Le montant de la prime était sans doute trop faible à l'époque, et le versement de la prime avait le défaut d'être trop longtemps différé : il intervenait l'année suivante.
À cet égard, la mensualisation que vous proposez, monsieur le ministre, est une bonne chose : elle rendra la prime pour l'emploi plus lisible pour les intéressés.
L'effet incitatif risque cependant de porter bien davantage sur les employeurs que sur les chômeurs ; j'en veux pour preuve l'insistance avec laquelle certains des orateurs de la majorité, tel M. Lambert, regrettent que la prime pour l'emploi n'apparaisse pas directement sur le bulletin de salaire.
Cette insistance nous amène à penser que la prime pour l'emploi est, dans votre philosophie, outre un élément « cosmétique » destiné à atténuer les mesures prises en faveur des revenus les plus élevés, un élément d'ajustement du salaire, ce que nous ne saurions accepter. En effet, on transfère ainsi à la charge de l'État ce qui devrait normalement relever des entreprises. Ce n'est pas notre option.
Nous pensons en effet que les entreprises ne peuvent échapper à leur responsabilité en ce qui concerne les salaires, surtout quand les salaires des dirigeants bondissent : 6 % par an depuis trois ans ! L'écart avec les salaires de base s'accroît considérablement. Certains grands patrons s'en émeuvent eux-mêmes, comme M. Bertrand Collomb, PDG de Lafarge, ou M. Michel Cicurel, président du directoire de la Compagnie financière Edmond de Rotschild.
Pour en revenir à la PPE, son bilan montre qu'elle n'a permis d'atteindre ni l'objectif d'équité ni l'objectif d'incitation que nous avions fixé à l'origine. C'est pourquoi, au groupe socialiste et au parti socialiste en général, on s'interroge sur l'avenir de ce mécanisme.
Quoi qu'il en soit, pour l'heure, nous sommes défavorables à la réforme que vous proposez.
Comme notre collègue M. Bernard Vera vient de le dire, il est manifeste que votre choix de revaloriser la PPE proportionnellement davantage pour les salaires inférieurs au SMIC rompt avec la philosophie initiale de cette mesure, celle du gouvernement de Lionel Jospin, qui visait à favoriser le retour à l'emploi à temps plein.
Le mécanisme que vous instaurez risque d'inciter à la sous-activité, surtout pour les couples. Loin de combattre la précarité, et donc l'assistance, ce mécanisme les encourage. Les employeurs seront en effet incités à proposer des contrats à temps partiel.
Si les contrats à mi-temps de la première année ne deviennent pas la deuxième année des contrats à plein-temps, la chute de revenu sera dramatique pour le salarié : il retombera dans la situation infernale du travailleur pauvre, cette situation que nous voulions, nous, combattre.
Vous jouez ainsi avec le feu, car vous n'entreprenez rien par ailleurs pour transformer ces retours à l'emploi en débuts de véritables carrières professionnelles.
Quant à nous, nous proposons que les travailleurs aient de vrais parcours professionnels et que ces parcours soient sécurisants.
Dans un monde où la vie est toujours plus difficile, toujours plus incertaine, où l'emploi à vie n'est plus garanti, le drame n'est pas tant de se retrouver au chômage que de ne plus être capable de retrouver un emploi.
Le débat doit donc se situer au juste niveau : il faut refuser de placer l'arbitrage entre chômage de masse et précarité ou pauvreté de masse ; nous souhaitons que l'arbitrage se hisse au niveau d'un emploi qui voie alterner périodes d'emploi salarié et périodes de formation.
Vous constatez donc que notre philosophie est radicalement différente de celle qui sous-tend votre projet de réforme.