Cet amendement vise à limiter la progression du crédit d’impôt recherche qui, selon le projet de loi de finances pour 2009, devrait connaître une augmentation de 620 millions d’euros et atteindre un montant de plus de 2 milliards d’euros. En outre, le coût du crédit d’impôt recherche pourrait s’élever, en 2012, à 4 milliards d’euros. Cette dépense fiscale est d’autant moins légitime qu’elle ne semble pas avoir d’effet moteur sur la recherche privée.
Si le crédit d’impôt recherche a connu une progression de 265 % entre 2002 et 2006, les dépenses de recherche des entreprises n’ont augmenté que de 2 % au cours de la même période.
Par ailleurs, ce dispositif favorise davantage les grandes entreprises que les PME, comme le souligne l’étude de France Biotech publiée en avril 2008.
Plus inquiétant encore, il apparaît que certaines grandes entreprises françaises se sont livrées à de subtiles manœuvres visant à faire entrer sous le label « recherche et développement » certaines de leurs activités classiques afin de pouvoir bénéficier du crédit d’impôt recherche.
On mesure ainsi l’effet d’aubaine pour les grands groupes, d’autant que le critère d’augmentation de la part d’investissement dans la recherche et développement a été abandonné l’année dernière et qu’aucun contrôle de la bonne utilisation du dispositif n’est prévu. Dès lors, les entreprises peuvent bénéficier d’allégements fiscaux sans engager le moindre euro supplémentaire dans leurs activités de recherche.
Cette situation inquiète bon nombre d’élus, de l’opposition comme de la majorité, qui ont encore fait part de leur vive préoccupation quant à la non-évaluation de ce dispositif, lors du débat budgétaire devant l’Assemblée nationale, voilà quelques semaines.
La Cour des comptes elle-même a recommandé une réelle évaluation des effets du crédit d’impôt recherche. Dans son rapport annuel pour 2006, elle indiquait ceci : « le coût budgétaire du crédit d’impôt recherche incite à développer les moyens d’évaluation de ses effets sur l’évolution de la recherche des entreprises. De telles évaluations, comme toutes celles concernant les dépenses fiscales, sont sans doute difficiles et délicates à mener et à interpréter. »
Le ministère reconnaît également que les effets du crédit d’impôt recherche demeurent largement méconnus. On pouvait ainsi lire dans le « bleu » consacré à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » pour 2009 : « On ne dispose pas à ce jour d’études précises permettant d’évaluer l’efficience du crédit d’impôt recherche pour les finances publiques et les entreprises. »
Depuis plusieurs années, le ministre de la recherche et de l’enseignement supérieur répond à la représentation nationale qu’une évaluation précise du crédit d’impôt recherche lui sera fournie « dans les meilleurs délais ». Cette année encore, tandis que les parlementaires sont appelés à approuver une progression de 40 % du crédit d’impôt recherche, soit plusieurs centaines de millions d’euros de pertes de recettes à venir, aucune évaluation ne leur sera présentée.
Aussi souhaitons-nous que les sommes engagées dans ce dispositif fiscal aux effets incertains soient mises en réserve et n’affectent donc pas les recettes du prochain budget, en vue de conforter l’aide aux PME engagées dans la recherche et le développement et, plus encore, de renforcer, dès l’année prochaine, les crédits budgétaires des opérateurs de recherche du secteur public, universités et organismes publics.
À ce titre, il est utile de rappeler que l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, affirme que le succès de l’innovation et l’attractivité des régions pour les centres de recherche privés passent par une recherche publique et des universités attractives. Elle note que les incitations fiscales n’arrivent qu’au neuvième rang des facteurs déterminant pour l’implantation des activités de recherche et développement des entreprises, bien après la présence de chercheurs, l’existence d’universités et les facilités de coopération avec celles-ci.
Dès lors, il nous apparaît plus pertinent de favoriser la dépense publique en faveur des opérateurs publics de la recherche, plutôt que d’abonder un dispositif fiscal inefficace.