Intervention de Hervé Novelli

Réunion du 2 juillet 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Article 6

Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, si j’ai sollicité d’emblée la parole, c’est pour essayer de cadrer au mieux notre débat.

Le Gouvernement privilégie une solution équilibrée qui réglerait néanmoins pour l’essentiel le problème que constitue, pour notre économie, la fâcheuse habitude de pratiquer des délais de paiement anormalement longs. Cette volonté d’équilibre est d’ailleurs largement partagée sur toutes les travées de cette assemblée.

Le Président de la République – et je vous remercie, monsieur Raoul, de l’avoir cité abondamment – a effectivement demandé au Gouvernement d’agir.

Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai immédiatement réuni l’Observatoire des délais de paiement, auquel vous avez également fait allusion. Dans sa dernière production, son président, Jean-Paul Betbèze, identifie bien le problème principal : la moyenne française des délais de paiement est plus élevée que la moyenne européenne. Il y a certes d’importantes disparités, que le dispositif gouvernemental s’efforce d’ailleurs de prendre en compte, mais la moyenne française est de soixante-sept jours. Sans parler de l’Allemagne, où cette moyenne est de quarante-sept jours – vingt jours de moins que nous : imaginez ce que cela représente en termes de trésorerie ! –, la moyenne européenne est de cinquante-sept jours, soit dix jours de moins.

L’Assemblée nationale a accompli son travail, la nécessité de réduire les délais de paiement dans notre pays y ayant fait l’objet, comme au Sénat, d’un assez large consensus.

L’intervention du législateur me semble justifiée dans son principe. Certes, le contrat est souvent préférable à la loi dans la vie économique, car les acteurs économiques sont mieux placés que le législateur pour apprécier la réalité. La mise en place des 35 heures l’a d’ailleurs bien montré : si nous avions contractualisé au lieu de légiférer, nous n’en serions pas là ! §Mais, dans le domaine des délais de paiement, force est de reconnaître que la contractualisation souffre de beaucoup d’imperfections. Par exemple, dans le secteur des transports, c’est la législation qui a permis une baisse effective des délais de paiement.

Si l’intervention du législateur fait consensus, en revanche l’ampleur de la réforme ainsi que son rythme suscitent encore le débat.

Le principe de base du projet de loi qui vous est proposé est simple : plafonnement généralisé des délais de règlement à soixante jours dans un premier temps et, parallèlement, négociations interprofessionnelles pour tenter à l’avenir de faire mieux, c'est-à-dire de descendre en dessous de soixante jours.

À partir de là, faut-il aller plus vite et plus loin, comme certains parlementaires le proposent, ou, au contraire, plus lentement et plus prudemment, comme d’autres le souhaitent, en particulier le président de la commission spéciale, qui propose d’autoriser jusqu’en 2015, sous conditions, les dérogations sectorielles ?

Le Gouvernement était conscient que les secteurs qui ont fondé leur modèle économique sur le crédit commercial auraient des difficultés à s’adapter rapidement à la nouvelle règle. C’est pourquoi un mécanisme dérogatoire a finalement été prévu. Celui-ci se fonde sur des justifications économiques précises. De plus, il est temporaire et strictement encadré : il repose en effet sur une procédure réglementaire qui implique le Conseil de la concurrence, afin de vérifier que la dérogation sollicitée ne nuit pas au jeu concurrentiel.

Il ne s’agit donc pas de renvoyer aux calendes grecques l’indispensable réduction des délais de paiement dans notre pays. Dans tous les cas, il est fondamental que les dérogations restent l’exception et conservent un horizon temporel limité ; il y va de la crédibilité même de la loi.

Au total, le projet qui vous est présenté est, je le crois, équilibré : il est d’application générale ; il prévoit la possibilité de dérogations limitées et temporaires ; enfin, il laisse trois ans aux entreprises pour s’adapter aux nouvelles conditions de règlement. En outre, je suis convaincu qu’il devrait commencer à porter ses fruits dès l’année prochaine.

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