Les compétences du futur président d’EDF ne sont aucunement en cause – il les a démontrées dans sa carrière – et les questions de rémunération relèvent d’un autre débat plus global.
La question posée aujourd’hui est d’une cardinale importance : il s’agit de la possibilité de cumuler la présidence d’EDF, établissement public à caractère industriel ou commercial chargé d’une mission de service public, et la présidence du conseil d’administration de Veolia, entreprise privée, cet EPIC et cette entreprise réalisant à eux deux plus de 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Il n’est pas sain de cumuler des fonctions de direction dans le secteur public et dans le secteur privé, en raison, d’abord, d’un risque évident de conflit d’intérêts, d’autant que ce précédent emblématique, certes, très rare et quasi unique, pourra se décliner et ce, sans aucun véritable garde-fou, sans oublier les exigences de compatibilité avec les règles du droit européen de la concurrence.
De deux choses l’une : soit il s’agit d’un choix d’intérêt personnel du futur président d’EDF et pour l’intérêt général cela ne saurait être une justification, soit il s’agit de mettre en place la stratégie de la constitution d’un nouveau groupe, d’une fusion, auquel cas il faut le dire clairement.
Il existe des signes avant-coureurs inquiétants, dont la cession en cours par la Caisse des dépôts de la moitié du capital de Transdev à Veolia, décision peu respectueuse du choix du service public de nombre de collectivités locales. De la même manière, est envisagé d’ici à quelques mois l’apport d’EDF à Veolia de sa participation minoritaire dans la filiale commune Dalkia.
Quel est l’intérêt du futur président d’EDF, pouvant bénéficier d’une confortable retraite de Veolia, de conserver la présidence du conseil d’administration de Veolia alors qu’il a déclaré, lors de son audition devant la commission de l’économie du Sénat, qu’il n’aura plus qu’à présider six ou sept conseils d’administration par an, ce qui signifie que 98 % de son temps sera consacré à EDF ? S’il y a une logique, qu’on nous la dise !
Concernant les risques de conflit d’intérêts, dire qu’il n’a pas eu connaissance de sujets susceptibles d’en créer n’est aucunement une garantie pour l’avenir.
Il y a là une véritable question de principe extrêmement importante pour tous ceux qui sont attachés à la réussite d’EDF, à la poursuite et à la diversification de son développement.
La synergie des deux groupes, que l’on nous vante, nécessite-t-elle une situation mettant en péril l’indépendance de l’établissement public EDF ?
Monsieur le rapporteur, nous reconnaissons volontiers que notre proposition de loi initiale était imparfaite et aurait mérité un travail plus approfondi. L’actualité et les règles de dépôt et de discussion nous imposaient, comme je l’ai rappelé, d’agir au plus vite. C’est donc bien volontiers que nous avons accueilli vos remarques et vos commentaires, conscients des lacunes originelles.
Mais celles-ci n’en enlèvent pas moins la pertinence du cœur de notre propos. Notre proposition était peut-être inadéquate en droit ; le texte qui nous est soumis est-il adéquat au fond ?
S’agissant de la question du cumul de fonctions, le droit prévoit déjà un certain nombre de prohibitions et de limites à destination des agents publics, des membres de cabinet ou des mandataires sociaux de sociétés commerciales, et il est issu de la loi Sapin de 1993 créant la commission de déontologie.
Cependant, rien dans le droit n’interdisait actuellement que le dirigeant d’une société commerciale puisse également occuper des fonctions similaires à la tête d’une entreprise publique, y compris le cas échéant en additionnant les rémunérations afférentes. Voilà sans doute la preuve que nul n’avait imaginé qu’un tel cas de figure se produirait.
Nous en convenons, le choix de soumettre l’appréciation du conflit d’intérêts à la commission de déontologie créait de jure une nouvelle compétence à la charge de celle-ci.