Cet amendement soulève au moins trois difficultés.
Tout d’abord, à quoi bon négocier si la loi permet d’obtenir un accord sans négociation ? En ouvrant la possibilité d’un dépassement du délai prévu directement validé par le Gouvernement, sans qu’il soit nécessaire d’en passer par des accords interprofessionnels, la commission spéciale diminue considérablement la portée de l’incitation à négocier donnée aux professionnels. En effet, le ministre chargé de l’économie serait alors en mesure de trancher directement la question sans passer par la négociation.
Par ailleurs, il est proposé d’instituer une différenciation entre les entreprises selon que leur chiffre d’affaires est inférieur ou supérieur à 300 millions d’euros. Mais qu’est-ce qui justifie un tel montant ? Certes, il semble suffisamment élevé pour permettre d’inclure une partie des entreprises moyennes. Mais il n’en reste pas moins que cette disposition va créer un effet de seuil, lequel se traduira immanquablement par des distorsions sur les délais de paiement. Or ces derniers sont l’un des principaux éléments du « guidage économique » des entreprises.
Enfin et surtout, le Gouvernement ne peut pas accepter la possibilité d’une dérogation jusqu’en 2015. Il a lui-même proposé un dispositif qui me semble équilibré, en laissant aux opérateurs économiques un délai d’adaptation. Ce dernier doit rester raisonnable au moment même où la directive européenne sur les délais de paiement, évoquée notamment par M. Émin, va être modifiée.
Il y a quelques jours, le commissaire européen chargé des entreprises et de l’industrie, M. Verheugen, a en effet annoncé, dans le cadre des dispositions sur ce que l’on appelle le Small Business Act à l’européenne, un durcissement de la directive européenne dans le sens d’une réduction des délais de paiement.
N’attendons pas 2015 pour modifier le délai de soixante jours, car il serait fâcheux d’envoyer un signal aussi négatif, particulièrement dans le contexte actuel : reconnaissons-le objectivement, notre pays est aujourd’hui un mauvais élève en matière de délais de paiement.
Non seulement la proposition de la commission spéciale ne nous semble pas vraiment opérationnelle, mais elle occulte en outre la volonté qu’a le Gouvernement, partagée, je le crois, par la majorité, de mettre fin à ce qui constitue une mauvaise exception française.