En effet, nous ne sommes pas là aujourd’hui pour évoquer la stratégie des entreprises publiques, n’en déplaise à M. Fortassin, que je remercie néanmoins de m’avoir fourni l’occasion de rappeler qu’il n’est évidemment pas question de fusion entre EDF et Veolia, pas davantage qu’il n’est question de privatisation d’EDF.
Nous ne sommes pas là non plus, autre mélange des genres, pour traiter d’une situation individuelle, en l’occurrence celle du futur président d’EDF, même s’il est vrai, comme l’ont indiqué MM. Vial et Fortassin, que la situation de M. Henri Proglio est à l’origine de la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui.
Henri Proglio, on l’a rappelé, a été auditionné au Sénat le 28 octobre dernier par la commission présidée par M. Emorine. Il a également été entendu à l’Assemblée nationale, en application de la Constitution telle qu’elle a été révisée à la demande du Président de la République.
Le 6 novembre, Mme Christine Lagarde a répondu dans cet hémicycle même à un certain nombre de questions. Tout d’abord, il n’y a jamais eu et il n’y aura pas de conflit d’intérêt, l’évolution de la gouvernance de Veolia permettant au président d’EDF d’exercer pleinement ses fonctions exécutives dans l’entreprise publique. Quant à la rémunération, je rappelle qu’elle n’est pas fixée aujourd’hui, M. Proglio n’étant pas encore président d’EDF. Le comité de rémunération de l’entreprise fera une proposition sur laquelle le Gouvernement se prononcera.
M. Proglio a indiqué qu’il souhaitait conserver – ce qui, vous en conviendrez, est somme toute légitime et raisonnable – un niveau de revenu global comparable à celui qui était le sien chez Veolia.
Pas de mélange des genres, donc : l’objet de tout texte législatif, et celui-ci ne fait pas exception, est de se prononcer sur un certain nombre de principes, en l’occurrence sur un ensemble de situations au sujet desquelles l’État, dans son rôle d’actionnaire – actionnaire unique, actionnaire majoritaire, voire actionnaire minoritaire –, sera amené à se prononcer sur les questions de nomination et de rémunération des dirigeants.
Je voudrais me féliciter de la qualité du travail qu’ont mené ensemble les auteurs de la proposition de loi, le président de la commission, M. Jean-Jacques Hyest, et le rapporteur, M. Jean-Pierre Vial. Le travail a été particulièrement constructif, j’ai pu le constater moi-même, en particulier grâce à l’écoute et à la bienveillante attention de M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi, ainsi que de M. Michel Charasse. Nous avons ainsi abouti, comme l’a indiqué M. Vial, à un très bon travail de synthèse.
Avant de commenter précisément celui-ci, je voudrais vous redire à quel point cette proposition de loi, inspirée par un souci de transparence – encore une fois, lorsqu’il n’y a pas de mélange des genres ! –, rejoint certaines préoccupations du Gouvernement.
Nous avons souhaité accentuer le contrôle ministériel auquel sont soumises les entreprises dans lesquelles l’État est actionnaire majoritaire, notamment pour ce qui concerne les rémunérations. En outre, nous avons été les premiers en Europe à mettre en place dans ce domaine un système d’encadrement pour les entreprises bénéficiant d’un soutien de l’État.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez les dispositions de la loi de finances rectificative d’avril 2009, dont les décrets d’application ont été pris très rapidement, dès la fin de ce même mois d’avril. Vous les connaissez d’autant mieux qu’elles ont été très largement inspirées par les travaux du président de la commission des finances, M. Arthuis.
Qu’il s’agisse des stock-options, des rémunérations variables, des indemnités de départ ou des retraites chapeau, notre dispositif est complet et couvre un large champ puisqu’il s’applique aux sociétés qui bénéficient du soutien de l’État via la Société de prises de participation de l’État, la Société de financement de l’économie française, ou encore le Fonds de développement économique et social, le FDES. Il a été étendu aux constructeurs automobiles aidés par l’État dans le cadre du plan de relance ainsi qu’aux entreprises cotées dans lesquelles l’État détient une participation, qui doivent respecter scrupuleusement le code éthique élaboré, sur l’initiative du Gouvernement, notamment de Christine Lagarde, par l’AFEP et le MEDEF.
Ce code éthique, vous le savez, prévoit l’interdiction du cumul entre contrat de travail et mandat social, le plafonnement du montant des indemnités de départ, qui sont interdites si le dirigeant échoue, le renforcement de la comparabilité et de la transparence en matière de rémunérations.
Cette transparence, le Gouvernement l’a également mise en pratique à l’occasion de la parution du dernier rapport de l’Agence des participations de l’État, rapport qui, étant public, permet aux parlementaires, mais aussi à tous les citoyens, d’être pleinement informés de la composition des conseils d’administration ou de surveillance des entreprises relevant du périmètre de cette agence, mais également de connaître le montant et les conditions de rémunération des dirigeants.
Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, tous ces dispositifs attestent de la communauté de préoccupation entre les auteurs de la proposition de loi, ceux qui l’ont remaniée et le Gouvernement : tous partagent la même volonté de transparence et de rigueur.
J’en viens à la proposition de loi elle-même. Elle s’inscrit dans le nouveau dispositif constitutionnel, qui, je le répète, permet d’associer les assemblées parlementaires à la nomination des dirigeants des plus grandes entreprises. En l’occurrence, il s’agit d’élargir, pourrait-on dire, les conditions dans lesquelles les assemblées parlementaires formuleront un avis sur ces nominations.
Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, il n’existe pas d’incompatibilité de principe entre une fonction exécutive dans une entreprise publique et un ou plusieurs mandats non exécutifs dans des entreprises privées.
Les dirigeants des entreprises publiques qui ont la forme de sociétés commerciales sont des agents de droit privé, puisque les structures dont ils sont responsables sont des personnes morales de droit privé. Ils sont soumis aux règles du code de commerce relatives au cumul des mandats – je ne les rappellerai pas, mesdames, messieurs les sénateurs, car vous les connaissez parfaitement.
Par ailleurs, il ne nous semble pas justifié, bien au contraire, qu’un dirigeant de droit privé d’une entreprise publique soit empêché d’exercer une autre fonction dans une société privée dès lors que cette seconde activité ne nuit pas à la conduite de ses responsabilités dans le cadre de la direction de l’entreprise publique. Une telle interdiction reviendrait en fait à appauvrir la capacité de gouvernance et de participation avisée à la direction des entreprises publiques d’un certain nombre de dirigeants.
Je voudrais préciser le sens de l’amendement gouvernemental qui sera présenté tout à l’heure et sur lequel j’ai été interrogée.
Tout d’abord, monsieur le rapporteur, vous avez souhaité que l’Agence des participations de l’État puisse en tant que telle fournir des documents aux assemblées parlementaires. Nous n’avons aucune objection à cet égard. Nous estimons même que l’information pourrait être encore plus large. En effet, l’Agence des participations de l’État, au sein de la direction générale du Trésor et de la politique économique, n’est que l’un des services auxquels le ministre de l’économie peut demander de fournir aux assemblées parlementaires un avis dûment éclairé. En outre, les questions en cause peuvent concerner des entreprises qui n’entrent pas dans le champ de la compétence de l’APE.
C’est pourquoi nous avons souhaité indiquer, dans la rédaction de l’amendement que je défendrai, que toute la transparence serait assurée par le ministre des finances – aujourd’hui, Christine Lagarde – à partir des avis des différentes entités du ministère des finances concernées, parmi lesquelles, bien entendu, figure l’APE.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous m’avez demandé si le rapport de l’APE, qui est transmis aux assemblées parlementaires, pourrait contenir des informations relatives aux entreprises qui n’entrent pas dans le champ de l’article 13 de la Constitution, de façon à rendre celles-ci plus transparentes, conformément à l’objet de la présente proposition de loi. Je vous confirme que tel sera le cas, ainsi que le Gouvernement l’a indiqué durant les travaux préliminaires menés avec vous-mêmes et les auteurs de la proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, notre souci de transparence nous amène à considérer d’un œil tout à fait intéressé cette proposition de loi. Nous avons pensé pouvoir, en accord avec vous, en améliorer encore la formulation. L’adoption du texte de la commission assorti de l’amendement du Gouvernement dont je viens de donner le sens permettra, je le crois, d’avancer sur la voie de la transparence et, au-delà des principes, je le répète, d’améliorer la gouvernance des entreprises dans lesquelles l’État possède des intérêts.