais de paiement excessivement longs constituent assurément l’une des singularités de l’économie française.

C’est sans doute, d'une part, le résultat d’un capitalisme sans capitaux, où l’on s’efforce de faire fonctionner les entreprises sans fonds propres, d'autre part, l’héritage d’un passé désormais lointain, mais qui continue de peser sur les comportements des entreprises, à savoir un blocage des prix qui a duré quarante ans. Il est clair que, pendant cette période, les négociations ne pouvant se faire sur les prix, elles portaient sur d’autres conditions commerciales, dont les délais de paiement ; les uns et les autres ont accepté qu’ils soient extrêmement longs afin de suppléer à la liberté de fixation des prix commerciaux.

Mes chers collègues, mon intervention a pour objet d’attirer votre attention sur la gravité de la décision que nous aurons à prendre ; mais je suis certain que vous en êtes déjà convaincus.

Notre objectif à long terme, mais aussi à plus brève échéance, est naturellement de réduire les délais de paiement. D'ailleurs, une directive européenne non contraignante nous y invite. Il serait singulier, au moment où la France prend la présidence de l’Union européenne, que le législateur se place hors du cadre européen préconisant des délais de trente jours !

Toutefois, les sommes en cause sont d’une telle ampleur – M. Odette Terrade a évoqué avec raison un montant de 600 milliards d'euros pour les crédits interentreprises – qu’elles ne peuvent être déplacées avec légèreté.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez attiré l’attention de nos collègues députés, dont certains souhaitaient passer à des délais de paiement de trente jours, sur l’impossibilité d’une telle mesure. Nous devons, en effet, trouver le juste chemin entre deux préoccupations.

D'une part, le législateur doit émettre un signal fort en faveur de l’assainissement du capitalisme et des relations interentreprises, afin que l’habitude soit prise de payer plus vite. Dans cette perspective, votre proposition, monsieur le secrétaire d'État, de faire passer les délais de paiement à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires est tout à fait acceptable.

D'autre part, il nous faut tenir compte des réalités : un certain nombre de comportements sont parfaitement justifiables, et je me garderai bien de porter sur eux des jugements ou de prononcer des condamnations. Du fait de la mondialisation de l’économie et de la singularité de certains métiers, nombre d’acteurs et de distributeurs se retrouvent dans une situation difficile. La rotation des stocks n’est pas la même d’une profession à une autre, et le législateur a, par exemple, pris des positions très précises pour les produits périssables.

En tant qu’ancien ministre de l’industrie et en qualité d’élu d’une région industrielle – je ne suis pas le seul ici ! –, je souhaite vivement que, dans les relations interindustrielles, nous parvenions à un accord équilibré tel qu’il nous permettrait de rapprocher les comportements français de ceux qui ont cours dans les autres pays européens.

Ce qui est proposé, c’est de réduire les délais, c’est de tenir compte des réalités, c’est de privilégier les PME. On ne peut contester aucun de ces objectifs. Encore faut-il savoir exactement de quoi il s’agit.

Nous souhaitons tous favoriser les PME, et M. le président de la commission spéciale a justement proposé un amendement visant à élargir la classification des entreprises. Comme vous, monsieur le secrétaire d’État, Gérard Larcher souhaite voir émerger en France des « grandes moyennes entreprises », telles celles qui font la force du système allemand, et qui nous manquent cruellement, qui emploient plus de 250 salariés et réalisent un chiffre d’affaires dépassant largement les 300 millions d’euros.

Certaines de nos grandes entreprises donneuses d’ordre se trouvent dans une situation de concurrence absolue : je pense à Renault et à PSA, qui sont des leaders européens et sont présents sur le marché mondial. Un déplacement de trésorerie leur poserait assurément des difficultés ; cela n’interdit pas d’envisager un raccourcissement des délais de paiement, mais cela implique de leur ménager du temps.

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