Nous entamons la série des articles qui ont été inspirés par les déclarations du Président de la République de cet été. Le principe en est simple : toujours plus de répression, même en l’absence de toute évaluation qui permettrait de savoir si plus de répression aboutit à moins de délinquance. Et y a-t-il un lien direct entre l’empilement continu de textes répressifs et une diminution des infractions dans ce pays !
Cette réflexion n’est pas la mienne ; c’est celle de la commission des lois qui, avec sa circonspection habituelle, sa sagesse, sa distance par rapport à ces questions, sa connaissance souvent excellente des questions pénales et pénitentiaires – nous l’avons d’ailleurs démontré lors de l’examen de la loi pénitentiaire –, a souvent beaucoup de réticences devant cette politique maximaliste du « tout sécuritaire ».
Souvent, une véritable philosophie se dégage de notre commission, et je tiens à la saluer.
Sur la question des peines planchers, notre commission a fait son travail habituel. En première lecture, elle avait repoussé l’amendement gouvernemental qui instaurait une peine minimale pour les délits de violences volontaires aggravées ou les délits commis avec des circonstances aggravantes de violence, sans que leurs auteurs – c’est là le point important – soient en état de récidive légale. Voilà ce qui s’était passé en commission. Mais, en séance, chacun est tenu par ses options politiques, et nous le comprenons, et chacun a donc examiné cette question sous la houlette de son chef de file.
M. Gérard Longuet a faitadopter un sous-amendement pour tenter de rendre plus acceptable la proposition du Gouvernement – ce qui signifie, entre nous, qu’elle ne l’était pas, au départ ! Notre collègue a ainsi réussi à aménager un peu ce texte, en lui apportant quelques correctifs.
Nous restons farouchement opposés à cet article, sur la forme et sur le fond.
Sur la forme, d’abord : on peut faire beaucoup, mais pourquoi ne pas le faire bien ? Pourquoi une disposition de cette importance est-elle proposée par voie d’amendement alors qu’elle mériterait d’ouvrir la discussion sur la nature même de notre droit pénal, une discussion qui ne serait pas seulement un moment dans l’examen d’un texte ?
Sur le fond, surtout, peut-on nous apporter quelques éléments chiffrés pour montrer que les peines planchers ont un effet dissuasif ? Peut-on faire la démonstration avec des chiffres fiables et une étude d’impact objective ? Je pense que non !
En revanche, nous savons que le principe de base de notre droit pénal est la personnalisation des peines. Une peine doit être une sanction, nous en sommes bien d’accord, mais ce doit être aussi une sanction adaptée aux circonstances et à la personnalité de l’auteur qui ménage la possibilité d’une réinsertion, comme le Conseil constitutionnel nous l’a souvent rappelé.
Au surplus, imagine-t-on les conséquences de ce texte pour les mineurs ? Dans certains cas et avec certaines infractions, pour les mineurs, le principe devient la prison et l’exception, les mesures alternatives.
Tout cela est absolument contraire à l’ordonnance de 1945, qui précise que le juge des enfants ou le tribunal pour enfants doivent toujours motiver et personnaliser les peines d’emprisonnement, qui ne sauraient être automatiques.
Nous allons à l’encontre de ce principe. Franchement, nous ruinons l’esprit de notre droit pénal !