L’effort du Gouvernement pour adapter la loi à l’usage qui a cours, notamment, dans un certain nombre de pays européens est certes louable. Mais, pour ma part, je suis extrêmement gêné par les effets pervers induits par l’article 6. Je crains, en l’occurrence, que le remède ne soit bien plus nocif que le mal.
Chaque entreprise est un cas particulier. Or avec un tel dispositif, vous affaiblissez les entreprises nationales ou européennes par rapport aux entreprises étrangères qui, elles, continueront à accorder des délais de paiement très longs et seront donc plus compétitives que nos fournisseurs nationaux.
Par ailleurs, le délai de paiement est, au-delà de la loi, l’un des éléments constitutifs de la relation commerciale : d’abord, il faut fournir un service ou un produit, ensuite définir un prix, puis décider des modalités de paiement. Dans de nombreuses transactions commerciales, il est ainsi d’usage de payer un acompte à la commande.
Est-ce vraiment le rôle du législateur de se battre sur la durée des délais de paiement, alors qu’il suffit au fournisseur de ne plus demander à son client 30 % d’acompte, mais 25 % ou 20 % ? Est-ce son rôle de réglementer, pour chaque secteur, la relation commerciale ? Ne faudrait-il pas plutôt accorder davantage de liberté au chef d’entreprise ?
Conscient des particularités que présent tel ou tel secteur, monsieur le secrétaire d’État, vous vous efforcez d’atténuer les rigueurs d’une règle unique en prévoyant des dérogations. Mais la vraie dérogation, c’est la vie même de chaque entreprise ! Toutes les entreprises n’ont pas besoin de délais de paiement au même moment !
L’un de mes collègues a évoqué le cas des jeunes entreprises. Il se trouve qu’il m’est arrivé d’en créer. Heureusement que j’avais obtenu des délais de paiement de la part de mes fournisseurs ! En effet, après avoir payé l’équipement, le local et les premiers frais, on est bien content de se voir accorder de tels délais ! Et les fournisseurs ne vous les accordent que s’ils ont confiance dans votre projet.
Or, avec ce texte, vous prétendez imposer une règle qui s’appliquera pour tous les fournisseurs français. Mais les fournisseurs étrangers, dans les secteurs de l’ameublement, du jouet, du vêtement ou du textile, en Italie ou en Chine, pourront, eux, continuer à se faire payer avec des délais sensiblement plus longs, ce qui contribuera à rendre les prix de leurs produits plus attractifs !
Bien sûr, vous prévoyez des dérogations, mais les problèmes de paiement apparaissent lorsqu’une entreprise est en difficulté. Pouvez-vous vraiment prévoir, pour tel ou tel secteur, un régime dérogatoire afin de sauver telle ou telle entreprise ? Non ! Ce n’est que lorsque se présenteront les difficultés que le fournisseur pourra prouver sa foi dans le projet de l’entreprise en consentant des délais plus longs. Dans le cas contraire, il cessera de livrer la marchandise et l’entreprise déposera le bilan !
Le régime dérogatoire que vous tentez de mettre en place par la voie législative ne s’appliquera donc pas nécessairement à telle entreprise connaissant, à un moment donné, des difficultés, et cela ne laisse pas de m’inquiéter.
C’est pour cette raison que je suis partisan des régimes dérogatoires d’une manière générale et que je propose cet amendement tendant à prévoir une dérogation pour les secteurs saisonniers, et notamment les industries ou les activités qui réalisent 50 % de leur chiffre d’affaires en l’espace de trois mois.
Certains secteurs d’activité fonctionnent à plein durant les fêtes de fin d’année et réalisent 40 % de leur chiffre d’affaires en quatre semaines. Si ce n’est pas le cas et que les sociétés en question n’ont pas atteint leurs objectifs, il leur faut obtenir un délai de paiement afin de pouvoir patienter jusqu’au prochain évènement commercial, la fête des mères ou la fête des pères, par exemple. Il en va de même pour certaines activités qui sont fortement liées aux saisons touristiques.
Je considère, comme Mme Goulet, qu’il n’appartient pas au législateur de traiter de tous ces cas particuliers, d’autant qu’il ne s’agit ici que de l’un des éléments de la relation commerciale, et non d’une approche globale de cette dernière. Ce que nous faisons est dangereux, et je mets en garde un certain nombre de mes collègues.
On peut défendre les PME en recourant à des arguments qui vont exactement dans le sens contraire. J’ai participé à des franchises. Dans la franchise, les délais de paiement sont extrêmement longs, de même que dans la jeune entreprise, si le projet de cette dernière inspire confiance.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai déposé ces deux amendements, l’amendement n° 160 étant de portée plus générale puisqu’il vise à libérer totalement l’entrepreneur en ne le contraignant pas par une législation qui me semble peu convenir à une activité commerciale.