L'objet de cet amendement est clair.
Plus d'un tiers de la réduction des inégalités constatée - 38 % exactement - est dû à l'impôt sur le revenu. C'est dire si le caractère progressif de l'impôt, principe qui consiste à solliciter une plus forte contribution de ceux qui ont plus de ressources, est un puissant facteur de réduction des inégalités.
Le projet de loi de finances que vous nous soumettez aujourd'hui le montre, monsieur le ministre : la lutte contre la réduction des inégalités ne fait pas partie des priorités du Gouvernement ! Telle n'est pas en tout cas l'ambition dont la réduction des tranches d'imposition sur le revenu témoigne ! En revanche, c'est celle que nous souhaitons défendre.
Les réformes annoncées porteront en effet un rude coup à la progressivité. Il m'avait pourtant semblé que M. le Premier ministre prétendait défendre ce modèle français...
Ce projet de budget prévoit de soumettre toujours davantage les choix fiscaux à la concurrence fiscale internationale, de poursuivre et d'amplifier le mouvement des baisses de l'impôt sur le revenu. Or le coût cumulé de ces baisses, entre 2000 et 2006, s'élèvera à 50 milliards d'euros, sans qu'elles aient pourtant provoqué d'effet notable sur l'emploi et la croissance, même si c'est l'objectif que vous affichez à travers ces décisions, monsieur le ministre.
Je rappellerai certains chiffres. La part de l'impôt sur le revenu dans les recettes publiques ne représentera plus que 17, 3 %. C'est l'un des taux les plus faibles d'Europe ! En effet, l'impôt sur le revenu représente 25, 1 % des recettes publiques en Allemagne, 29, 8 % des recettes publiques au Royaume-Uni et 53, 2 % des recettes publiques au Danemark, pays que le Premier ministre prend souvent comme référence. La moyenne dans l'Union européenne des Quinze, avant l'élargissement, se situait à 25, 8 % !
Il n'existe aujourd'hui aucune étude officielle sur le bilan de toutes les baisses d'impôts qui ont été engagées précédemment. Ce serait pourtant utile ! La culture des indicateurs que vous voulez appliquer avec la LOLF ne semble malheureusement pas de mise lorsqu'il s'agit de telles dispositions, monsieur le ministre !
Depuis 2003, la croissance française est tirée presque exclusivement par la consommation des ménages. Tout a été fait pour pousser les Français à puiser dans leur bas de laine, à emprunter ou à débloquer avant terme la participation : baisse de l'impôt sur le revenu, prêt à taux zéro, baisse de la rémunération du livret A, prime fiscale aux prêts à la consommation...
La baisse des prélèvements obligatoires a donc été conçue comme un outil de lutte contre l'atonie de la croissance. Pourtant, ça ne marche pas !
Le fait est que l'idéologie libérale dont vous vous réclamez tente de promouvoir une fiscalité prétendument simple, neutre, efficace, ne perturbant pas la concurrence. Selon cette conception, la fiscalité doit être réduite au seul financement des missions régaliennes. Pour elles seules, vous parlez d'impôts efficaces et économiquement neutres, comme la TVA. Dans cette optique, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés sont nécessairement jugés « confiscatoires » ; l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, est déclaré nuire au développement et à l'investissement des entreprises. Aucune analyse sérieuse - et pour cause ! - ne corrobore pourtant ces affirmations.
Nous pensons, pour notre part, que la fiscalité a pour fonction de redistribuer et de corriger les inégalités.
Loin de verser dans cet aveuglement idéologique, nous proposons d'augmenter le nombre de tranches de l'impôt sur le revenu et de renforcer son rôle redistributif. Nous sommes ainsi porteurs de propositions favorables aux plus modestes et aux classes moyennes.
Je ne prendrai que deux exemples pour le démontrer. Avec notre projet de barème, les abattements de 10 % et 20 % étant maintenus et non intégrés, pour un revenu déclaré de 22 500 euros, le montant de l'impôt dû ne s'élèverait plus qu'à 1 005 euros, soit une réduction de 45 %. Pour les ménages modestes, ce pouvoir d'achat supplémentaire se traduirait par de nouvelles consommations, susceptibles de contribuer à créer de nouveaux emplois.
Comme vous le voyez, notre proposition permet de réduire l'impôt pour les plus modestes et pour les couches moyennes, en faisant payer ceux qui en ont les moyens. C'est cela la justice sociale !