À l'occasion de l'examen de cet article, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement et celle de nos collègues sur un aspect important, bien que complexe : l'évaluation du coût global du dispositif fiscal relatif aux biocarburants.
Je rappelle que les dispositions tendant à favoriser l'incorporation des biocarburants dans les carburants fossiles afin de réduire les émissions polluantes, comme le recommande d'ailleurs l'Union européenne, sont de deux natures.
Premièrement, il s'agit de réduire la TIPP applicable aux biocarburants, dont les tarifs sont différenciés selon la nature des produits concernés.
Deuxièmement, il s'agit de réduire la « TGAP pétrolière », c'est-à-dire le prélèvement supplémentaire prévu sur la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, qui peut être diminué en fonction de la valeur énergétique des biocarburants incorporés. Vous vous souvenez, mes chers collègues, que nous avons créé l'an dernier ce dispositif, qui se veut dissuasif si l'on n'incorpore pas une proportion suffisante de biocarburants.
Dans un cas comme dans l'autre, le coût du dispositif est multiple.
Tout d'abord, il consiste en une diminution des recettes de l'État, ce qui crée une dépense fiscale, et donc un effort supplémentaire de la part du contribuable français. Celle-ci semble particulièrement difficile à évaluer, notamment parce que le taux d'incorporation total des biocarburants n'est connu qu'en fin d'année.
Ensuite, ce coût intègre une augmentation des prix à la pompe pour les consommateurs, qu'il est également difficile d'évaluer, mais qui provient du mécanisme de la TGAP.
Enfin, il faut rappeler la mise en concurrence des filières de production des différents biocarburants, qui s'exerce sur le plan national comme sur le plan international.
Si cette concurrence est légitime et utile à moyen terme, elle peut conduire à la disparition ou à la « non-émergence » d'unités de production, au renforcement de monopole, à des distorsions de concurrence, ce qui peut être générateur de coût économique.
Dans un contexte d'augmentation des prix du carburant, qui ont atteint des paliers élevés, l'ensemble de ces coûts ne doit pas être négligé, mais il faut toujours le mettre en regard des avantages environnementaux réels obtenus grâce à tous ces dispositifs fiscaux.
L'article 13 du présent projet de loi de finances pour 2006 propose des modifications importantes du code des douanes. Nos collègues députés y ont, d'ailleurs, consacré un temps significatif et l'ont largement amendé.
Or, il faut bien reconnaître, monsieur le ministre, que, sur ces sujets, nous travaillons un peu à l'aveuglette. Aucune véritable étude d'impact n'est facile en la matière et les effets environnementaux peuvent faire l'objet de différentes appréciations.
Le rapport conjoint du conseil général des mines, de l'inspection générale des finances et du conseil général du génie rural, des eaux et forêts du 20 septembre 2005, intitulé « L'optimisation du dispositif de soutien à la filière biocarburant », donne une estimation relativement imprécise du coût du dispositif en faveur des biocarburants.
En adaptant les hypothèses utilisées par ce rapport aux modifications prévues par le présent projet de loi de finances et à l'accélération de la mise en oeuvre du plan gouvernemental en faveur des biocarburants, il semblerait que, si aucune incorporation n'était réalisée - c'est une théorie -, le coût de la taxe générale sur les activités polluantes - la TGAP - reportée intégralement sur les consommateurs serait de 2 400 millions d'euros en 2008.
Le chiffre donné pour la TIPP est de 1 269 millions d'euros en 2008, mais doit être minoré dans la mesure où il n'est pas tenu compte des réductions prévues par le présent projet de loi de finance pour 2006.
Les évaluations communiquées par les entreprises du secteur, qui doivent bien sûr être prises avec la prudence nécessaire, sont différentes et prévoient, pour leur part, 245 millions d'euros pour la TGAP et 123 millions d'euros au titre de la TIPP en 2006 et, avec l'hypothèse d'un prix de baril stable, 2 788 millions d'euros pour la TGAP et 855 millions d'euros pour la TIPP en 2008, soit une diminution des recettes de l'État au titre de la TIPP et de la TGAP pétrolière de 368 millions d'euros en 2006 et de 3 643 millions d'euros en 2008.
Je souligne ces chiffres, fondés néanmoins sur des estimations incertaines, pour rappeler l'importance de la politique nationale menée en faveur des biocarburants. C'est une grande politique nationale et nous acceptons un coût élevé.
Il est important, monsieur le ministre, que ces estimations soient affinées et complétées. Il est indispensable de connaître l'effort réellement consenti par l'État ainsi que les conséquences sur l'environnement, d'évaluer la charge à la pompe reportée sur les consommateurs et de mesurer les effets supportés, en terme de concurrence notamment, et les bénéfices tirés de ces dispositifs par les sociétés pétrolières et par les unités de production de biocarburants.
A partir de là, le souci de la commission des finances est de veiller à l'équité entre les filières et au développement de l'innovation technologique en faisant entrer dans la famille des biocarburants de nouveaux produits ; nous devons également être particulièrement attentifs à la cohérence de l'ensemble de ces dispositifs. En d'autres termes, il convient de faire en sorte que le Parlement soit pleinement responsable de tout ce secteur pour les décisions qui sont de sa compétence et, après avoir entendu les professionnels, qu'il garde une nécessaire indépendance par rapport à ces derniers.